Les Agtech poussent les murs du Salon de l'agriculture

Par Giulietta Gamberini  |   |  883  mots
Selon une étude 2016 du forum Les Agrinautes, 80% des exploitations agricoles françaises utilisent Internet au moins une fois par jour pour leur activité. (Crédits : iStock)
[ SIA2018 ] Créé en 2016, l'espace consacré par le Salon de l'agriculture aux nouvelles technologies, "Agri 4.0", a multiplié par cinq sa surface. Une percée qui reflète celle de ce volet florissant de la French Tech, qui veut aussi faire écho au thème du salon cette année : l'agriculture comme "aventure collective".

Loin des stéréotypes qui opposeraient modernité en ville et tradition à la campagne, les agriculteurs français sont plutôt friands de nouvelles technologies. 74% d'entre eux sont équipés d'un ordinateur, contre 47% de l'ensemble de la population, et 54% possèdent même un ordinateur portable, contre 58% des Français, révélait en 2016 une étude du forum Les Agrinautes. 63% des exploitations françaises sont ainsi connectées à Internet, et 85% l'utilisent pour leur activité au moins une fois par jour, soulignait le même sondage. Pas surprenant donc que l'application des technologies numériques à ce secteur soit en pleine croissance et constitue désormais un volet florissant de la French Tech.

Au niveau mondial, l'agtech et la foodtech ont levé à elles seules, dans la première moitié de l'année 2017, 4,4 milliards de dollars, soit 6% de plus qu'un an plus tôt, selon le réseau d'investisseurs AgFunder. En France aussi, ces startups se multiplient et croissent : entre 2016 et 2017, le nombre de salariés de celles regroupées dans l'association La Ferme digitale a été multiplié par dix, affirme son président Paolin Pascot. Souhaitant « coller au quotidien et à l'actualité du secteur », selon les termes de sa directrice, Valérie Le Roy, le Salon de l'agriculture suit donc la tendance. Depuis 2016, il consacre un espace dédié, baptisé Agri 4.0, aux nouvelles technologies, afin de leur assurer une visibilité particulière, aux yeux des professionnels comme du grand public et des politiques. De 95 mètres carrés à son ouverture, sa surface est aujourd'hui multipliée par plus de cinq : il mesurera 500 mètres carrés cette année.

Films à 360° et expériences immersives

«Toutes les initiatives au service de l'agriculteur et de son métier au quotidien » y seront représentées, selon la directrice. Situé dans le pavillon 4, consacré aux services et métiers de l'agriculture, Agri 4.0 accueillera la vingtaine de membres de la communauté de La Ferme digitale, dont les activités vont du développement d'objets connectés au traitement des données, en passant par l'e-commerce. Agrilend et Miimosa, plateformes de financement participatif spécialisées, y seront également présentes, ainsi que l'éditeur de logiciels SAP et Saipol (filiale du groupe Avril), qui a développé FeedMarket, une place de marché digitale destinée à l'achat de protéines et d'huiles végétales pour l'alimentation animale.

En dehors de cet espace dédié, les nouvelles technologies essaimeront toutefois dans l'ensemble du salon, souligne Valérie Le Roy.

« L'exposition du constructeur de machines Claas est, par exemple, orientée vers l'informatique embarquée », témoigne la directrice, qui évoque aussi, dans d'autres stands, l'utilisation pédagogique de films à 360° ou d'expériences immersives avec des lunettes en 3D.

Les technologies d'aquaponie (un système qui unit la culture de plante et l'élevage de poissons), l'hydroponie (agriculture hors-sol qui permet plusieurs récoltes par an) et la construction de fermes verticales seront à l'honneur dans l'espace de l'Association française d'agriculture urbaine professionnelle. Et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture fera aussi la part belle à ses innovations technologiques les plus impressionnantes, en présentant notamment un robot « désherbeur ».

Un outil indispensable pour rompre l'isolement

Habituellement mise en avant pour ses promesses en termes de productivité et de plus grand respect de l'environnement, particulièrement attirantes pour les agriculteurs en période de crise économique et de réchauffement climatique, l'agtech dévoile d'ailleurs cette année un autre atout d'actualité, dans le cadre d'un Salon consacré à l'agriculture comme « aventure collective ».

Dans le monde agricole, en effet, le potentiel d'Internet et des réseaux sociaux ne fait pas de doute : ils construisent des liens inespérés, brisant les distances et favorisant l'échange de données, connaissances et bonnes pratiques. Les plateformes numériques regroupées dans l'association Cofarming proposent même la mutualisation de machines agricoles et de parcelles... Pas de danger d'ailleurs d'une coupure entre générations, bien au contraire, selon la directrice du Salon :

« Certes, les nouvelles technologies sont plus portées par les jeunes, qui appliquent à l'agriculture des innovations déjà expérimentées dans d'autres secteurs. Mais elles profitent finalement à tous les agriculteurs, puisque la recherche de moyens d'accroissement et de diversification des ressources est désormais généralisée », observe-t-elle, avant de préciser : « Pour vendre ses produits sur une plateforme, il n'est pas nécessaire d'être un geek ! »

Vis-à-vis des consommateurs, de plus en plus exigeants en termes de qualité et de traçabilité, mais parfois complètement ignares des contraintes du métier d'agriculteur, Internet joue de surcroît un rôle capital. Films sur YouTube, blogs, tweets : les agriculteurs s'en servent de plus en plus pour se faire connaître et comprendre du grand public. Une association d'agriculteurs utilisateurs de Twitter vient même de se constituer, Franceagritwittos (@Franceagritwittos)

Le salon continuera de suivre ce ferment, assure Valérie Le Roy, qui s'interroge toutefois déjà : les prochaines années, faudra-t-il conserver un espace dédié ou refléter le bourgeonnement en disséminant encore plus les nouvelles technologies dans l'ensemble des pavillons ? Une chose est sûre : la directrice souhaite en outre accueillir davantage les sociétés étrangères, afin de diversifier l'offre et encourager un peu plus les échanges.