"La vraie menace pour la French Tech, c'est la crise des talents" (Kat Borlongan)

Par Sylvain Rolland  |   |  511  mots
Kat Borlongan, la directrice de la Mission French Tech. (Crédits : Michel Briand via Wikipedia (CC BY-SA 2.0))
La directrice de la Mission French Tech revient pour La Tribune sur le manque de mixité et de diversité sociale et culturelle dans la tech, et promet des mesures en 2020 pour répondre à la crise des talents tout en rendant la French Tech plus inclusive.

LA TRIBUNE - Les startups rencontrent de plus en plus de difficultés pour recruter et le nombre de postes non pourvus dans les métiers du numérique explose. Pourtant, le chômage reste un fléau en France, notamment pour les plus défavorisés...

KAT BORLONGAN - Ce n'est pas acceptable. La vraie menace pour la French Tech n'est même plus l'accès au financement mais la capacité à recruter. Le secteur de la tech est confronté à une pénurie de talents au point de devoir faire des pieds et des mains pour attirer des profils à l'international, alors qu'il y a en France des gens touchés par le chômage qui ne trouvent pas assez leur place dans les startups. Tout le monde s'imagine que la pénurie concerne surtout les métiers très techniques comme les ingénieurs et les data scientists. Mais les sales (ventes) sont parmi les compétences les plus recherchées par les startups. Un jeune qui a travaillé chez Decathlon pour vendre des chaussures devrait avoir autant de chances d'être embauché dans une startup qu'un diplômé de Sciences Po. Mais beaucoup estiment que la tech, ce n'est pas pour eux. Beaucoup ne réalisent même pas qu'ils ont les compétences pour travailler dans la tech.

L'effet de réseau joue à plein dans le milieu de la tech. Comment pousser les startuppeurs, essentiellement des hommes blancs favorisés, à s'ouvrir à d'autres profils ? Faut-il imposer des quotas ?

Les quotas peuvent être efficaces si le problème vient du recruteur. Mais c'est un peu plus compliqué que ça. Pour davantage de femmes et de diversité sociale, il faut aussi que davantage de startups soient fondées par ces profils. Donc il y a un enjeu autour de l'éducation et de la formation professionnelle pour attirer davantage ces profils. Un autre levier est d'aider ceux qui n'ont pas les moyens ni le réseau à devenir entrepreneurs, comme le fait le programme French Tech Tremplin. On peut aussi agir lors de la phase de l'hyper-croissance des startups, qui nécessite de recruter rapidement de nombreux collaborateurs, parfois plusieurs par semaine, en sensibilisant les DRH. Beaucoup de startups attendent longtemps avant de professionnaliser leur direction des ressources humaines. Le service RH des startups doit monter en compétence et davantage prendre conscience de ces enjeux.

Comment ?

Il nous faut des données pour analyser la problématique de la diversité à chaque étape de la vie des startups. Il faut comprendre où et pourquoi ça coince, quelles sont les bonnes pratiques, comment prendre en compte à la fois les impératifs des startups et la nécessité de les ouvrir à des profils plus divers qui apportent des compétences et des expériences complémentaires. Le 16 décembre, j'ai réuni les DRH des startups du Next 40, avec l'objectif d'aboutir à un plan en 2020 pour leur permettre de mieux faire face à la crise des talents. Développer la mixité femme/homme et la diversité sociale est évidemment une réponse.

Propos recueillis par Sylvain Rolland