Paiement sur Twitter : Elon Musk fait le premier pas vers son « app universelle »

Elon Musk avait annoncé qu'il projetait Twitter comme une « app universelle » qui irait bien au-delà du simple réseau social. Pour aller vers cet idéal, le milliardaire a déposé une demande auprès des autorités américaines afin de transformer Twitter en système de paiement similaire à PayPal. Il ouvre ainsi la plateforme à un nouveau modèle économique, mais doit gérer dans le même temps les inquiétudes des annonceurs, sur qui le modèle actuel repose. Explications.
François Manens
(Crédits : DADO RUVIC)

Début octobre, après s'être enfin résolu à aller au bout de la procédure d'acquisition de Twitter, Elon Musk avait fait part de son plan vague de transformer le réseau social en « app universelle ». Les analystes s'accordaient alors pour désigner derrière cette appellation le modèle du chinois WeChat. Un réseau social capable de gérer les paiements, qui intègre tout un panel de services (divertissement, livraison de nourriture, VTC...), de sorte à devenir une place centrale des dépenses de ses utilisateurs.

Depuis les débuts très chaotiques d'Elon Musk en tant que patron de Twitter, cette ambition n'avait pas ressurgi. Mais mercredi, le New York Times a mis la main sur un document très intéressant : une demande d'enregistrement de Twitter auprès de la FinCEN, l'agence américaine chargée de contrôler les mouvements financiers. Concrètement, le réseau social a entamé les procédures pour obtenir la permission légale de gérer les paiements. Interrogé sur le sujet dans un Twitter Space [une conférence audio sur le réseau social, ndlr] de plus d'une heure adressé aux annonceurs, Elon Musk a donné des détails sur ses plans.

Twitter Blue, première pierre

A moyen terme, Elon Musk a évoqué un futur dans lequel Twitter permettrait l'envoi d'argent entre utilisateurs (comme Paypal ou Lydia), mais aussi le transfert depuis un compte bancaire authentifié. Pour l'homme d'affaires, le nouveau service d'abonnement Twitter Blue, qui donne accès pour 8 dollars à un badge de certification et à une meilleure mise en avant des contenus publiés (entre autres avantages) est la première pierre de ce futur écosystème.

L'entreprise travaillerait également à un système de paiement pour les vidéos. Cette évolution lancerait Twitter sur un marché où se trouvent avant tout des plateformes populaires de l'industrie pornographique comme Onlyfans. Les plateformes de vidéo grand public comme Twitch ou YouTube proposent plutôt des systèmes d'abonnement mensuel qui ne ferment pas l'accès aux contenus. L'abonnement traduit un soutien et donne seulement accès à des avantages cosmétiques et éventuellement à des rediffusions. Twitter a par ailleurs déjà copié cette fonctionnalité sous le nom de « Super Follow », a intégré un système de don, et la possibilité de mettre certains contenus sous paywall (comme les newsletters).

Le nouveau système pourrait permettre aux créateurs de vidéos de générer des revenus -comme sur Instagram, YouTube ou TikTok. Musk envisage de mettre en place des incitations pour qu'ils gardent cet argent sur la plateforme. Mais avant de réaliser ce projet, Twitter doit réaliser des ajustements techniques pour supporter des vidéos plus longues qu'à l'heure actuelle.

Twitter à la sauce PayPal ?

A long terme, Elon Musk espère aller jusqu'à proposer des offres bancaires suffisamment intéressantes pour pousser les utilisateurs à stocker le gros de leur épargne sur la plateforme. Il deviendrait concurrent de services de paiements comme PayPal, Venmo ou encore Lydia, qui cherchent à retenir les liquidités de leurs clients dans leurs systèmes, comme le relève TechcrunchPourtant très friand des cryptomonnaies, le milliardaire n'a pas évoqué ce type de paiement lors de son Twitter Space, même si ce serait effectivement en préparation d'après le toujours très bien informé The Information.

L'homme d'affaires ne saute pas dans l'inconnu : en 1999 il avait participé au lancement de X.com, qui deviendra PayPal. C'est pourquoi ce virage de Twitter vers le paiement a été évoqué par les analystes dès la signature de l'offre de rachat. Reste à voir désormais s'il s'agit bien d'une véritable stratégie de long terme, ou d'un simple coup d'éclat.

Pour rappel, Musk a endetté Twitter à hauteur de 13 milliards de dollars pour conclure le rachat, et il doit désormais payer un milliard de dollars d'intérêts par an. Le tout, alors que le modèle économique du réseau social, qui s'appuie à 90% sur la publicité, n'a jamais engendré de bénéfices significatifs en 13 ans d'existence.

Lire aussiComment Elon Musk fait basculer Twitter et l'économie dans l'ère de la post-vérité

Quid des annonceurs ?

En attendant que la stratégie de long terme autour du paiement fonctionne, Twitter doit survivre. Or, Elon Musk se confronte à de premiers retraits d'annonceurs, inquiets de la nouvelle direction du réseau, ou qui soulignent (comme General Motors) les conflits d'intérêts du nouveau dirigeant, également propriétaire de Tesla. Plus généralement, le marché de la publicité en ligne traverse une période trouble. Les annonceurs concentrent leurs investissements et le réseau social n'est vu que comme une plateforme secondaire par rapport à l'affichage sur Google Search, Meta (Facebook) ou Amazon (pour les e-commerçants).

La frénésie de création et de destruction affichée par le nouveau dirigeant n'aide pas à redonner confiance. Ces dernières années, Twitter testait ses nombreuses nouvelles fonctionnalités sur un petit nombre d'utilisateurs, afin de les ajuster avant de décider de les déployer à l'échelle du réseau ou pas. Le lancement de la fonctionnalité de modification des tweets, le très discuté « edit button », est un parfait exemple de cette méthode précautionneuse. Elle permettait à la fois de voir les fonctionnalités en conditions réelles, tout en évitant des détournements dangereux en cas de bug, puisque les testeurs restaient en nombre limité.

De son côté, Elon Musk a décidé de ne pas faire dans la demi-mesure et de dénigrer toute précaution. Le week-end dernier, ses équipes ont déployé puis rétracté le nouveau Twitter Blue, avant de le remettre en production depuis hier soir. De même, elles ont changé l'affichage des certifications de l'ancien système -« héritage » dans le jargon de Musk-, avant de revenir sur la modification, puis de déployer une nouvelle façon de distinguer les certifications héritage et celles issues du nouvel abonnement Twitter Blue.

« Notez s'il vous plaît que Twitter va faire beaucoup de choses débiles dans les mois à venir. Nous allons garder ce qui marche et changer ce qui ne marche pas », a prévenu Elon Musk en réponse à la confusion des utilisateurs.

Le milliardaire s'assoit sur toutes les règles traditionnelles du processus de déploiement d'une fonctionnalité, et il s'expose aux risques qui vont avec. Sans surprise, les abus de Twitter Blue florissent déjà : des plaisantins certifient des comptes au nom de marques, tandis que des acteurs malveillants s'en servent pour publier des arnaques. Elon Musk a déjà dit qu'il bannirait toute tentative d'abus d'identité, mais cela n'empêche évidemment personne de s'y essayer. Le milliardaire devra prouver qu'il peut mettre son nouveau système de certification sous contrôle au risque de faire face à un exode des annonceurs, et de leurs budgets.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 11/11/2022 à 0:15
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Vais pas aller sur Twitter donner mon pognon à des complotistes , anti - démocratiques et machos comme Trump qui prétend «  attraper les femmes par la charte » c est dire le niveau de Twitter peuplé de beaufs avinés par la bière et braillards….

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