Quel avenir pour Yahoo ?

La crise actuelle autour de la patronne de Yahoo, Marissa Mayer, qui pourrait être poussée vers la sortie dès le mois de décembre, met en lumière le besoin d’une réorganisation profonde de l’ancien géant du net.
Sylvain Rolland
Les analystes estiment qu'une séparation entre les deux activités phares de Yahoo, c'est-à-dire le moteur de recherche et la publicité d'une part, les participations dans d'autres sociétés de l'autre, est, sinon inévitable, fortement envisageable.

Yahoo peut-il se sortir du marasme dans lequel il est plongé depuis quelques années ? A l'exception de sa patronne, Marissa Mayer, qui multipliait jusqu'au mois dernier les propos rassurants, ni ses actionnaires, ni les analystes n'y croient. Au point que la femme la plus puissante de la Silicon Valley pourrait être poussée vers la sortie dès le mois de décembre, croit savoir la presse américaine.

Contestée en interne depuis plus d'un an pour son absence de vision stratégique et un management perçu comme trop agressif, Marissa Mayer commence aussi à se mettre à dos les actionnaires. En fin de semaine dernière, elle a perdu le soutien de l'un des principaux investisseurs, le fonds activiste Starboard Value.

Marissa Mayer lâchée par les actionnaires

Dans une lettre rendue publique, le fonds fait part de sa "frustration" face "au manque de volonté" de Marissa Mayer "d'accepter son aide". En cause : la décision de la patronne de poursuivre la filialisation (spin-off) des parts détenues par Yahoo dans Alibaba, le géant chinois de l'e-commerce.

Concrètement, cette opération, lancée en janvier dernier, consiste à transférer les 15% que le portail détient dans Alibaba dans une filiale à part, baptisée Aabaco. Ces 15% représentent 384 millions de titres Alibaba. Si elle était créée, la nouvelle société serait valorisée à près de 30 milliards de dollars, soit la quasi-totalité de la valorisation totale de Yahoo (31 milliards).

L'objectif de l'opération ? Séparer les deux grandes activités de Yahoo (moteur de recherche et régie publicitaire d'un côté, participations financières dans Alibaba et dans Yahoo Japan de l'autre) pour payer moins d'impôts et en profiter pour redistribuer des dividendes aux actionnaires.

En menant cette opération, Marissa Mayer contente les investisseurs, du moins en théorie. Surtout qu'ils se montrent quelque peu échaudés par les piètres résultats financiers de Yahoo, en grande difficulté sur son cœur de métier, la recherche et la publicité en ligne. En un an, le bénéfice net de l'entreprise a chuté de 99%, à 76 millions de dollars, et sa valeur boursière a fondu de 25%. Certes, c'est toujours mieux qu'avant l'arrivée de Marissa Mayer en tant que PDG, en juillet 2012. Mais les actionnaires y voient la preuve de son échec à remettre le portail Internet sur de bons rails.

La volte-face de Starboard Value

Pourquoi diable le fonds Starboard Value conteste-t-il maintenant une opération financière qui lui serait profitable et qu'il appelait de ses vœux il y a un an ? La raison est simple : le fisc américain. Depuis le départ, Yahoo subordonne le versement de dividendes aux actionnaires au fait que l'opération soit exempte d'impôts. Mais l'IRS, l'administration américaine, a refusé de le confirmer.

Du coup, l'opération apparaît risquée aux yeux des actionnaires. Starboard Value a donc changé son fusil d'épaule. Désormais, le fonds activiste ne désire plus « filialiser » les parts de Yahoo dans Alibaba, mais que Yahoo ne conserve que ses participations extérieures : dans Alibaba donc, mais aussi dans Yahoo Japan, valorisée près de 8 milliards de dollars.

Comme ils veulent toujours toucher des dividendes, Yahoo devrait alors céder ses activités historiques, c'est-à-dire son moteur de recherche, ses sites et sa régie publicitaire, pour en redistribuer le produit aux actionnaires. "Nous estimons que la trésorerie nette actuelle de Yahoo et celle que va générer la vente d'une activité centrale peuvent être redistribuées aux actionnaires sous la forme de rachats d'actions et de dividendes", écrit le fonds dans sa missive à Marissa Mayer.

