Le traité anti-contrefaçon (ACTA) suscite une méfiance croissante en Europe

Par latribune.fr avec Numérama et agences  |   |  876  mots
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Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dans toute l'Europe, principalement en Allemagne, pour dénoncer les atteintes à l'internet contenues selon eux dans l'accord européen ACTA sur la contrefaçon.

La plupart du temps jeunes, portant parfois le masque blanc et noir au sourire sarcastique de Guy Fawkes --activiste britannique du 17ème siècle-- devenu l'emblème des cyberactivistes, les anti-ACTA ont défilé dans le calme dans les grandes villes européennes.
En Allemagne, alors que les températures oscillaient entre -20 et 0 degrés, malgré le soleil, ils étaient 16.000 manifestants à Munich, 10.000 à Berlin, 5.000 à Hambourg (nord), 4.000 à Dortmund (ouest), 3.000 à Francfort (centre), 3.000 à Dresde (est), selon les organisateurs et la police.
Avait notamment appelé à manifester dans ce pays le jeune parti contestaire des Pirates, qui a le vent en poupe en Allemagne depuis son succès en septembre dernier aux élections régionales de Berlin, où il a fait son entrée au parlement de la ville-Etat. Cette formation originaire de Scandinavie --ils ont deux députés au parlement européen pour la Suède-- prône notamment la démocratie directe sur internet.
Vendredi, l'Allemagne avait annoncé suspendre pour le moment la ratification de l'accord ACTA, précisant qu'aucune décision définitive n'avait été prise.

Protection des droits d'auteur ou atteinte aux libertés ?

Cet accord, signé par 22 pays de l'UE fin janvier, crée des normes internationales pour la protection de la propriété intellectuelle et des droits d'auteur et est destiné à lutter contre la contrefaçon de manière très large. Il est dépeint par ses opposants comme une atteinte potentielle grave à la liberté d'expression et aux droits des utilisateurs d'internet.
Pour tenter de démonter les accusations de non-transparence formulées par les opposants, la Commission européenne a publié sur internet un long document détaillant les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les négociations de l'accord multilatéral (pour lire, cliquer ici).
Outre l'Allemagne, la mobilisation anti-ACTA était également assez forte samedi dans les pays ex-communistes, où les internautes considèrent ce document comme une grave atteinte à leur liberté.
A Sofia, plus de 3.000 personnes ont défilé dans les rues et autour du siège du parlement bulgare, scandant "Non à ACTA" et "Mafia" et reprochant au gouvernement d'avoir signé l'accord dans "le secret", sans aucune consultation publique.
En Roumanie, quelques milliers de personnes s'étaient rassemblées dans différentes villes du pays malgré la neige et des températures dépassant les moins 10°C. "Pluie, neige, nous vaincrons", ont-ils scandé sur la Place de l'université de Bucarest.
A Budapest, environ 400 manifestants, mobilisés par le Kalozpart (Parti des Pirates) à partir du réseau social en ligne Facebook, s'étaient réunis près du parlement hongrois, munis d'affiches "Stop Acta!".
A Vilnius, quelque 600 Lituaniens protestaient devant le siège du gouvernement. "Je vois une grande menace contre la liberté d'expression et la vie privée. Il y a certains passages du traité qui sont trop ambigus et qui laissent la voie à différentes interprétations", a dit à l'AFP l'un des organisateurs, Mantas Kondratavicius, 21 ans.
Près de 6.000 Autrichiens ont défilé à Vienne et dans les villes de Graz, Innsbruck et Linz.

Quelques centaines de manifestants à Paris

A Paris, ils étaient plusieurs centaines de manifestants. "C'est sous couvert d'anonymat que la révolution est née", proclamaient des pancartes, allusion aux actions spectaculaires des pirates informatiques siglés "Anonymous" qui se sont multipliées ces dernières semaines dans plusieurs pays.Les manifestants étaient 1.500, selon les organisateurs, 1.000, d'après la police. Le traité Acta fait craindre à ses adversaires la mise en place de nouvelles limitations de la liberté d'expression sur internet. Des manifestations ont été également organisées dans d'autres pays.

"La manifestation parisienne n'est qu'une toute petite partie d'un mouvement spontané, partout en Europe et dans le monde", a dit Jérémie Zimmermann, porte-parole de l'association la Quadrature du Net, qui avait appelé à manifester. 

L'ACTA doit être approuvé par les parlements des pays de l'Union européenne pour entrer en vigueur.

Irina Ivanova, Gérard Bon et Guy Kerivel Plusieurs gouvernements européens ont annoncé ces derniers jours le gel du processus de ratification de l'ACTA, tandis que plusieurs partis d'opposition, notamment français, font entendre leur voix contre le traité international.

Dans un communiqué publié ce vendredi, signé par Fleur Pellerin (en charge de l'économie numérique) et Aurélie Filippetti (culture, audiovisuel, médias) au nom de François Hollande, le Parti socialiste appelle au rejet de l'ACTA par le Parlement européen et demande au gouvernement de prendre conscience des "enjeux démocratiques qui sont en cause".

"Nous pensons qu'il est aujourd'hui indispensable de défendre et d'adapter le droit d'auteur à la révolution numérique, mais considérons que la méthode à privilégier pour poursuivre cette réflexion doit être ouverte, démocratique et prendre en compte le principe de neutralité du net auquel nous sommes attachés" écrivent les deux politiques.

En France, plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2012 ont affiché leur désaccord avec l'accord commercial anti-contrefaçon. C'est le cas de Marine Le Pen (Front National), Eva Joly (Europe Écologie Les Verts) Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) ou encore Corinne Lepage (Cap 21).

Lire l'ensemble des articles consacrés à l'Acta sur le site Numérama, ainsi que l'infographie que consacre le site OWNI à ce sujet peu médiatisé.