Les chiffres fous de la tech européenne en 2021 relativisent les records de la French Tech

Le rapport annuel de la banque d'affaires GP Bullhound, publié à l'occasion du salon Viva Technology, montre que l'écosystème tech européen a franchi un nouveau cap en 2021. La création de valeur cumulée par les pépites européennes a atteint pour la première fois 1.000 milliards de dollars, et il y a eu en 2021 autant de nouvelles licornes créées qu'au cours des trois dernières années cumulées. Zoom sur les chiffres les plus fous de cette année exceptionnelle, qui relativisent par ricochet les excellentes performances de la French Tech.
Sylvain Rolland
Londres, capitale de la tech européenne.
Londres, capitale de la tech européenne. (Crédits : HENRY NICHOLLS)

En 2021, la French Tech était en feu : des levées de fonds record -11,6 milliards d'euros, le double de 2020-, 11 nouvelles licornes, le déblocage tant attendu des entrées en Bourse avec l'introduction d'OVHCloud sur Euronext et son arrivée dans la foulée dans l'indice du SBF120... Mais ces performances, exceptionnelles, étaient en deçà de l'incroyable dynamisme de la tech européenne dans son ensemble, comme le montre le dernier rapport de la banque d'affaires GP Bullhound, révélé le 15 juin à l'occasion du salon Viva Technology.

Sobrement sous-titré "La fête des licornes ralentit - ne jamais gâcher une belle afterparty", ce rapport sur les titans de la tech européenne constate tout d'abord le changement drastique d'ambiance entre l'euphorique année 2021 et la situation actuelle. La remontée des taux d'intérêts et de l'inflation, la guerre en Ukraine et la crise mondiale de l'approvisionnement, ont entraîné en 2022 une chute brutale des valorisations des entreprises tech et de l'investissement dans les startups. Désormais, l'attention des investisseurs se déplace vers les entreprises stables à court terme -celles qui gagnent déjà de l'argent. Cette nouvelle frilosité rend l'investissement dans la tech plus risqué, avec des perspectives de "sorties" qui s'assombrissent. Ce qui pénalise de nombreuses startups, qui ont profité de l'environnement euphorique des dernières années -taux bas, bourses en hausse, afflux de liquidités- pour privilégier la croissance rapide à la rentabilité.

125 licornes de plus en 2022, le logiciel et la fintech à la fête

Par ricochet, le ralentissement actuel rend les performances de 2021 en Europe -la zone comprend le Royaume-Uni, la Turquie et Israël- encore plus folles. D'après GP Bullhound, l'écosystème tech européen vaut désormais 1.064 milliards de dollars (1.018 milliards d'euros), soit plus de 250 milliards de plus que l'an dernier.

L'une des raisons de cette inflation de la valeur créée est l'explosion du nombre de licornes. L'Europe en comptait 30 en 2014, 166 fin 2020 et 283 fin 2021, avec 125 nouvelles licornes sur l'année écoulée, pour une valorisation cumulée de plus de 285 milliards de dollars (273 milliards d'euros). Le cru 2021 représente davantage que les trois dernières années cumulées (52 nouvelles licornes en 2020, 32 en 2019 et 22 en 2018).

Dans le détail, les secteurs du logiciel et des fintech sortent du lot. Avec respectivement 55 et 39 nouvelles licornes, les logiciels sur abonnement pour les entreprises (SaaS) et les fintech pèsent désormais plus de deux tiers des licornes européennes.

Licornes européennes par secteur 2021

"L'appétit des investisseurs pour les logiciels destinés aux entreprises a progressé avec l'accélération de la transformation numérique post-pandémie dans le monde entier"; relève le rapport, qui remarque un phénomène similaire -bien que moins impressionnant- dans les secteurs des places de marché, du divertissement et du-e-commerce, respectivement 3è, 4è et 5è secteurs en Europe en nombre de licornes.

L'Europe, notamment Londres, est aussi devenu désormais un hub mondial de la fintech porté par l'expertise du Vieux continent dans les services financiers, la disponibilité des capitaux et l'évolution des réglementations comme l'Open Banking.

Explosion des investissements dans la cybersécurité

La nouveauté de 2021 en Europe a été sans nul doute la forte progression des investissements dans les solutions de cybersécurité. Ceux-ci ont été multipliés par 2,5 par rapport à 2017, passant de 266 millions d'euros à 661 millions d'euros -toutefois loin des sommets d'autres secteurs comme la fintech.

C'est le signe de l'arrivée progressive à maturité du sujet chez les décideurs, et surtout une conséquence du pic généralisé de la cybercriminalité, qui a généré un nouvel intérêt pour les méthodes de défense contre les attaques. A ce titre, la médiatisation d'attaques spectaculaires comme Colonial Pipeline, Kaseya, NSO Group et JBS, a contribué à cette prise de conscience. "Au fur et à mesure que la technologie devient plus intégrée dans les entreprises, davantage de vulnérabilités apparaîtront, entraînant davantage d'attaques et un niveau de menace perçue plus élevé", explique le rapport.

La France derrière Israël et le Royaume-Uni mais bien placée dans la course aux futures licornes

Les chiffres de GP Bullhound sur le nombre de nouvelles licornes par pays sont largement contestables : la banque d'affaire en compte 16 nouvelles en 2021 pour la France, mais elle intègre Aircall et Algolia dont le siège a bougé aux Etats-Unis il y a plusieurs années, ainsi que Payfit, Spendesk et Ankorstore qui ont annoncé leur statut de licorne en 2022.

Mais quoi qu'il en soit, le rapport révèle des tendances claires : en 2021, les moteurs de licornes européennes ont été Israël (27 nouvelles licornes), et le Royaume-Uni (22). La France et l'Allemagne sont largement derrière, au coude à coude.

Mais la France a bénéficié de la meilleure dynamique, même si la crise en 2022 lui a mis un net coup d'arrêt. Le rapport estime toutefois que l'Hexagone fera naître, avec le Royaume-Uni et la zone Dach (Allemagne, Suisse, Autriche, les pays germanophones), une bonne partie des futures licornes de la zone Europe. La France pèse ainsi 18% du Top 50 Contenders, cette liste des 50 startups les plus susceptibles de devenir des licornes dans les deux ans. Sont notamment citées EcoVadis -qui vient d'atteindre ce statut à la faveur d'une levée de fonds de 500 millions de dollars annoncée le 14 juin-, mais aussi les fintech Agicap et Alma, Sendinblue ou encore Akeneo.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 15/06/2022 à 17:48
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Et toutes ces sommes, au final, elles vont permettre quoi ? Parce que concrètement, on ne voit rien....

à écrit le 15/06/2022 à 15:16
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Bref, si on exclu les entreprises comptabilisés comme françaises à cause de l'origine des fondateurs et on ne compte pas à l'avance celles de 2022, en 2021 la France a produit moins de 10% des nouvelles licornes européennes et un petit pays comme Isr...

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