Pour BlackBerry, l’avenir est dans le clavier... et la monétisation de BBM

Le pionnier canadien des smartphones se recentre sur le marché des entreprises, ses racines. De passage à Paris, le directeur de la branche Entreprises explique à la Tribune ce repositionnement et le potentiel de recettes de la messagerie instantanée.
Delphine Cuny

Rassurer les clients, les convaincre que BlackBerry est toujours là, et pour un moment. C'est la mission de John Sims, nommé fin décembre aux commandes de la branche Entreprise de BlackBerry par le nouveau directeur général, John Chen. De passage à Paris, le dirigeant a tenu à montrer « à nos clients, qui se sont montrés fidèles et patients, que nous les écoutons et que nous prenons des mesures rapides, que nous sommes capables d'innover et d'exécuter », confie-t-il à La Tribune, en marge d'un événement clients. Répondre à leurs attentes, c'est par exemple revenir à sa marque de fabrique, le fameux clavier physique complet Azerty « que nos clients adorent » : le BlackBerry Classic (Q20), qui sortira en octobre ou novembre, en sera équipé « mais avec un aspect plus moderne » assure John Sims. Le fabricant canadien a même relancé la production du Bold, un de ses modèles à succès très prisé des milieux d'affaires, en attendant l'arrivée de son successeur.

Les entreprises, le centre de gravité

En parallèle, BlackBerry va sortir courant avril un tactile low-cost, le Z3, le premier modèle fabriqué par Foxconn, dans un premier temps en Indonésie. Une annonce qui semble contradictoire avec le repositionnement stratégique du groupe.

« Notre directeur général John Chen a expliqué que nous nous recentrons sur le marché des entreprises. Cela signifie que ce doit être notre centre de gravité. Mais cela n'est pas incompatible avec le segment grand public, dans lequel nous avons un business et où se trouvent les volumes. Nous lançons de nouveaux appareils à destination des pays émergents où apparaît toute une classe moyenne : il est important que les professionnels de demain soient familiers avec l'expérience BlackBerry. A long terme, les deux marchés ne sont donc pas si déconnectés » plaide le directeur des solutions Entreprises.

« Nous revenons à nos racines » a-t-il fait valoir devant les clients français, affirmant que « BlackBerry est synonyme d'entreprise et de sécurité. Certains disent que la sécurité, ce n'est plus important. C'est faux. Avec la quantité de données qui circulent, la sécurité, qui fait partie de notre héritage, reste un point clé. » Il a rappelé qu'une intrusion entraînant des pertes de données coûte en moyenne plus 5 millions de dollars à une entreprise, sans parler des dommages en termes de réputation. 

 Baisse du prix des licences et programme de fidélité

Pionnier en entreprise, BlackBerry n'est plus seul, « même s'il existe des entreprises ou des organisations qui n'utilisent que BlackBerry, comme la Maison Blanche ou le français PSA. » Et chouchouter les clients professionnels, les Airbus, Bouygues Construction et autres Peugeot, entre autres grandes références hexagonales (60% des entreprises du CAC 40 seraient clientes), c'est aussi entendre les critiques sur ses solutions jugées parfois trop chères. « Il fallait que nous soyons plus compétitifs mais aussi que notre tarification soit plus simple. Nous proposons désormais deux niveaux de services, Silver et Gold », à respectivement 15 euros et 47 euros par an par utilisateur, « et nous laissons le choix aux clients entre licence annuelle ou perpétuelle, même si la tendance est plutôt à la première. »

 Autre mea culpa : « nous n'avons pas été assez rapides pour proposer une solution multiplateforme, compatible avec plusieurs systèmes d'exploitations. Notre solution BlackBerry Enterprise Service 10 fonctionne sous iOS et Android et son successeur BES12 qui sortira en novembre intégrera Windows Phone 8. Et nous disons à nos clients : vous avez peut-être entre temps acheté des solutions de gestion de la mobilité en entreprise chez des concurrents, comme Good Technology, Airwatch, MobileIron. Nous vous proposons de migrer gratuitement vers une licence perpétuelle de niveau correspondant. » Ce programme EZ Pass, lancé le 31 mars et qui court jusqu'en janvier, permet de faire revenir les brebis égarées et aurait déjà séduit 700 clients en quelques jours.

 La messagerie BBM se met à la mode des « stickers »

Autre révolution interne : BlackBerry va tenter de monétiser sa très populaire messagerie instantanée BBM, aux 85 millions d'utilisateurs actifs par jour (113 millions de membres). Le groupe a lancé la semaine passée une version mise à jour de son application mobile pour iPhone et Android qui propose désormais des « stickers » payants (1,79 euro le pack de 12 par exemple) : ce sont des sortes d'émoticônes à télécharger dont raffolent les jeunes et qui ont fait le succès d'autres services comme l'application Line, qui en retire 30% de son chiffre d'affaires ! « C'est la première fois que nous déployons cette stratégie de monétisation et nous irons au-delà des stickers nous proposerons différents produits numériques » explique John Sims.

 Monétisation avant un adossement de BBM ?

BlackBerry veut aussi développer la publicité sur les « chaînes BBM » lancées en novembre, sortes de fil d'actus à la Twitter (mais des messages de 400 caractères), créées par des marques, des personnalités ou des communautés. Il en existe plus de 500.000 et « certaines grandes marques y sont plus suivies que sur YouTube, comme Mercedes qui a 103.000 membres » relève John Sims. Les annonceurs, éditeurs de jeu, etc, vont pouvoir mettre en avant des contenus sponsorisés, sur lesquels BlackBerry prélèvera une commission « qui variera en fonction des marques. » Et la firme de Waterloo veut en tirer parti dans le monde des entreprises : elle vient de lancer la suite logicielle eBBM, une version cryptée de la messagerie, qui permet également d'enregistrer des conversations pour des raisons de conformité, « un service également monétisable, par utilisateur, par mois » par exemple auprès de clients du monde de la finance.

La rumeur a circulé d'une vente ou d'une scission de BBM. « John Chen a dit, un peu sur le ton de la plaisanterie, que si quelqu'un vient nous proposer 19 milliards, comme Facebook à WhatsApp, on réfléchirait ! Mais nous ne cherchons activement à le vendre » nuance John Sims. En revanche, BlackBerry n'exclut pas de s'associer « à un partenaire intéressé à nous aider à faire croître plus vite BBM, à atteindre plus d'utilisateurs et à accélérer la monétisation. Ce serait plutôt un acteur de l'Internet ou du marketing » décrit le directeur Entreprises. Avis aux Google et autres Yahoo qui regretteraient d'avoir laissé filer WhatsApp...

Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 10/04/2014 à 15:53
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Monétisation, monétisation et encore monétisation. Mais il rassure les actionnaires pas les clients ???

à écrit le 10/04/2014 à 15:07
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C'est Alain Delon ce type: "Parole, parole, parole" encore des mots!

à écrit le 10/04/2014 à 13:56
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Je suis heureux d'apprendre que BlackBerry a un avenir....j'en doutais.

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