Comment la star du WiFi gratuit Gowex a perdu la moitié de sa valeur en un jour

La société espagnole spécialiste des accès WiFi dans les transports et lieux publics a perdu 600 millions d’euros de capitalisation boursière en une séance ce mardi à la publication d’une étude affirmant que 90% de son chiffre d’affaires "n’existe pas". Gowex rejette les accusations de Gotham City Research, spécialiste de la vente à découvert, qui a déjà fait d’autres victimes.
Delphine Cuny
Le directeur général de Gowex, Jenaro Garcia Martin, rejette catégoriquement les accusations de Gotham City Research qui affirme que la société a gonflé artificiellement son chiffre d'affaires.

« Gowex vaut 0 € euro par action. Plus de 90% du chiffre d'affaires déclaré de Gowex n'existe pas. Nous pensons que ses revenus réels sont inférieurs à 10 millions d'euros. » Voilà le résumé accablant de l'étude de 90 pages publiée mardi par Gotham City Research sur la société espagnole Gowex, spécialiste des accès WiFi dans les lieux publics et les transports, tels que le métro de Paris. Gowex est accusé d'être une sorte d'Enron toute proportion gardée, avec « des revenus surévalués d'un facteur 10 au moins », par rapport aux 183 millions d'euros publiés au titre de 2013, des comptes « trop beaux pour être vrais », des facturations gonflées et suspectes et un directeur général ayant fait « de fausses déclarations » à plusieurs reprises.

Résultat : la société, cotée à Madrid sur le marché alternatif et sur Alternext à Paris, a perdu jusqu'à 60% de sa valeur en séance, et plus de 46% à la clôture à 10,71 euros, sa capitalisation boursière fondant de 1,4 milliard d'euros à 774 millions en une journée dans des volumes record. La société espagnole, entrée en Bourse en mars 2010 à 4,24 euros, s'est fendue d'un communiqué une heure avant la fermeture des marchés, criant à la manipulation de cours :

« Les informations publiées aujourd'hui par Gotham City Research LLC comporte des inexactitudes importantes et des déclarations fausses que la société considère diffamatoires. Avec un document non signé, l'unique objectif recherché par Gotham City Research est de nuire délibérément au cours de Bourse et à l'image de Gowex, à son seul profit. Gowex n'hésitera pas à poursuivre les responsables du rapport et toute personne impliquée. Gowex rejette catégoriquement les conclusions du rapport de Gotham City Research » affirme le directeur général Jenaro Garcia Martin dans ce communiqué.

Un hedge fund qui vend à découvert pour ramasser la mise ?

Mais qui est Gotham City Research ? Derrière ce nom emprunté à l'univers des superhéros (il s'agit de la ville de Batman), se trouve probablement un hedge fund, un fonds spéculatif : pour toute présentation, la société, qui n'est pas un courtier ni un cabinet ayant pignon sur rue, indique qu'elle se concentre sur des investissements dans des « cas spéciaux », en s'appuyant sur l'audit des comptes (due diligence), admettant qu'elle pouvait avoir « des positions d'acheteur ou de vendeur » sur les valeurs qu'elle couvrait.

Le « Financial Times » s'est penché sur le mystère Gotham en avril dernier lorsque la société a publié « un rapport très critique » sur le cabinet de conseil britannique Quindell, envoyant son cours au tapis dans un scénario comparable à celui de Gowex : selon le quotidien britannique, ce serait « un groupe de vendeurs à découvert » lié à un certain Daniel Yu, présent sur Twitter sous le pseudonyme @LongShortTrader. Gotham City Research a commencé à publier des rapports incendiaires en février 2013 et fait d'autres victimes, Blucora, the Tile Shop. Et Quindell ne s'est pas remise de son plongeon d'avril dernier. 

Rétablir la vérité et sa crédibilité

 Y a-t-il du vrai dans le rapport de Gotham City Research, présenté comme la conclusion de « huit mois d'audit » ? C'est désormais à Gowex de rétablir la vérité point par point et de restaurer sa crédibilité. Car l'étude a peut-être fait mouche parce que le cours avait explosé en 2013 et que des analystes avaient quelques doutes sur les revenus générés par certains contrats de la société.

Par exemple, Gotham affirme que « Gowex a déclaré à des investisseurs que la ville de New York lui payait 7,5 millions d'euros. Gowex nous a dit 2 millions. Le montant réel serait inférieur à 200.000 euros selon la ville. »

Par ailleurs, Telefonica est-il vraiment un client de Gowex ou l'inverse ? Plus généralement, le rapport s'interroge sur la rentabilité du marché du WiFi gratuit. D'autres arguments de l'étude sont clairement plus fantaisistes : par exemple, l'estimation du chiffre d'affaires en fonction des honoraires payés à l'auditeur, la comparaison des ventes par employé avec des entreprises comme Google, Microsoft ou Facebook. La balle est désormais dans le camp de Gowex et de son patron et fondateur, personnellement attaqué dans ce rapport.

Recrutement d'un auditeur prestigieux

Dans l'après-midi mercredi, la société a publié un nouveau communiqué dans lequel elle confirme notamment avoir réalisé un chiffre d'affaires de 182,6 millions d'euros en 2013. Elle rappelle compter parmi ses clients et partenaires de grands groupes tels que Cisco, ZTE, AT&T, Skype et Iberia.

« Afin de renforcer la transparence, la société va soumettre un appel d'offres auprès de prestigieux cabinets d'audit en vue d'en retenir un dans les semaines à venir » indique Gowex ce mercredi.

L'action Gowex perd encore 24% ce mercredi au lendemain de son plongeon de 46%.

Article mis à jour mercredi à 16h30.

Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 02/07/2014 à 8:57
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"l'estimation du chiffre d'affaires en fonction des honoraires payés à l'auditeur" serait fantaisiste ? Le CAC est payé à l'heure. Et plus le chiffre d'affaires est élevé, plus cela suppose un travail important pour le CAC. Pour infos, pour 200 Ke d...

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