ENQUETE La face cachée d'Apple

Caprices, clauses commerciales inhabituelles, exigences inouïes... La star américaine de l'électronique a, certes, réussi à écouler 4 millions d'exemplaires de son iPhone dans l'Hexagone en trois ans, mais en se mettant à dos tout le monde des télécommunications, et notamment les opérateurs mobiles.
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« Vous parler d'Apple ? Non, désolé, impossible. » La dizaine de personnes interrogées auront la même réponse, cinglante. Même sous couvert d'anonymat, rares sont les fournisseurs, distributeurs ou industriels des télécoms à vouloir évoquer leurs relations avec la star mondiale de l'électronique. Et pour cause : tous ont signé des accords de confidentialité ultra­stricts, le plus souvent à titre personnel. « Un mot sur Apple et c'est ma responsabilité pénale qui est en jeu », ose un dirigeant qui n'a pas spécialement envie de se voir assigné devant un tribunal par les avocats d'un groupe américain pesant 200 milliards d'euros, soit la deuxième capitalisation boursière du monde.

Rarement une marque jouissant d'une telle notoriété, proche parfois du fanatisme, auprès du public et des médias, aura imposé en coulisse une telle omerta. Le cadre d'un opérateur européen se souvient encore de l'accueil glacial reçu début 2010 chez son homologue américain AT&T dont le réseau commençait à saturer sous l'effet de la montagne de données (vidéos...) qui transitaient via les iPhone : « Nous voulions simplement connaître les raisons techniques de ce problème de réseau pour savoir si cela pouvait nous arriver à nous aussi. Mais deux avocats entouraient le responsable d'AT&T et l'empêchaient de parler dès que nous prononcions le mot Apple. » Heureusement, un dîner arrosé, à la française, permettra de délier les langues...

Derrière le style « californien » décontracté de la direction d'Apple, plus adepte de l'uniforme « tee-shirt-jean-baskets » que du traditionnel costume cravate, se cache une organisation implacable, quasi militaire, diront certains : culte du secret, maniement habile de l'information et pratiques commerciales unilatérales.

Même la Fnac, pourtant habituée à gérer les « caprices » des plus grands groupes d'électronique, n'avait jamais fait face à de telles exigences. Le contrat signé en juillet 2008 entre Apple et le distributeur (filiale du groupe PPR) pour l'iPhone « suppose que nous vendions un certain nombre d'abonnements Orange et un certain nombre d'iPod [le baladeur MP3 d'Apple, Ndlr]. Ce type de contrat est totalement inhabituel. Aucun autre constructeur n'a mis en place un tel système de distribution sélective », ont expliqué les dirigeants de la chaîne de magasins à l'Autorité de la concurrence, lors de son enquête sur l'exclusivité conclue initialement entre Apple et Orange en 2007 pour commercialiser le téléphone en France.

Mais les plus sonnés par ces méthodes restent les opérateurs en télécoms, pourtant loin d'être des enfants de choeur. Ces derniers n'ont pas vu venir l'arrivée fracassante de la firme à la « pomme » dans la téléphonie mobile. Et ne se sont pas suffisamment méfiés. « Quand nous avons commencé à vendre l'iPhone dans nos boutiques, Apple nous envoyait volontairement les téléphones au compte-gouttes, ce qui nous empêchait de constituer des stocks suffisants. Un simple écart par rapport au contrat et le groupe coupait l'approvisionnement, ce qui nous faisait perdre des ventes », se souvient le dirigeant d'un opérateur français. Comme le téléphone s'arrachait comme des petits pains, les opérateurs n'osaient pas lever le doigt de la couture du pantalon. Voire acceptaient des demandes inouïes. Dans son premier contrat avec Apple, Orange s'était, par exemple, engagé à rembourser la moitié des dépenses publicitaires du groupe américain pour promouvoir l'iPhone.

Un système soi-disant oublié mais qui, dans les faits, n'a pas changé. Les publicités qui vantent sur de pleines pages dans la presse les mérites de l'iPhone 4 sont encore payées par Orange, SFR ou Bouygues Telecom. En échange, ces derniers ont le droit de glisser en bas de page leur tout petit logo. Des méthodes que les opérateurs ne voulaient surtout pas revoir avec l'iPad. Ce qui explique leur peu d'entrain à proposer des offres commerciales agressives pour vendre la tablette d'Apple.

Les opérateurs ne sont pas les seuls à râler. Nouveau dans la téléphonie mobile, et longtemps vu comme un acteur de niche, réservé aux seuls aficionados de la firme à la « pomme », Apple a réussi à se mettre à dos tous les autres fabricants de téléphones mobiles. Comment ? Là encore, en imposant des clauses inhabituelles. Les opérateurs en télécoms doivent par exemple avantager, dans leurs boutiques, la distribution des iPhone par rapport aux autres terminaux du même type. Et cela ne passe pas seulement par une mise en valeur des téléphones dans les magasins. Les opérateurs doivent également offrir à leurs commerciaux des commissions sur les ventes d'iPhone plus favorables que celles proposées pour les autres téléphones.

