Twitter : 2017 pire que 2016 ?

L’année cauchemardesque de Twitter continue avec l’annonce de la démission de deux nouveaux cadres, dont le directeur de la Technologie, alors que le titre agonise en Bourse, que personne ne veut racheter le réseau social, que les polémiques sur les "fake news" abîment son image et que les perspectives de croissance sont atones. Comment relever la pente en 2017 ?
Sylvain Rolland
Plus le temps passe, plus les marchés désespèrent. En un an, l'action Twitter a perdu 28,7% de sa valeur, à 16,50 dollars.

Jusqu'au bout, 2016 aura été catastrophique pour Twitter. Mardi 27 décembre, Adam Messinger, le directeur de la technologie du réseau social, et Josh McFarland, le vice-président dédié à la gestion produit, ont à leur tour quitté le navire, comme une dizaine de cadres dirigeants depuis le début de l'année.

Une mauvaise nouvelle de plus, signe que la panique s'installe à bord, alors que le titre Twitter agonise en Bourse et que la société multiplie les faux-pas, à l'image de ce « bug technique », révélé la semaine dernière, qui a amené Twitter à surévaluer le nombre de vues de ses vidéos, et donc le prix de ses espaces publicitaires, en novembre et en décembre dernier. Quand ça ne veut pas...

     | Lire. Twitter a dix ans : le parcours du réseau social en 10 dates-clés

Croissance trop faible et parcours boursier chaotique

Twitter n'a pas eu un moment de répit en 2016. Dès le début de l'année, l'entreprise était sous pression. Son Pdg, l'emblématique Jack Dorsey, a été rappelé en catastrophe en octobre 2015, soit quatre ans après avoir été éjecté du même poste, avec une mission claire : recruter de nouveaux utilisateurs et réussir à enfin monétiser le réseau social en valorisant de manière plus efficace le trésor des données de ses membres et les opportunités publicitaires. Autrement dit, « réparer les fenêtres cassées et tout ce qui prête à confusion », comme l'expliquait Jack Dorsey en février dernier.

Pour l'instant, cette mission n'est pas remplie. Et plus le temps passe, plus les marchés désespèrent. En un an, l'action Twitter a perdu 28,7% de sa valeur, à 16,50 dollars. Elle a même chuté de 60,4% depuis son introduction en Bourse, en novembre 2013, où le titre s'échangeait à  41,65 dollars. En ce moment, il se rapproche plutôt du plus bas historique de 14,02 dollars, enregistré le 10 juin dernier. Une preuve que la confiance des investisseurs en Twitter est au plus bas.

Et pour cause : la panne de croissance, identifiée dès début 2015 comme le principal problème de la société, n'a pas été résolue. En un an, Twitter est passé de 305 à 317 millions d'utilisateurs actifs par mois, soit une progression d'à peine 3%. À titre de comparaison, Facebook, qui fédère pourtant 1,79 milliard d'amis, a étendu sa base d'utilisateurs de 16% sur un an. Les autres réseaux sociaux populaires (Messenger, WhatsApp, Instagram, Snapchat) ont tous fait mieux en 2016.

Une stratégie erratique

Pourtant, l'oiseau bleu n'est pas resté les bras croisés face à la crise. De nombreuses mesures, parfois radicales, ont été mises en place pour simplifier le réseau social, développer la vidéo, favoriser l'engagement des internautes et multiplier les opportunités publicitaires pour les annonceurs. Mais leur inefficacité a donné l'impression d'une stratégie erratique, comme si Twitter lançait des bouteilles à la mer sans vision globale.

En 2016, Twitter a beaucoup changé. Pour « donner de l'air » aux messages, le dogme des 140 caractères a été sacrifié, tout comme celui du flux anté-chronologique, qui voyait les derniers tweets s'afficher en temps réel sur la « timeline » de l'utilisateur. Désormais, Twitter met en avant des contenus « intéressants » sélectionnés par des algorithmes. Quitte à provoquer le mécontentement des utilisateurs « historiques ».

Twitter s'est aussi lancé dans la retransmission en vidéo de matchs de football américain et des débats présidentiels. Il a intégré son application Periscope, prometteuse, mais toujours confidentielle et pourrie par les polémiques, dans le fil d'actualités. De nombreux tests et programmes ont été menés. Enfin, Twitter décidé de faire le ménage dans ses services agonisants et coûteux. Ainsi, fin octobre, le réseau social a annoncé la fin de l'application mythique Vine, qui permet de diffuser en boucle des vidéos de six secondes. Mais le cas Vine est un bon révélateur des errements stratégiques de Jack Dorsey. Devant l'émotion des internautes et les manifestations d'intérêt d'une dizaine de repreneurs potentiels, Twitter a finalement décidé de ne pas tuer Vine, mais de le transformer en outil au service du réseau social : les internautes pourront toujours réaliser des courtes vidéos de six secondes, mais ils les publieront désormais sur Twitter.

Plan social, départs en pagaille... et aucun repreneur

Les rumeurs d'une mise en vente de Twitter, pour lui permettre de bénéficier du soutien d'un plus grand groupe ou de lui apporter une bouffée d'air frais en cash, circulaient depuis la fin de 2015. L'entreprise les avait toujours écartées d'un revers de main. Mais il a bien fallu se rendre à l'évidence : puisque la croissance est durablement atone et que Twitter reste déficitaire, il faut tenter l'option du rachat. "Je ne vois pas comment la société pourrait aller mieux au cours des deux prochaines années sans sang frais", a déclaré Chris Sacca, l'un des actionnaires historiques, au début du mois d'octobre.

