Comment financer l'Internet du futur ?

Face à l'essor du trafic, la question des investissements dans les nouveaux réseaux s'invite au programme du DigiWorld Summit de l'Idate. Tout comme celle du poids réel du trafic de données.
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De la fibre optique pour pouvoir regarder de la vidéo en haute définition sur plusieurs écrans du foyer, des réseaux mobiles ultra-rapides pour surfer sur son smartphone sans se plaindre du temps de téléchargement : les opérateurs télécoms se préparent à des investissements importants dans les réseaux de nouvelle génération pour accompagner les usages de l'Internet du futur. Mais ils aimeraient ne pas supporter seuls ces dépenses d'infrastructures dont bénéficient d'autres acteurs, du Web notamment, comme Google et sa filiale Youtube, ou comme les plate-formes de e-commerce. Un an après le lancement du débat sur la neutralité du Web en France par le régulateur (Arcep), la question des modèles économiques de l'Internet du futur est posée. D'autant plus que face à la croissance du trafic, certains agitent le spectre d'un effondrement de l'Internet.

Prévenir tout filtrage

Faut-il réinventer la chaîne de valeur de la Toile ? Faut-il par ailleurs une loi pour garantir un Internet ouvert, comme le réclament certains parlementaires, afin de prévenir tout filtrage généralisé de la part des opérateurs et toute discrimination commerciale à l'égard de services qui seraient trop gourmands en bande passante ? Quel peut-être le rôle de nouveaux acteurs spécialisés comme les « content delivery networks » qui aident à soulager le trafic ? Ces questions seront au coeur des débats mercredi et jeudi du DigiWorld Summit 2010, la conférence internationale organisée par l'Idate à Montpellier sur le monde du numérique, dont « La Tribune » est partenaire.

Éric Besson, tout juste nommé ministre de l'Industrie, de l'Energie et de l'Économie numérique,  y a fait jeudi sa première intervention sur ses priorités pour le numérique.

Le mythe de l'explosion du trafic de données

Une étude du cabinet Analysys Mason lance un pavé dans la mare. Son auteur, Rupert Wood, conclut que l'explosion du trafic de données sur les réseaux mobiles est un mythe. « Cette vision d'une énorme vague de données qui pourrait submerger les opérateurs est exagérée et n'est pas corroborée par le trafic mesuré sur les réseaux mobiles », fait valoir l'expert du cabinet britannique. Le trafic de données sur mobile en Europe « ne va pas doubler chaque année comme on l'entend fréquemment » : après une croissance de 110 % en 2009 en moyenne, il devrait augmenter de 35 % environ selon lui cette année.

La part des clés 3G

La raison invoquée est simple : « environ 90 % du trafic de données sur mobile provient des PC et c'est la partie qui progresse le moins vite » estime-t-il, se fondant sur les statistiques récoltées auprès de régulateurs et d'opérateurs. À titre d'exemple, le gendarme des télécoms danois évaluait fin 2009 que les téléphones comptaient pour 5,7 % du trafic de données mobiles du pays, en Norvège son homologue l'évalue à 8,5% et au Portugal la part des terminaux serait de moins de 2% par rapport aux clés 3G. La France est dans ce domaine atypique : les clés 3G, aux tarifs plutôt élevés comparativement, n'ont pas atteint le même taux de pénétration et ne sont pas un produit de substitution du fixe comme dans d'autres pays où l'accès à l'Internet au haut débit est plus onéreux et de moindre qualité.

Le poids du wi-fi

S'appliquant à distinguer l'usage du trafic, Rupert Wood estime que la proportion du surf effectué depuis un téléphone transitant réellement par un réseau cellulaire est « en fait très petite, probablement autour de 10 %-20 % » dans les pays où la plupart des foyers sont connectés en Internet fixe. Les propriétaires de smartphones sont nombreux à basculer en WiFi sur un réseau fixe, en particulier à domicile. En mai, lors de l'Open Mobile Summit, le directeur technique de Deutsche Telekom, Olivier Baujard, avait indiqué que 100 % du trafic des utilisateurs d'iPhone en Allemagne en intérieur était écoulé en wi-fi.

Le téléchargement de certaines applications et le visionnage de vidéos par exemple sont plus rapides et plus fluides depuis un réseau fixe. La part la plus lourde du trafic serait donc déchargée des réseaux mobiles spontanément par les utilisateurs.

Les réseaux fixes très sollicités

Au total, l'expert d'Analysys Mason estime qu'une large part, « plus de la moitié et probablement près de 75 % » du trafic de données généré par les téléphones transite déjà par les réseaux fixes. Il en conclut que les opérateurs ne doivent pas précipiter leurs investissements dans la technologie LTE dite de quatrième génération, « au risque de répéter les erreurs du lancement de la 3G, qui, prématuré, faute de demande, avait conduit à brader les surcapacités de réseau. »

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