Face aux Gafa, l'Inde veut reprendre le contrôle de ses données

Par Anaïs Cherif  |   |  631  mots
Le projet de loi propose notamment de rendre obligatoire, pour les sociétés étrangères, le stockage des données personnelles des utilisateurs indiens - issues des réseaux sociaux, des moteurs de recherche ou encore des plateformes de e-commerce - sur son sol. (Crédits : Pixabay / CC)
À l'instar de la Chine, le gouvernement indien plancherait sur un projet de loi pour obliger les sociétés étrangères à stocker les données personnelles des utilisateurs sur son territoire. Le but : reprendre le contrôle des données de ses citoyens et favoriser l'écosystème local pour faire émerger ses propres mastodontes du numérique.

L'Inde sort ses griffes. Le gouvernement plancherait sur un projet de loi afin de compliquer l'expansion des géants américains de la tech sur son territoire. L'objectif : reprendre le contrôle des données de ses citoyens et favoriser l'écosystème local pour faire émerger ses propres mastodontes du numérique. Le projet de loi propose notamment de rendre obligatoire, pour les sociétés étrangères, le stockage des données personnelles des utilisateurs indiens - issues des réseaux sociaux, des moteurs de recherche ou encore des plateformes de e-commerce - sur son sol. Les données devront également être rendues accessibles aux autorités locales en cas d'enquête.

Ce projet "est sans précédent et doit être pris très au sérieux", a déclaré auprès du Wall Street Journal Vinay Kesari, avocat basé à Bangalore, et spécialisé dans les questions de réglementation, ayant travaillé avec des entreprises technologiques américaines. "Cela pourrait avoir d'énormes implications."

Un marché potentiel de 390 millions d'internautes

Dans le viseur de l'Inde : les géants américains qui opèrent sur son territoire, comme Google, Apple, Facebook ou encore Amazon. À défaut de pénétrer le marché chinois, où la plupart des acteurs étrangers sont censurés au nom de la politique de contrôle de l'Internet, connue sous le nom de "Great Firewall of China" (en français, Grande Muraille électronique de Chine), les entreprises américaines ont redoublé d'efforts ces dernières années pour séduire le marché indien. À commencer par Amazon.

Suite aux difficultés rencontrées par l'ogre du commerce en ligne pour s'imposer en Chine face au géant Alibaba, le Pdg et fondateur Jeff Bezos a revu sa stratégie d'implantation en Asie pour miser sur l'Inde. En juin 2016, en visite dans le pays, l'homme d'affaires avait annoncé un plan d'investissement de 3 milliards de dollars, qui venait s'ajouter à celui de 2 milliards déjà mis sur la table en 2014. Car le marché indien a de quoi faire saliver le leader mondial de l'e-commerce. D'après RedSeer Consulting, les ventes annuelles des sites d'e-commerce en Inde représenteront entre 80 et 100 milliards de dollars d'ici 2020, contre 13 milliards en 2016. Et ce n'est pas tout. L'Inde est désormais le deuxième marché mondial des smartphones et recense 390 millions d'internautes, se classant ainsi derrière la Chine mais devant les États-Unis. De quoi faire saliver les sociétés de la Silicon Valley...

L'Inde imite la Chine

L'Inde marche ainsi dans les pas de son voisin chinois, qui, en rendant son marché difficile d'accès, a favorisé l'émergence des géants Alibaba et Tencent. La deuxième économie mondiale a notamment adopté une législation similaire en novembre 2016, forçant les entreprises étrangères à stocker sur son territoire les données des internautes chinois. Ainsi, Apple a construit son premier data center en Chine, et a confié la gestion des données de ses utilisateurs à un partenaire local.

Ce projet de loi arrive au moment où le régulateur indien des télécoms menace d'interdire l'accès au réseau mobile national aux iPhone. Depuis deux ans, Apple refuse de rendre disponible au téléchargement une application anti-spam, développée sous l'égide du gouvernement indien. Cette application a officiellement été créée pour lutter contre le démarchage téléphonique abusif - très répandu dans le pays - en filtrant les messages et les appels indésirables. De son côté, le fabricant d'iPhone suspecte l'appli de siphonner massivement les données personnelles des utilisateurs... Apple dispose de six mois pour se conformer aux exigences du régulateur, avant de se voir couper l'accès au réseau, rendant ses téléphones inutilisables.