Comment l’Arcep veut booster les investissements dans le mobile

Le régulateur des télécoms a publié ce lundi de nouvelles cartes de la couverture mobile du territoire. Derrière la volonté affichée d’aider les consommateurs à mieux choisir leur opérateur, l’institution mise sur cet outil pour mieux cerner les zones où il est toujours difficile, voire impossible de passer un coup de fil. Et inciter, ce faisant, les industriels à déployer plus d’antennes. En parallèle, avec ce même objectif, l’Arcep milite pour une stagnation des redevances payées par les opérateurs pour les fréquences mobiles.
Pierre Manière
Sébastien Soriano, le président de l'Arcep.

Avec ce nouvel outil, l'Arcep espère « un choc de la transparence de la couverture mobile en France ». Ce lundi, le régulateur des télécoms a levé le voile sur ses nouvelles cartes de couverture de téléphonie mobile dans l'Hexagone. Via le site monréseaumobile.fr, les Français peuvent désormais savoir de manière plus fine qu'avant si Orange, SFR, Free ou Bouygues Telecom couvrent correctement leur ville, leur village - mais aussi les routes et réseaux ferrés -, en voix, SMS et Internet.

A Beaune, en Côte-d'Or, on voit par exemple qu'en matière de voix et de SMS, Orange et Free n'affichent qu'une « bonne couverture » à l'est de la ville - ce qui signifie qu'il peut être difficile de passer un coup de fil à l'intérieur de certains bâtiments. Tandis que Bouygues Telecom et SFR, eux, disposent partout d'une « très bonne couverture », soit la meilleure note possible. Lorsqu'on sort de la capitale des grands vins de Bourgogne, en revanche, Orange et Free - qui bénéficie du réseau de l'opérateur historique via un contrat d'itinérance -, reprennent l'avantage. Ils affichent partout une « bonne » et une « très bonne couverture ». Tandis que le réseau de Bouygues Telecom est par exemple inaccessible dans certaines campagnes à l'est de la cité.

« Un sentiment de mensonge et d'incompréhension »

Ces cartes donnent des informations similaires - même si elles sont pour l'instant plus grossières - pour l'Internet mobile, qu'il s'agisse de la 3G ou de la 4G. In fine, elles doivent permettre aux consommateurs de visualiser quel opérateur leur fournit la meilleure couverture mobile, et donc de mieux arbitrer entre les différentes offres disponibles. Pour l'Arcep, la publication de ces cartes constitue une petite révolution. Car jusqu'à présent, ses informations de couverture mobile étaient très souvent critiquées, lorsqu'elles ne suscitaient pas la polémique. « Nous nous sommes pris beaucoup de tomates dans la figure », rappelle Sébastien Soriano, le président du gendarme des télécoms. « Il y a eu parfois un sentiment de mensonge et d'incompréhension » de la part des usagers et des élus locaux, poursuit-il.

Le président de l'Arcep évoque, en particulier, son classement régulier des opérateurs selon leur taux moyen de couverture nationale. Souvent trompeur, celui-ci ne dit effectivement rien des fortes disparités de couverture existantes, surtout dans les campagnes et les zones rurales. Si Orange, leader dans le mobile, se félicite par exemple de couvrir 92% de la population française en 4G, son réseau n'est en réalité opérationnel que sur 65% du territoire. A certains endroits, comme aux alentours de Beaune, celui-ci est clairement moins bon que ceux de Bouygues Telecom, SFR ou Free. Bref, « en France, il n'existe pas un opérateur qui couvre tous les territoires mieux que les autres », renchérit Sébastien Soriano.

« Stimuler les opérateurs »

En offrant aux Français des informations sur la qualité des réseaux, l'Arcep envoie aussi un message aux opérateurs. En étalant sur la place publique leurs faiblesses et leurs insuffisances en matière de couverture mobile, l'institution espère les pousser à y remédier, et donc à investir davantage dans leurs réseaux. « Nous voulons stimuler les opérateurs », affirme Sébastien Soriano. En d'autres termes, le patron de l'Arcep souhaite poser les bases d'une vraie concurrence sur la qualité des réseaux, en plus de celle sur les prix, pour donner un nouveau coup de fouet aux investissements.

Et pour cause : comme l'a rappelé le patron de l'Arcep, la France est en retard en termes de couverture mobile. Dans l'Union européenne, l'Hexagone n'est classé que 24ème sur 28 en matière de 4G. En outre, selon les derniers chiffres du gouvernement, il reste aujourd'hui au moins 550 hameaux et villages où le mobile ne passe pas... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement d'Emmanuel Macron négocie en ce moment de nouveaux engagements des opérateurs en termes de couverture mobile. A ce sujet, Sébastien Soriano a, d'après l'AFP, plaidé pour la « stagnation » des redevances versées à l'Etat par les opérateurs pour l'utilisation des fréquences mobiles. Et ce, alors qu'un nombre important d'entre elles seront prochainement renouvelées. Pour le président de l'Arcep, l'Etat pourrait « définir de nouvelles obligations [de couverture, NDLR] beaucoup plus ambitieuses » en échange d'une stagnation des redevances.

| Lire aussi : La France face au défi de la fracture numérique

Cette sortie intervient à un moment-clé : depuis qu'ils négocient avec l'Etat, les opérateurs clament qu'ils n'investiront pas un centime de plus sans contreparties financières. Fin juillet, lors d'une audition devant la commission d'aménagement du territoire du Sénat, Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free ont notamment critiqué les objectifs de politique publique parfois « contradictoires » de l'Etat. A cette occasion, Didier Casas, le secrétaire général de Bouygues Telecom, a tapé du poing sur la table. A ses yeux, l'Etat ne peut pas à la fois demander plus d'investissements pour « aménager le territoire », tout en poussant les prix des abonnements à la baisse, et en considérant, de surcroît, les opérateurs « comme des bases taxables, comme des gens avec des poches profondes ».

A ce sujet, il est vrai que les redevances pour les fréquences mobiles constituent généralement un moment important pour remplir les caisses de l'Etat : fin 2015, les enchères pour la bande dite des 700 MHz lui ont rapporté 2,8 milliards d'euros ! L'Etat est-il prêt à renoncer à une partie de ces revenus ? Ou choisira-t-il de se renflouer par un autre biais, en vendant, par exemple, une partie de ses 23% chez Orange ? Les premiers éléments de réponse sont attendus à la fin du mois, lorsque le gouvernement dévoilera sa feuille de route.

| Lire aussi : Télécoms : en marche vers le grand marchandage

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 18/09/2017 à 18:59
Signaler
tiens, ils ont arrete de sortir l'arme repressive et les menaces a tout va? bon, faut dire qu'on est sur l'os, y a plus grand chose a gratter, hormis les milliards qui devaient de leur temps servir a mettre en place un fonds de sauvegarde des retrai...

à écrit le 18/09/2017 à 18:46
Signaler
Scandaleux la diminution des redevances sachant que les fréquences avaient été attribués quasiment pour rien aux opérateurs français de téléphonie mobile, contrairement aux Allemands et aux Anglais qui ont payé plusieurs milliards !

à écrit le 18/09/2017 à 17:55
Signaler
C'est un avis pas une injonction, pourriez vous changer de temps en temps la photo de monsieur Soriano ....à chaque article sur les télécoms et l'arcep vous nous ressortez toujours la même ...et soit dit en passant vous procédez à l'identique pour d'...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.