Droits voisins : l'appel de Google ne suspend pas le paiement de son amende de 500 millions d'euros

Alors que l’Autorité de la concurrence française avait infligé le 13 juillet dernier une amende de 500 millions d’euros à Google pour ne pas avoir négocié “de bonne foi” avec les éditeurs de presse sur l’application des droits voisins, le géant du web annonce faire appel de cette sanction devant la cour d’appel de Paris. Contactée par La Tribune, l'Autorité de la concurrence précise toutefois que ce recours n'a pas d'effet suspensif sur l'amende, qui devra donc être payée au Trésor par Google dans les plus brefs délais, quelle que soit la décision rendue par la cour d'appel.
Google fait appel de la sanction de 500 millions d'euros imposée à son encontre par l'Autorité de la concurrence.
Google fait appel de la sanction de 500 millions d'euros imposée à son encontre par l'Autorité de la concurrence. (Crédits : Arnd Wiegmann)

« Une amende disproportionnée au regard des efforts mis en place par Google pour appliquer la loi sur les droits voisins ». C'est ce qu'a déploré mercredi 1er septembre le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, dans un communiqué, avant d'annoncer que l'entreprise allait porter cette sanction devant la cour d'appel de Paris. Pour autant, « le recours devant la cour d'appel de Paris ne suspend pas le paiement de l'amende par Google », précise l'Autorité de la concurrence, qui avait sanctionné mi-juillet Google pour manquement à ses obligations en vertu de la loi sur les droits voisins.

En vigueur à l'échelle européenne depuis juillet 2019 et transposée immédiatement en France, la législation en question vise à « protéger les agences et les éditeurs de presse dont les contenus sont reproduits et diffusés comme libres de droits par les moteurs de recherche », en instaurant des droits voisins. Concrètement, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux sont dorénavant tenus de s'acquitter de droits, au profit des créateurs de contenus éditoriaux.

Une hostilité affichée aux droits voisins

Initialement hostile au principe des droits voisins, Google a dans un premier temps tenté d'y déroger en imposant aux éditeurs de presse de lui accorder gratuitement le droit d'utiliser ces contenus. La raison ? Google estimait que les éditeurs étaient suffisamment rémunérés par le trafic qu'il envoyait sur leurs sites. Selon le géant américain, les médias monétisent ce trafic, notamment en valorisant les visites auprès des annonceurs publicitaires.

Devant ce refus de Google de négocier une rémunération, les éditeurs de presse (l'AFP, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine et l'Alliance de la presse d'information générale) avaient saisi fin 2019 le gendarme français de la concurrence pour « abus de position dominante ». Quelques mois plus tard, en avril 2020, l'Autorité de la concurrence avait donc obligé le géant américain à négocier « de bonne foi » une rémunération avec les éditeurs de presse.

Dans ce contexte, Google avait conclu à la mi-janvier 2021 un accord-cadre avec l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), qui représente environ 300 titres de presse, marquant une première étape de l'application par Google des droits voisins. Google s'y engageait notamment à verser 76 millions de dollars à un groupe de 121 publications. Mais cet accord-cadre a été suspendu par le géant américain fin juin. L'Autorité de la concurrence précise que « la sanction financière [l'amende de 500 millions d'euros, NDLR] prise à l'encontre de Google n'a pas mis fin aux négociations avec les acteurs de la presse ».

Première sanction d'une autorité de régulation sur ce sujet

La sanction porte d'ailleurs principalement sur les négociations ayant eu lieu entre mai et septembre 2020. Faute d'être parvenu à négocier « de bonne foi » avec les éditeurs et agences de presse, Google s'était vu infliger le 13 juillet une amende de 500 millions d'euros. Cette sanction est une première pour une autorité de la concurrence européenne sur ce sujet et constitue en outre « la plus forte amende » jamais infligée par le gendarme français de la concurrence pour non-respect d'une de ses décisions. Interrogée en juillet dernier, la présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle De Silva, avait affirmé vouloir « marquer la gravité » des manquements de Google à ses obligations.

L'institution reproche en particulier à Google d'avoir tenté de placer les négociations sur le terrain de Google Showcase, un nouveau service proposé par l'entreprise, en refusant « d'avoir une discussion spécifique » sur les droits voisins. Il est également reproché à Google de ne pas avoir communiqué aux organismes de presse « les informations nécessaires à une évaluation transparente sur la rémunération due ».

La question d'un abus ou non de position dominante fera en revanche l'objet d'une décision à part, qui sera probablement rendue d'ici fin 2021 selon la présidente de l'Autorité de la concurrence.

Google rejette la sanction et assure avoir pris les mesures adéquates

Ce mercredi, le directeur de Google France a précisé avoir pris des initiatives pour se plier aux demandes exprimées par l'Autorité de la Concurrence en juillet dernier, à savoir « présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés » aux éditeurs et agences de presse, sous peine de se voir infliger des astreintes pouvant aller jusqu'à 900.000 euros par jour au total.

« Nous avons étendu notre offre à plus de 1.200 éditeurs de presse, modifié certains aspects de nos contrats, et nous partageons les données qui nous ont été demandées afin de nous conformer à la décision de l'Autorité de la concurrence », a détaillé Sébastien Missoffe (Google France).

Quoi qu'il advienne après l'examen du dossier par la cour d'appel, les discussions officielles de Google avec les instances représentatives de la presse devraient reprendre courant septembre, afin de trouver un terrain d'entente.

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