Fibre optique : Covage se dit prêt à investir davantage

Alors que l’Arcep, le régulateur des télécoms, plaide pour une nouvelle répartition de la couverture en Internet à très haut débit des villes et territoires moyennement denses entre les opérateurs télécoms, Covage estime, lui aussi, avoir un rôle à jouer.
Pierre Manière
Aujourd’hui, Covage déploie et exploite 41 réseaux publics ou privés en France, ce qui représente, à terme, une couverture de 1,6 million de foyers. D’ici à la fin de l’année, Pascal Rialland, son nouveau chef de file (photo), affirme qu'il disposera de 500.000 lignes raccordables en fibre optique.

Il entend d'emblée donner le ton et marquer ses ambitions. Nouvel homme fort de l'opérateur d'infrastructures Covage, Pascal Rialland a été nommé président du directoire du groupe le mois dernier. Il est loin d'être un inconnu dans le monde des télécoms : Pascal Rialland y a réalisé l'essentiel de sa carrière. Il a notamment dirigé, il y a peu, l'activité Entreprises d'Altice, la maison-mère de SFR. Pascal Rialland n'a rien raté des débats récents sur un nouveau partage entre les opérateurs télécoms de la couverture d'un grand nombre de territoires en Internet à très haut débit. S'il y est favorable, il appelle toutefois les pouvoirs publics et l'Arcep, le régulateur des télécoms, à ne pas se contenter de redistribuer les cartes entre les seuls grands opérateurs nationaux. A ses yeux, à côté des Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, Covage a les moyens et la volonté d'en faire plus.

Dans le jargon des télécoms, Covage est un opérateur dit « d'infrastructures ». Dans les zones les moins denses de l'Hexagone (qui représentent environ la moitié de la population, soit 12 millions de foyers), il déploie et exploite des réseaux de fibre optique, appelés Réseaux d'initiative publique (RIP), pour le compte des collectivités. Ces infrastructures, neutres et ouvertes à tous les opérateurs de détail, leur permettent de commercialiser leurs offres Internet auprès du grand public. Ces déploiements s'inscrivent dans le cadre du plan national Très haut débit (PTHD). D'un coût avoisinant les 20 milliards d'euros, ce gigantesque chantier, mêlant l'Etat et les opérateurs privés, vise à apporter un accès à Internet ultra-rapide à tous les Français à horizon 2022.

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Problème : depuis des mois, des voix s'élèvent de toutes parts affirmant que cet objectif ne sera pas tenu. Les critiques se concentrent en particulier sur les zones dites « moyennement denses ». Ces territoires, qui rassemblent les villes moyennes et les périphéries des grandes agglomérations (soit environ 13 millions de foyers), ont essentiellement fait l'objet d'un partage entre Orange et SFR. En 2011, ceux-ci ont promis de couvrir ces territoires en fibre optique d'ici à 2020. L'opérateur historique s'est engagé à raccorder environ 80% de ces zones, contre 20% pour son homologue au carré rouge. Or le mois dernier, l'Arcep a tiré la sonnette d'alarme. Selon son président, Sébastien Soriano, les efforts d'Orange et de SFR dans ces zones moyennement denses demeurent insuffisants. D'après les projections de l'Arcep, au rythme actuel, « nous serons en retard », a déclaré le chef de file du régulateur. « Nous voyons ces déploiements s'achever au mieux en 2023... », a-t-il renchéri.

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Pour respecter les délais, Sébastien Soriano a appelé à une « re-répartition » de ces territoires. Comment ? En utilisant « de manière pragmatique toutes les volontés d'investissements qui se manifestent en ce moment ». Parmi elles, il y a bien sûr celle de SFR, qui milite depuis longtemps pour un partage plus équitable de ces zones avec Orange. Mais aussi celles de Free et de Bouygues Telecom, qui veulent aussi leur part du gâteau. Orange, pour sa part, s'est dans nos colonnes fermement opposé à une nouvelle répartition.

« 2 millions de prises à prendre »

De son côté, Covage estime lui-aussi avoir un rôle jouer en cas de redécoupage. Même s'il n'est pas, à l'évidence, un acteur aussi important que les grands opérateurs nationaux, il appelle les pouvoirs publics à ne pas l'oublier. Selon Pascal Rialland, Covage pourrait intervenir dans deux cas de figure. D'une part, « s'il y a des retards dans certaines zones moyennement denses qui jouxtent nos RIP, nous pouvons très bien, et plus rapidement que quiconque, nous en occuper », précise-t-il. « Ici, il ne serait pas difficile de demander à nos sous-traitants déjà sur place de fibrer ces zones », insiste le président du directoire. D'autre part, « nous pouvons aussi nous positionner pour couvrir certains territoires éloignés où il y a vraiment un constat de carence », ajoute-t-il.

Pour Covage, l'enjeu est potentiellement important. A côté des déploiements des grands opérateurs nationaux, « il y a environ 2 millions de prises à prendre » dans ces zones moyennement denses, juge Pascal Rialland. Lequel rappelle, au passage, que Covage est déjà présent sur ces territoires. Récemment, l'opérateur a récupéré plusieurs communes de la Métropole de Lille. Il a aussi mis la main, en zone très dense, sur le réseau très haut débit du département des Hauts-de-Seine. Dans ces deux cas, ce sont des retards et défaillances de SFR qui lui ont permis d'emporter la mise.

Un actionnariat aux poches profondes

Si Pascal Rialland clame aujourd'hui son envie d'investir plus, c'est parce que le gouvernement et l'Arcep ont, d'après lui, « parfois du mal à voir qu'il existe d'autres acteurs à côté des quatre grands opérateurs nationaux ». Pour mieux figurer « dans l'écran radar des pouvoirs publics », le dirigeant n'y va pas de main morte. Pour lui, « si la préoccupation du gouvernement est vraiment d'apporter le très haut débit à tous les Français en 2022, il ne pourra y arriver qu'avec des acteurs comme Covage ». Pour séduire les collectivités, il rappelle que son intérêt économique, en tant qu'opérateur d'infrastructures, « est d'ouvrir dès que possible ses réseaux à tous les opérateurs de détail, sans discrimination ». Selon lui, cette concurrence garantit aux clients finaux les meilleurs offres aux meilleurs prix. A contrario, « les Orange ou SFR, qui servent directement le grand public, n'ont pas intérêt à avoir cette même proactivité sur leurs infrastructures », sourit-il.

Enfin, Pascal Rialland promet que Covage a les reins assez solides pour investir davantage. Il rappelle qu'à côté du fonds d'infrastructures Cube Infrastructure Fund, Partners Group, le puissant fonds d'investissement suisse, s'est offert la moitié des parts de l'opérateur l'année dernière. Ce dernier, qui gère des dizaines de milliards d'actifs à travers le monde, « dispose de ressources importantes et n'est pas un actionnaire timide », insiste le président du directoire.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 08/11/2017 à 21:43
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Bonne nouvelle. Il y a des investisseurs qui désirent investir dans les infrastructures en France, directement en collaboration avec les territoires. Pourquoi donc l'Etat central ne laisse-t-il faire? Il sera toujours temps de faire des péréquations ...

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