Comment les Chinois bousculent l’élite de la planète mobile

De Xiaomi à Huawei en passant par WeChat, fabricants de smartphones et éditeurs de messagerie de l’Empire du Milieu s’octroient déjà une place de choix dans le secteur de la téléphonie mobile. Le prochain Mobile World Congress de Barcelone qui s’ouvre lundi devrait consacrer cette ascension fulgurante.
Delphine Cuny
Lei Jun, fondateur de Xiaomi, le petit nouveau du smartphone à l'expansion météoritique.
Lei Jun, fondateur de Xiaomi, le petit nouveau du smartphone à l'expansion météoritique. (Crédits : © Jason Lee / Reuters)

Quelle que soit la marque de votre téléphone, il est « made in China », même s'il a peut-être été « conçu en Californie » (Apple), en Corée du Sud (Samsung, LG) ou au Japon (Sony). Mais les fabricants chinois ne sont plus seulement des sous-traitants à bas coûts : ils sont en train de s'imposer dans le palmarès des constructeurs de smartphones sous leur propre marque. Si d'un point de vue logiciel et écosystème, la planète mobile reste dominée par les californiens Google (Android) et Apple, le duopole formé par ce dernier et Samsung s'érode à vitesse grand V. Sur les dix premiers vendeurs de smartphones en volume, six sont chinois, relèvent les experts du cabinet Strategy& (ex-Booz, désormais intégré à PwC).

« Le soleil du high-tech se lèvera peut-être à l'Est et non plus à l'Ouest » résume Mohssen Toumi, associé du cabinet Strategy&.


Ces six nouvelles stars du mobile venues de l'Empire du Milieu sont Lenovo, le constructeur de PC, devenu numéro trois du secteur depuis son rachat de Motorola, qui a écoulé 92 millions d'appareils en 2014 (à comparer aux 327 millions de Samsung et aux 191 millions d'Apple), Huawei, l'équipementier télécoms qui a réussi sa percée dans le low-cost puis le milieu de gamme (à 69 millions d'exemplaires) au point de talonner désormais LG, la startup pékinoise Xiaomi à la trajectoire météoritique (61 millions d'unités), Coolpad, peu connu en Occident mais numéro trois sur le marché chinois (49 millions), ZTE, l'autre équipementier de réseaux de Shenzhen (36 millions) et TCL, qui fabrique sous la marque Alcatel, grâce à un contrat de licence (32 millions).

Xiaomi, un géant s'est éveillé en trois ans

 La montée en puissance de Xiaomi (prononcez « Shaomi ») est emblématique de cette nouvelle génération de constructeurs : la société, dont le fondateur Lei Jun vient d'être désigné « entrepreneur de l'année » 2014 par Fortune China, a commercialisé son premier smartphone sous Android en août 2011 et vu ses ventes exploser de 2 milliards de dollars en 2012 à 11,9 milliards en 2014 ! Parti de zéro, cet acteur a réussi la prouesse de détrôner le grand leader Samsung en trois ans en devenant numéro un sur l'énorme marché chinois, en s'arrogeant une part de 12,5% sur l'année 2014 et même de 13,7% au quatrième trimestre selon le cabinet IDC.

« Xiaomi a inventé un business model totalement différent, en misant sur la vente en ligne, avec des coûts de distribution nettement réduits, mais une exigence forte sur l'interface utilisateur et la qualité des produits, en adoptant un positionnement très différent de Huawei et ZTE » relève Pierre Péladeau, associé chez Strategy&.


Il remarque toutefois que la valorisation de 45 milliards de dollars de Xiaomi lors de son dernier tour de table de 1,1 milliard en décembre participe « sans doute d'une bulle. »


Xiaomi n'aura pas de stand au Mobile World Congress mais son directeur pour l'international, Hugo Barra, transfuge de Google-Android, participe à une table ronde sur l'évolution des contenus. Car la jeune entreprise pékinoise ne vend pas seulement des smartphones au design soigné à la Apple mais deux à trois fois moins chers : elle met l'accent sur ses applications, de musique par exemple, ses services, ses accessoires, écouteurs, mini-boîtier de diffusion de contenus multimédias à la Chromecast, etc. Pour l'instant, le nouveau constructeur ne s'est pas attaqué au marché européen mais il va commencer à commercialiser ses accessoires aux Etats-Unis au printemps.

Huawei double le suédois Ericsson


Un autre acteur chinois a franchi une étape majeure l'an dernier, plus discrètement, dans les équipements de réseau :

« Pour la première fois, en 2014, Huawei a dépassé Ericsson en chiffre d'affaires, à 27,9 milliards d'euros contre 24,3 milliards, et ce sans compter son activité de terminaux mobiles » relève Mohssen Toumi.


Tout un symbole. L'équipementier de Shenzhen revendiquait le titre de numéro un mondial depuis deux ans mais en comparant son chiffre d'affaires total alors que le géant suédois est sorti de l'activité de téléphones mobiles en vendant ses parts de sa joint-venture avec Sony fin 2011.

Et l'expert de Strategy& souligne que l'équipementier chinois ne gagne pas des parts de marché par ses bas prix mais par la qualité de sa technologie. Les opérateurs apprécient en particulier sa technologie "single-RAN", qui regroupe en un seul gros boîtier sur une antenne-relais mobile de quoi émettre et capter en 2G, 3G et 4G.

WeChat, la messagerie sociale milliardaire

Même dans le logiciel, dans les services de communication, les Chinois amorcent une percée spectaculaire. Ainsi, le géant de la messagerie sociale WeChat se place juste derrière Facebook Messenger en nombre d'utilisateurs actifs par mois : 468 millions contre 500 millions, encore loin derrière WhatsApp à 700 millions. Or la filiale du mastodonte de l'Internet chinois Tencent a commencé à se déployer dans plusieurs dizaines de pays et compterait plus de 30% d'utilisateurs hors de Chine.

L'an dernier, c'est le fondateur de WhatsApp, qui venait d'accepter l'offre de rachat à 19 milliards de Facebook, qui était la vedette du Mobile World Congress. WeChat ne sera pas officiellement présent au MWC. Mais la messagerie made in China n'a pas fini de faire parler d'elle dans les allées du salon : selon sa maison-mère, les utilisateurs de WeChat ont consommé l'an dernier l'équivalent de 15,3 milliards de dollars d'Internet mobile et la moitié de ceux qui l'utilisent pour réserver un taxi, une fonction très prisée, dépenseraient en moyenne plus de 16 dollars par mois. La valorisation de WeChat est estimée au bas mot à quelque 64 milliards de dollars...

Delphine Cuny

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Commentaires 5
à écrit le 05/03/2015 à 11:05
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Très intéressant comme article! Enfin la Chine se réveille.La bataille de l'innovation ne fait que commencer...

à écrit le 02/03/2015 à 12:12
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Il est évident qu'une si rapide montée en régime cache des Ambitions Planétaires. Huawei pour l'infrastructure. One pour le Très Haut de Gamme Lenovo et Xiaomi pour la Masse Critique des marchés/Cibles.

à écrit le 02/03/2015 à 12:01
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Avec Huawei surtout , les Girls... ;-)

à écrit le 02/03/2015 à 11:56
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Avec Xiaomi aussi.

à écrit le 02/03/2015 à 8:25
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Avec le One , la Chine fait déjà partie de l'Elite...

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