Les actionnaires perdent patience

Cette crise est un désaveu cinglant de l'action menée par Marissa Mayer, alors que le groupe a essuyé 27 départs de cadres depuis le début de l'année, preuve que le bateau coule. La patronne de Yahoo n'a pourtant pas ménagé ses efforts. Elle a modernisé plusieurs produits historiques comme la messagerie Yahoo! Mail. Elle a racheté Tumblr pour 1,1 milliard de dollars en 2013 pour rajeunir l'image du groupe. Et elle a multiplié les acquisitions de startups pour renforcer des activités jugées porteuses comme le mobile ou la vidéo en ligne.

Mais jusqu'ici, ces initiatives n'ont pas ramené la croissance. Autrefois géant, Yahoo fait aujourd'hui figure de nain à côté de Google et de Facebook. Contrairement à Google, leader incontesté de la recherche en ligne, Yahoo ne pèse qu'environ 10% du marché aux Etats-Unis, et près de 3% en Europe. Yahoo reste aussi extrêmement dépendant de ses contenus (portail d'actualité, services associés) pour attirer la publicité. Il doit donc se battre en permanence pour conserver une audience de plus en plus volatile, qui migre vers les supports mobiles.

Jérôme Colin, analyste chez Roland Berger, résume la situation:

"Trois ans après l'arrivée de Marissa Mayer, les actionnaires perdent patience. Ils ne croient plus dans la capacité de Yahoo à croître dans un marché de la recherche en ligne et de la publicité extrêmement compétitifs, dans lesquels Yahoo ne pèse pas grand-chose. D'autant plus qu'ils ont réalisé que l'essentiel de la valorisation de la compagnie provient des participations de Yahoo dans Alibaba et Yahoo Japon".

Vers une inévitable réorganisation ?

Effectivement, la valorisation de Yahoo se situe autour de 31 milliards de dollars. Mais l'activité recherche et publicité ne pèse pas grand-chose. Dans sa lettre, Starboard Value considère que le cœur d'activité de Yahoo ne vaudrait que 2 milliards de dollars de valorisation, malgré un chiffre d'affaires annuel de 4,6 milliards de dollars. Sa vraie valeur se situe dans ses participations dans Alibaba et Yahoo Japan.

Comment rebondir, alors ? Les analystes estiment qu'une séparation entre les deux activités phares de Yahoo est, sinon inévitable, fortement envisageable. Dans le cas où Yahoo se séparerait de la recherche et de la publicité en ligne, l'entreprise deviendrait une coquille vide, "un gestionnaire de participation sans activité réelle", souligne Jérôme Colin.

Une autre solution consisterait, selon Jérôme Colin, à se séparer des participations dans Alibaba et éventuellement dans Yahoo Japan, pour renflouer la société en cash et lui permettre d'investir massivement dans le moteur de recherche et le développement de la publicité.

Quoi qu'il en soit, maintenant que les investisseurs ne croient plus à ses perspectives de croissance, Yahoo va devoir se réorganiser de fonds en comble. Le départ probable de Marissa Mayer d'ici à la fin de l'année n'en sera que la première étape.

Sylvain Rolland

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Commentaires 5
à écrit le 26/11/2015 à 18:21
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Rappelez-nous combien elle a été payée pour ce job ? Souvent dans les grands groupes, il suffit de ne pas embaucher de nouveau patron et cela fait de grandes économies.

à écrit le 26/11/2015 à 17:31
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Pourquoi Yahoo! coule? Parce qu'ils sont simplement incompétents en informatique. " Elle a modernisé plusieurs produits historiques comme la messagerie Yahoo! Mail." La nouvelle version en question est une copie conforme de Gmail, à l'exception qu'e...

à écrit le 26/11/2015 à 14:03
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Si nous, utilisateurs, utilisons plutôt google que yahoo la réponse est simple : "ping yahoo.fr" temps de réponse 340 ms, "ping google.fr" temps de réponse 8 ms, et donc rien à voir avec la cotation de l'action en bourse.

à écrit le 26/11/2015 à 11:10
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Il est tout de même extraordinaire que els actionnaires veuillent del'argnet alors que précisémment ce dont a besoin Yahoo c'est de l'argent pour innover, relancer sa R&D et se réorganiser. D'après moi Yahoo est sur un modèle de financement qui es...

à écrit le 26/11/2015 à 9:57
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Elle va être adblockée, ça va faire de la publicité !

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