Plus fort encore : la subvention que l'opérateur applique sur le prix du téléphone lors de la vente d'un forfait à un client doit toujours être supérieure d'au moins 20 % à la subvention la plus élevée qu'il propose ou accorde sur n'importe quel autre mobile en France. Le cadre d'un opérateur se souvient, ironique, qu'il ne « pouvait même pas proposer sur le site Internet de sa société des systèmes de comparaison entre l'iPhone et les autres smartphones, car le téléphone d'Apple était incomparable... » Excédés, les fabricants coréens Samsung et LG se sont officiellement plaints à l'Autorité de la concurrence. Mais aucun n'a osé aller plus loin qu'un simple courrier, de peur de passer pour un mauvais joueur.

Évidemment, les opérateurs de téléphonie mobile ont profité du phénomène iPhone. Ils en ont vendu près de 4 millions d'exemplaires en trois ans. Mais à quel prix ! Ce ras-le-bol anti-Apple n'est pas pour rien dans la percée d'Android, le logiciel développé par Google pour faire fonctionner des smartphones. Celui-ci a trois gros avantages par rapport à l'iPhone : il est ouvert, ce qui permet de développer des services maison ; il est gratuit ; et surtout il permet d'échapper à la « dictature Apple ». Les opérateurs ont donc fortement poussé les fabricants de téléphones à se lancer sur le créneau d'Android. Avec un réel succès. En 2011, il devrait se vendre davantage de téléphones sous Android que d'iPhone. Pour le plus grand soulagement des opérateurs en télécoms.

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Commentaires 35
à écrit le 31/12/2010 à 7:51
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Sans compter que l'Ipad c'est 64% de marge.

à écrit le 29/12/2010 à 19:37
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Il est plus simple d'utilliser : matériels et système PC !!!!!!!!!!

à écrit le 19/12/2010 à 12:09
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Ils s'affrontent sur leur cupidité commune! Ils sont tous des machines à cash. J'apprécie qu'Apple oblige les opérateurs à en rabattre un peu, mais je ne suis pas très heureux de voir qu'il récupère toute la valeur ajoutée. C'est un problème comparab...

à écrit le 17/12/2010 à 9:03
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Juste une remarque, il semblerait que vous ayez oublié le point le plus important de cette affaire: le pognon ;) Quand Apple force vend un téléphone via les opérateur, il propose en même temps un accès uniquement à SES SERVICES (l'AppStore est sous l...

à écrit le 09/12/2010 à 22:05
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et dire qu'il y'a quelques années de celà c'etait microsoft le mechant et le monopole , les temps changent et les veaux sont toujours là et les anes avec les oeilleres aussi

à écrit le 08/12/2010 à 17:28
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A considérer le flot de commentaires hargneux, suite à cet article, sur les sites consacrés à Apple mais qui passent le plus gros de leur temps à écrire des billets sur les concurrents d'Apple, comme si les rédactions de ces sites avaient besoin de s...

le 11/12/2010 à 18:09
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Tout à fait d'accord avec vous

à écrit le 06/12/2010 à 10:03
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c est la confédération du commerce cette boite

à écrit le 01/12/2010 à 7:15
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En tant que consommateur, je ne supporte plus les méthodes d?Apple. Si on était un peu courageux, on jetterait tous nos iPhone à la poubelle et ces gadgets que l?on n?utilise pratiquement pas mais qui coutent très cher. Je soupçonne Apple d?être der...

le 01/12/2010 à 14:09
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Apple n'est pas derrière les commentaires de l'article, du moins pas directement, ses " fans " (personnellement je les appelle Fanboys Apple à deux balles) défendent très bien Apple tout seul, à un tel point que certains vrai fan de Apple soient dégo...

à écrit le 30/11/2010 à 7:15
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Le plus ahurissant, c'est que cette politique du verrouillage et du "presque monopole", c'est ce que S. Jobs reproche à Microsoft depuis des années. Comment il disait Dutronc ???.... "Je retourne ma veste...".....

le 30/11/2010 à 10:06
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Cliché. S Jobs ne reproche pas cela à Microsoft. Il leur reproche leur manque de culture, leur manque de vision sur leur coeur de métier. En gros, MS c'est avant tout une machine commerciale: on a une idée nouvelle, on l'exploite, on en tire tout le ...

le 30/11/2010 à 10:43
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Hey fanboys, pomper tout le jus d'une idée, Apple le fait aussi, Iphone, Ipad, Itouche, les mêmes pièces ! Presque les mêmes designs, les mêmes technologies, les mêmes utilisations. Et tu oses dire que Apple ne pompe pas tous le jus d'une idée ? Elle...

le 30/11/2010 à 11:11
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Apple a pillé les idée de Siemens dans les années 80 avant que Microsoft les repique.

le 01/12/2010 à 6:44
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"Cliché. S Jobs ne reproche pas cela à Microsoft." Difficile quand la démarche est identique : gagner beaucoup d'argent pour satisfaire les actionnaires et le conseil d'administration qui va voter les primes et stocks options pour les staffs de direc...

