Le streaming, pilier plus fragile que prévu de l'empire Disney pendant la crise

Toutes les activités de Disney (télévision, parcs et produits, licences de contenus) ont lourdement chuté au premier trimestre 2021 sous l'effet de la crise, à l'exception notable des services de vidéo à la demande (Disney +, ESPN+ et Hulu), dont les revenus progressent de 60% sur un an. Mais le ralentissement de la locomotive Disney+ inquiète les marchés.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

Baisse de 36% des ventes de contenus sous licence, de 44% de ceux des parcs d'attractions et de la vente de produits, de 4% des ceux des chaînes de télévision... Les activités historiques de l'empire Disney ont pris un sacré coup au premier trimestre 2021, d'après les résultats financiers publiés jeudi soir. Son chiffre d'affaires global a perdu 13% sur un an. A 15,6 milliards de dollars (12,9 milliards d'euros), il est inférieur aux attentes du marché et le groupe a vu la valeur de son action chuter immédiatement de 4% dans les échanges post-clôture à Wall Street.

Mais de manière paradoxale, la déception des marchés n'est pas liée à l'impact de la crise sanitaire sur le groupe de divertissement, car ces mauvais chiffres étaient anticipés. Ce qu'il n'avaient pas prévu, en revanche, c'est d'être déçus par Disney+. Le service de vidéo à la demande sur abonnement lancé fin 2019 et déjà devenu, en un an et demi à peine, le pilier du groupe centenaire. Et sa croissance a été beaucoup plus faible qu'attendue en ce début d'année.

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103 millions d'abonnés à la place des 109 millions attendus par les analystes

Au premier trimestre 2021, Disney+ a recruté 8,7 millions de nouveaux abonnés, pour un total de 103,6 millions. Cela reste, dans l'absolu, une performance majuscule pour un service vieux de 16 mois à peine, qui n'avait que 33,5 millions d'abonnés il y a un an, ce qui représente tout de même une progression hallucinante de plus de 300%. Mais les analystes tablaient sur 109 millions d'abonnés, soit 6 millions de plus. Autrement dit, la croissance extraordinaire de Disney+ ralentit plus vite que prévu, ce qui assombrit les perspectives de croissance de l'entièreté du groupe, dont le centre de gravité se déplace à grande vitesse vers la vidéo à la demande, avec également les services ESPN+ et Hulu.

Cette branche, baptisée "Direct to consumer" dans les résultats financiers, pèse 4 milliards de dollars (3,3 milliards d'euros) de chiffre d'affaires au premier trimestre, soit 25% du total des revenus du groupe (15,6 milliards de dollars ou 12,9 milliards d'euros). Il s'agit de la seule branche en croissance de l'empire Disney (+59% sur un an), qui réussit par ailleurs à réduire ses pertes nettes de 805 à 290 millions de dollars sur un an.

Cette croissance porte à bout de bras le segment "Disney Media and Entertainment Distribution", qui représente l'essentiel des revenus du groupe (12,4 milliards de dollars, stable sur un an, sur 15,6 milliards au total). A l'exception des services de streaming, cette division ne comprend que des activités en décroissance, qu'il s'agisse de la télévision traditionnelle (6,7 milliards de dollars de revenus, -4%) ou encore les contenus vendus sous licence à d'autres acteurs (1,9 milliard de dollars, -36%).

Les analystes ont également réagi aux difficultés de Disney pour monétiser Disney+. Le revenu moyen par abonné s'élève à 3,99 dollars, en chute de 29% sur un an en raison du lancement du service Disney+ Hotstar en Inde et en Indonésie. Par comparaison, ESPN+ et Hulu sont beaucoup plus rentables pour Disney. Les 13,8 millions d'abonnés à ESPN+ paient en moyenne 4,55 dollars par mois, tandis que les 37,8 millions de Hulu dépensent en moyenne 12,08 dollars par mois. Moins connu, Hulu est très important pour Disney et continue de monter en puissance avec son modèle hybride soit abonnement, soit publicitaire, avec une croissance très forte des recettes publicitaires sur ce service.

