Mobilité urbaine : "Ce qu'il manque à la France c'est un bon storytelling" (Ross Douglas, Autonomy)

Cet entrepreneur sud-africain veut réunir l'ensemble de l'écosystème de la mobilité connectée, afin que les différents acteurs puissent jouer collectif. Seule façon, à ses yeux, que la France et l'Europe deviennent référentes en matière de mobilité connectée.
Mounia Van de Casteele
Après avoir lancé la première foire d'art contemporain africain, Ross Douglas décide de créer à Paris un évènement majeur dans le secteur de la mobilité connectée.

Autonomy : tel est le nom du salon qui se déroulera à Paris, du 6 au 9 octobre à la Villette. "Il ne s'agit pas d'un énième salon professionnel sur la mobilité, surtout pas", nous prévient-on. "Mais plutôt d'un festival de la mobilité urbaine" réunissant toutes les parties prenantes de l'écosystème : élus, entreprises, fournisseurs de technologies et usagers.

L'Ademe et la Mairie de Paris en sont partenaires. Ont également d'ores et déjà répondu présents en tant que sponsors et exposants la SNCF, Transdev, ou encore Uber. Le salon, qui revendique 150 exposants à ce jour brasse un large éventail d'acteurs de la mobilité urbaine, allant de micro-mobilité avec la roue électrique, à la location de voitures entre particuliers (type OuiCar ou Drivy) en passant par la trottinette électrique, le vélo, le scooter électrique, les plateformes d'auto-partage et de voitures de transport avec chauffeur (VTC). Les taxis seront toutefois les grands absents du salon. Rencontre avec son fondateur, Ross Douglas.

La Tribune : Quand avez-vous décidé de lancer ce salon et pourquoi ?

Ross Douglas : Après avoir créé la première foire d'art contemporain africain je me suis fortement intéressé à la mobilité urbaine. D'abord aux innovations produits (comme les batteries électriques) puis aux services (le transport à la demande, l'auto-partage et l'évolution des comportements). C'est il y a environ deux ans, que j'ai décidé de m'installer en France, à Paris, et d'y créer un événement de référence sur la mobilité.

Un endroit où puissent se rencontrer les autorités, les consommateurs et les entrepreneurs afin de définir ensemble les besoins et les règles. Pas seulement avec des débats et des conférences. Car il est nécessaire de permettre aux gens d'appréhender par eux-mêmes les nouvelles technologies et d'avoir une expérience concrète, aussi bien en B to B qu'en B to C. C'est l'un des buts de ce salon. C'est aussi important pour les professionnels que les élus locaux d'avoir la possibilité de tester des monoroues, des overboards, etc. afin de se rendre compte de l'efficacité de ces solutions. C'est d'ailleurs pour cela que des navettes autonomes de Transdev (concurrentes de celles de Lyon) d'une capacité de douze personnes achemineront les voyageurs jusqu'au salon. Autonomy espère ainsi apporter sa pâte pour améliorer la mobilité urbaine.

Comment estimerez-vous le succès de cette opération ?

Au-delà du nombre de visiteurs, d'exposants et des sponsors, le succès pourra se mesurer sur le long terme. L'objectif étant de revenir chaque année, au moins pendant trois ans, et que cet événement devienne incontournable. Le succès se mesurera aussi par rapport aux retours d'expériences et si de bonnes connexions ont été faites pendant le salon.

Comment passe-t-on de l'art africain à la mobilité urbaine européenne? En quoi cette thématique vous intéresse-t-elle particulièrement ?

Rendez-vous compte. Il est parfois dangereux de sortir à cause de la pollution, vous imaginez ? Désormais, avec les politique publiques en faveur du climat, le C40 (qui réunit 85 grandes villes internationales et dont Anne Hidalgo a été élue présidente), les villes vont être plus vivables, appréciables, si les mentalités changent et la mobilité avec.

Il est possible de créer une nouvelle économie pour une nouvelle mobilité. Les moyens existent. Pourvu que l'on repense entièrement les comportements et que l'on adapte les infrastructures. Par exemple, toutes les voitures seront électriques demain : elles auront donc besoin d'être rechargées facilement... Il faut penser la mobilité urbaine comme un mode de vie car tout le monde évolue, marche, court, mange dans la rue !