à écrit le 29/11/2010 à 17:50
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Et cela n'est qu'un début, quand l'Iphone remplacera votre carte de crédit, a quel taux seront ponctionnés les commerçants et les clients sur chaque achat ?

à écrit le 29/11/2010 à 17:23
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Pour une fois la dictature de la grande distribution est contrée ! ... c'est la loi du marché, de l'offre et de la demande et des rapports de force que cela engendre. Si un des autres fabricants de téléphones avait l'équivalent de l'IPhone, que ferai...

le 29/11/2010 à 20:04
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Une dictature contré par une autre... génial on est sauvé!

à écrit le 29/11/2010 à 11:25
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De mieux en mieux: http://www.businessmobile.fr/actualites/app-store-apple-aurait-ecarte-un-magazine-dedie-a-android-39756427.htm

le 29/11/2010 à 12:02
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C'est pas nouveau ça, ils l'ont déjà fait avant ^^

à écrit le 29/11/2010 à 6:17
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Iphone 3GS à 519 euros et le Iphone 4 entre 629 et 739 euros HTC desire aux alentours de 500 euros et Samsung Galaxy S 450 euros Or le subventionnement va ramener le tarif du terminal aux alentours de 250 euros pour le Iphone 4. Si on ramenait le c...

le 29/11/2010 à 6:49
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Petite erreur de ma part : Lire Mobile.me pour 79 euros par AN et non pas Mobile.me pour 79 euros par mois

le 29/11/2010 à 15:49
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Je vois pas où l'abonnement à MobileMe est obligatoire?!?!?!

le 29/11/2010 à 16:42
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L'abonnement de Mobile.me n'est pas obligatoire mais nécessaire pour exploiter tout le potentiel de l'Iphone pour une intégration totale iMac, Macbbook.

le 30/11/2010 à 12:03
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N'importe quoi, mobile me n'est en rien obligatoire. On peut très bien utiliser les services googles ou yahoo.

le 30/11/2010 à 12:29
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Comme l'explique Lennart, mobile me n'est pas obligatoire mais nécessaire pour exploiter tout le potentiel de l'iPhone sur un Mac. Ce que les services de Google et Yahoo font très très mal car finalement inadapté au monde à part du Mac. Je suis très ...

à écrit le 28/11/2010 à 22:41
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Génial : Enquête... Bravo... On se prend pour des journalistes... Sauf que à part un ramassis de rumeurs et de mensonges, je ne vois rien dans cet article. Tout est démontable en arguments irréfutables (par exemple, le pénurie d'iPhone suite au succè...

le 29/11/2010 à 23:21
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Gna gna gna, c'est même pô vrai d'abord, Apple y sont pas des grands méchants comme vous dites!! NA

à écrit le 28/11/2010 à 21:54
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Eh bien moi je ne suis pas opérateur télécom, je suis un consommateur, et je dis merci Apple d'avoir osé bousculer tout ce beau monde. On avait quoi avant Apple ? Des téléphones bridés, moches et chers. Le moindre constructeur se pliait en quatre pou...

le 29/11/2010 à 11:22
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Android est un os libre, je vais te le prouver, sur ton iphone, tu peux te passer de itunes pour copier tes musiques nativement sans passer par itunes (logiciel d'ailleurs crée par Apple) ? non. Sur Android, on peut. Peux tu copier un fichier avi sur...

le 30/11/2010 à 10:14
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Mais qu'importe qu'Android soit libre et l'iphone fermé. Tout ça c'est des concepts de geek. L'utilisateur lui, achète ce qui répond à son besoin. Moi je n'ai pas besoin d'AVI ni de complications, itunes me va bien, et toucher au kernel de mon téléph...

le 30/11/2010 à 10:47
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Je corrige les choses, quand on me dit que Android est un OS fermé, je suis presque obligé de corriger ! Tu n'es pas d'accord ? c'est comme si je disais que l'ecran de l'iphone 4 n'est pas performant, là tu me corrigerais ? non ? (il l'est qu'on soit...

le 30/11/2010 à 18:28
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Eu un truc de geek? ok j'en suis un, j'ai assisté à des conférences chez MS, j'ai les accès pour programmer sous Windows Mobile Phone 7, et je peu te dire que chez MS c'est beaucoup plus libre pour développer en tant que particulier ses applis, alor...

le 02/12/2010 à 19:01
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Comme t'es programmeur WMP7 tu semble avoir une experience completement differente de celle de Nick Yu le programmeur de Google Govoice pour WMP7: http://blog.taotaotech.com/2010/11/29/clarifying-my-stance/ Dans son blog il dit qu'il n'a pas encore r...

le 02/12/2010 à 20:16
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Comparé ce qui est comparable, WP7 vient de sortir, laisser le temps à MS de se mettre en place, et si certains touches déjà de l'argent, l'Apple Store et l'Iphone ne sont pas sortient au top du top, cela fait un mois que WP7 est sorti, en janvier pr...

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