Fort de son statut de médias du temps réel, de plateforme internet de référence, Twitter s'est d'abord cru en position de force. Le réseau social souhaitait se vendre pour 30 milliards de dollars, alors qu'il était valorisé entre 18 et 20 milliards de dollars. Salesforce, Google, Disney, Apple et Microsoft lui ont tous manifesté de l'intérêt. Mais chacun a décliné. Fin octobre, Twitter n'intéressait plus personne.

Il faut donc avancer, poursuivre la restructuration de l'entreprise. Soit pour continuer, tant bien que mal, à faire cavalier seul, soit pour se rendre plus désirable aux yeux d'éventuels repreneurs. Ainsi, le 27 octobre, l'entreprise annonçait un nouveau plan social touchant 9% de ses effectifs, soit plus de 300 salariés.

"Nous pouvons encore booster la croissance en améliorant le cœur du service. Nous avons un plan clair et nous effectuons les changements nécessaires pour positionner Twitter sur le chemin d'une croissance de long-terme", affirmait Jack Dorsey.

Mais son discours rassurant n'a convaincu ni les marchés ni les troupes en interne. 2016 aura été marquée par une vague sans précédent de départs de cadres dirigeants. Dès janvier, Jack Dorsey annonçait le départ de quatre des neufs membres de son équipe dirigeante, dont les vice-présidents Kevin Weil (qui s'occupait des produits), Katie Stanton (relations avec les médias), Brian Schipper (ressources humaines) et Alex Roetter (ingénierie). En novembre, Jack Dorsey perdait son bras-droit, le directeur opérationnel Adam Bain. Les deux derniers départs de ce mardi 27 décembre, Adam Messinger, directeur de la technologie, et Josh McFarland, vice-président dédié à la gestion produit, portent un nouveau coup dur.

2017, année du rebond ou du plongeon ?

Twitter termine donc 2016 dans une position encore plus délicate que douze mois plus tôt. Mais le nouveau directeur financier, Antony Noto, pense que les efforts des deux dernières années (simplification du fil d'actualités, développement de la vidéo, meilleur services aux entreprises, augmentation des revenus publicitaires) porteront leurs fruits en 2017. Il se risque même à pronostiquer le début des bénéfices: « Nous avons gagné en discipline dans notre façon de gérer nos activités, nous souhaitons êtres profitables en 2017 », a-t-il déclaré.

Effectivement, tout n'est pas noir pour Twitter. Au troisième trimestre 2016, les revenus ont progressé davantage que prévu (616 millions de dollars, alors que les analystes attendaient 610 millions), et les pertes ont -un peu- diminué, à 103 millions de dollars, contre 132 millions un an plus tôt. Autre source de satisfaction, la plateforme monétise mieux son audience auprès des annonceurs qu'en 2015. Les résultats du quatrième trimestre, qui seront révélés en janvier, donneront des indications précieuses sur la capacité du groupe à relever la tête en 2017... ou pas.

2017 : Twitter et Facebook face au défi des « fake news » et des contenus haineux

Pour ne rien arranger, Twitter a passé l'année 2016 sous le feu des critiques, comme son concurrent Facebook. Les deux réseaux médias se sont vus reprocher les mêmes choses : leur manque d'implication dans la lutte contre la radicalisation en ligne (Twitter et Facebook sont des plateformes utilisées par les terroristes pour diffuser leur propagande ou pour recruter), et la propagation virale des « fausses news », qui auraient notamment aidé Donald Trump à gagner.

Ainsi, en janvier, une Américaine dont l'époux est mort à la suite d'une attaque revendiquée par l'État islamique a porté plainte contre Twitter, estimant que « la croissance exponentielle de l'EI ces dernières années n'aurait pas été possible sans [lui] ». Des politiques, de droite comme de gauche, ont dénoncé la responsabilité des réseaux sociaux dans la lutte contre la radicalisation. Si bien qu'en avril, Twitter, Facebook, YouTube et Microsoft signaient un « code de bonne conduite » qui les engageaient à retirer les contenus haineux de la Toile en moins de vingt-quatre heures. Un code qu'ils n'ont visiblement pas respecté, puisque la Commission européenne a pointé du doigt leur inefficacité début décembre, menaçant de recourir à l'arme de la législation.

Enfin, les articles propageant des mensonges rendus viraux par les réseaux sociaux, ont valu à Twitter et Facebook de sévères critiques. Notamment parce que ces « fausses news » contribuent à propager les discours populistes basés sur la haine de l'autre. En septembre, Facebook et Twitter ont rejoint la « First Draft Coalition », un organisme de « fact cheking » soutenu par Google, chargé de vérifier les informations douteuses et d'améliorer la qualité de l'info sur les médias sociaux. Le début d'une prise de conscience. En tant qu'intermédiaires des médias et sources d'informations, Twitter et Facebook doivent assumer leurs responsabilités. Un nouveau défi pour 2017, alors qu'arrive, en France, l'élection présidentielle.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 29/12/2016 à 11:28
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Ah tiens encore un commentaire non validé certainement pour pas embêter les actionnaires, trop de vérité pourrait vite les révulser. Ben oui je sais faut bien gagner sa vie, mais bon sang à quel prix !?

à écrit le 28/12/2016 à 10:05
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Un journal qui publie un édito incitant à la haine, demandant la lutte armée contre l'Occident serait fermé dans l'heure !! Alors pourquoi on continue avec les réseaux sociaux? C'est simple: tant que vous (Fb et Twitter) ne maîtrisez pas vos contenus...

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