Blanchiment, FBI et fraude massive : l'histoire de Full Tilt a tout du scénario hollywoodien. Une éventuelle reprise du site de poker en ligne par Bernard Tapie pourrait valoir aussi une adaptation pour le petit écran français. Le fils de l'ancien propriétaire d'Adidas, Laurent Tapie, a signé un accord d'exclusivité pour reprendre le site actuellement poursuivi par le département américain de la justice.
Petit retour en arrière. Full Tilt, Absolute Poker, ou Pokerstars, tous les sites de poker en ligne jouent un jeu dangereux depuis 2006, date de l'interdiction des jeux d'argent sur Internet sur le sol américain. Alors que la loi n'est pas claire sur le poker, la plupart ont poursuivi leur activité. Et pour contourner l'interdiction de dépots bancaires aux États-Unis, ils passent par Instabill, une plate-forme de paiement inventée par un jeune génie de l'informatique australien, Daniel Tzvetkoff. Tous s'enrichissent. Le jeune homme aussi. Mais ce dernier, devenu trop gourmand, aurait détourné jusqu'à « 200 millions de dollars des opérateurs de poker, dont 60 millions pour Full Tilt Poker », selon Laurent Tapie. Les sites portent plainte contre lui. Et signent sans le savoir leur perte aux États-Unis. La justice américaine arrête Daniel Tzvetkoff, qui préfère collaborer plutôt que de passer 75 ans en prison. Grâce aux informations fournies par le jeune homme, le FBI bloque le 15 avril dernier les sites de poker sur le territoire américain, gelant les comptes, accusant les dirigeants de blanchiment. Une journée surnommée le « Black Friday » dans le milieu.
Pyramide de Ponzi
Depuis, Pokerstars a remboursé ses joueurs et repris ses activités hors des États-Unis, grâce à un accord avec la justice américaine, mais Full Tilt n'est pas parvenu à rendre l'argent aux internautes, faute de réserves suffisantes. En septembre, le procureur de Manhattan accuse Full Tilt d'avoir mis en place une vaste pyramide de Ponzi, au profit des dirigeants qui se sont octroyés en 4 ans 443 millions de dollars de dividendes. Christopher Ferguson, dit « Jesus », a reçu 87 millions de dollars, Raymond Bitar, 41 millions et Howard Lederer 42 millions de dollars. Tous ont maintenant affaire à titre personnel avec la justice américaine. « Au 31 mars, Full Tilt devait 390 millions de dollars à ses joueurs, dont 150 millions aux États-Unis. Il n'y avait que 60 millions dans ses comptes », ont expliqué les procureurs. Les actionnaires de Full Tilt se sont mis à la recherche d'un sauveur. « Il n'y avait personne sur le coup. J'étais le seul à me porter candidat. C'est un dossier compliqué, qui fait peur », indique à « La Tribune » Laurent Tapie.
Mais ce dernier conteste la pyramide de Ponzi. « Il est vrai que les dirigeants se sont distribués beaucoup de dividendes, mais les comptes étaient compensés par des réserves et des lettres de crédit. Or, ces dernières ont été bloquées par la justice ». Laurent Tapie, qui a signé un accord d'exclusivité pour reprendre 100 % du capital aux 25 actionnaires de Full Tilt, tous des personnes physiques, a trois mois pour mener son audit et étudier la faisabilité de l'opération. Quel en sera le montant ? « Il faut voir le montant de l'amende demandé par la justice, qui pourrait se compter en dizaines de millions de dollars. Et je me fais un honneur de rembourser tous les joueurs. Quant au prix de la société, il est d'un dollar », indique-t-il. Bernard Tapie, qui a reçu 403 millions d'euros en 2008 à l'issue d'un conflit avec le Crédit Lyonnais, investirait au côté de son fils dans la société, pour un montant qu'il ne communique pas. « L'objectif est de garder plus de la moitié des parts », indique Laurent Tapie. Full Tilt, qui a perdu sa licence à Alderney (île d'Aurigny), comptait 4 millions de joueurs actifs au moment de sa fermeture, dont 2 millions hors des États-Unis. En France, l'Autorité de régulation Arjel a préféré ne pas retirer la licence pour donner une chance aux joueurs de récupérer leurs mises. « Full Tilt a inventé le meilleur logiciel de poker au monde. Les joueurs peuvent revenir », conclut l'entrepreneur.
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