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Elargir son audience au-delà des fans et des familles, le principal défi de Disney+

"Gardez à l'esprit que nous avons conquis 30 millions de ménages pendant les six premiers mois de l'année fiscale", a rappelé Bob Chapek, le patron du groupe, lors d'une conférence téléphonique.

Il a promis des investissements conséquents dans les franchises à succès, comme Star Wars. Il parie notamment sur la sortie en juin de la série Loki, des studios Marvel, censée générer "beaucoup d'attention". "L'attention est le précurseur des additions nettes d'abonnements", a-t-il insisté.

Surtout, la plateforme a encore des marchés à conquérir. Elle sera bientôt disponible en Malaisie et en Thaïlande, notamment. Elle doit aussi et surtout élargir son audience aux fans de la marque. Les experts prédisent ainsi une hausse des coûts d'acquisition (marketing, etc.) pour le groupe californien. "Disney+ s'est bien débrouillé pour attirer les fans et les familles mais maintenant, ils vont devoir séduire les spectateurs" non acquis à l'univers de la marque, a noté Joe McCormack de Third Bridge, cité par l'AFP.

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"Entre 230 et 260 millions" d'abonnés aux trois services de streaming prévus fin 2024

Fin mars, Disney+ a légèrement monté ses prix, qui restent en-deçà de ceux de ses concurrents, pour un accès à des catalogues immenses. Bob Chapek a assuré qu'il tablait toujours sur un nombre d'abonnés total (toutes plateformes confondues, soit Disney+, Hulu et ESPN+) compris entre 230 et 260 millions d'ici la fin 2024.

En ce qui concerne la chaîne de télévision sportive ESPN, Disney a annoncé jeudi que cette filiale avait acquis les droits de diffusion de La Liga, le championnat espagnol de football, pour 1,4 milliard de dollars, qui couvrent les huit prochaines saisons. Le montant de la transaction -175 millions par saison- a été confirmé à l'AFP par une source proche du dossier. Tous les matchs seront aussi diffusés sur la plateforme de streaming ESPN+.

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Vaccination et réouverture des parcs devraient faire repartir le groupe en 2022

Le géant du divertissement, qui s'est longtemps reposé sur des chaînes de distribution traditionnelles (télévision et cinémas), a lancé Disney+ juste à temps, avant la pandémie, sans savoir que le service décollerait grâce aux mesures de confinement et qu'il deviendrait aussi rapidement essentiel à ses affaires.

Entre les parcs d'attractions fermés, les croisières interrompues, les salles de cinéma vidées et l'annulation des événements sportifs, l'entreprise peine à se relever du Covid-19. Elle a indiqué jeudi que les mesures de restrictions et de sécurité liées à la crise sanitaire devraient encore lui coûter 1 milliard de dollars sur son année fiscale 2021.

Mais l'empire du divertissement s'estime néanmoins en bonne voie grâce aux campagnes de vaccination et aux réouvertures progressives. Ses deux parcs d'attraction californiens accueillent de nouveau des visiteurs depuis le 30 avril.

"Les CDC (l'agence fédérale américaine de santé publique) ont indiqué aujourd'hui que les personnes vaccinées n'ont plus besoin de porter de masque, à l'intérieur ou l'extérieur", s'est réjoui Bob Chapek. "C'est une excellente nouvelle pour nous et pour quiconque a porté un masque en Floride au milieu de l'été."

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Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 15/05/2021 à 2:48
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Heureusement que netflix existe ,parceque à part Arte et ses Replay ou l'on trouve des perles étrangères ,la TV Française à force d'être dans le correctement correct , est devenue insipide, et niée ..... Je n'ai pas trouvé une série française sur n...

à écrit le 14/05/2021 à 12:15
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Netflix et son modèle reposant sur la production d'oeuvres originales est plus dans l'air du temps, et plus souple également financièrement, que ces machines à cash produites et distribuées par disney, ils se sont enfermés eux-même dans un modèle qui...

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