Pourquoi avoir choisi particulièrement Paris plutôt qu'une autre ville ou qu'une autre capitale européenne ?

Avec Autolib', Velib', le pass Navigo, Paris semble être le bon endroit pour représenter la ville de la mobilité connectée. Elle a tous les atouts pour qu'on en fasse un laboratoire de la mobilité et attirer les industriels afin de créer un véritable écosystème. Cependant, toutes ces solutions innovantes que l'on peut y trouver doivent être connectées entre elles. Il faut penser praticité pour l'usager et lui permettre d'avoir le choix entre diverses solutions de mobilité, accessibles via une unique application qui offre une solution de mobilité afin d'optimiser l'intermodalité. Et surtout, Paris ne sait hélas pas utiliser à bon escient - en matière de communication - sa multimodalité.

Que voulez-vous dire par là ?

Regardez le C40, qui veut diminuer la pollution. Il existe beaucoup de moyens d'y parvenir, comme les voitures autonomes par exemple. C'est pour cela que Uber, Google et Apple planchent sur le sujet. Le point commun de ces entreprises ? Une bonne histoire. On connaît le storytelling d'Uber créé par Travis Kalanick qui, selon l'anecdote, ne trouvait pas de taxi dans les rues de Paris. Celui de Google est le suivant : il y a 1,2 million de gens qui meurent chaque année sur les routes donc il y a besoin de voitures sans chauffeur, nous allons en fabriquer.

Or l'Europe a une histoire à raconter sur la mobilité. Trains, trams, vélos, voitures, il existe différentes formes de mobilité en Europe avec divers lobbies tandis que les Etats-Unis sont le royaume de la voiture. L'Europe a de très bons ingénieurs, de très bonnes industries, mais elle n'a pas les outils marketing américains... Autant dire que le Vieux continent a tout le potentiel nécessaire mais ne s'en sert pas alors qu'on pourrait faire des laboratoires de la mobilité connectée dans les villes d'une Europe qui deviendrait alors le centre du monde ! Il faut du storytelling. C'est la base du succès.

Nous avons tout de même Blablacar...

Oui c'est vrai. Mais ce n'est pas assez ! Prenez Nissan : ils font beaucoup plus de voitures électriques que Tesla ! C'est même un pionnier en la matière dans le monde entier. Pourtant, le public pense avant tout à Tesla ! Pourquoi ? Tout simplement parce que Elon Musk est plus fort en matière de communication !

Le storytelling ? Vous pensez-donc que c'est la clef du succès ?

Pas seulement. Il faut aujourd'hui que les industriels fassent cause commune. Pour l'instant, il y a trop d'affrontements et pas assez de collectif. Par exemple, il faut réfléchir ensemble à la façon de connecter les voitures autonomes et les vélos afin de régler un tel problème sur les routes pour l'exporter dans d'autres villes et pays qui doivent forcément être confrontés aux mêmes problèmes !

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 4
à écrit le 09/09/2016 à 9:19
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On peut légitimement accepter que l'on utilise un mot anglais lorsqu'il n'a pas son équivalent en français. Appeler ce salon Autonomy n'a pas de sens, Autonomie serait parfait. La Mairie de Paris devrait être attentive car ce n'est hélas pas le seu...

le 06/09/2017 à 15:18
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Le salon ne s'adresse pas qu'au Français et il n'a pas grand-chose à avoir avec l'autonomie (pers. âgées?) mais plutôt d’essayait de répondre au grand défi de la mobilité, la multimodalité et des moyens de transports en ville (pour rappel en 2050 en...

le 06/09/2017 à 17:10
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http://www.webdeveloppementdurable.com/autonomy-le-festival-de-la-mobilite-urbaine/ "Enjeux mondiaux, technologies innovantes et mutations culturelles bouleversent nos habitudes de transport. Circuler seul en voiture en ville sera bientôt obsolète. ...

à écrit le 08/09/2016 à 23:07
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Excellent sujet car il est tellement important que la situation de la mobilité dans les villes notamment évolue plus rapidement. On n'en parle pas assez !

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