Parfois, les idées les plus simples sont les meilleures. Mais parfois, ce sont juste de très mauvaises idées, comme celle proposée ce lundi 25 mai par le député de la Sarthe Damien Pichereau. Sur Twitter, l'élu LREM a publié une lettre destinée à Cédric O, le secrétaire d'Etat au Numérique. Il lui fait part de "plusieurs pistes de réflexion" pour amplifier le déploiement de la future appli de "contact tracing" StopCovid, qui doit être présentée ce mercredi devant le Parlement et soumise à un vote. Dont celle-ci : offrir des "contreparties" aux personnes qui téléchargeront StopCovid, autrement dit des avantages comme étendre le rayon de déplacement sans dérogation de 100 à 150 kilomètres.
"Il semble judicieux de coupler l'utilisation de l'application StopCovid à une contrepartie, comme par exemple une légère baisse des restrictions en cette période de sortie du confinement (on peut notamment penser à une augmentation du périmètre de déplacement de 100km à 150km). Cet allègement permettrait sans aucun doute d'inciter un plus grand nombre de nos concitoyens à télécharger l'application, renforçant ainsi notre capacité à retracer les chaînes de contamination. Je souhaiterais votre avis sur une telle possibilité", écrit-il dans sa lettre.
Rupture d'égalité, discrimination et manipulation du consentement : Cédric O dit "non"
Contacté par La Tribune, Cédric O n'attend même pas mercredi et la présentation de StopCovid devant le Parlement pour répondre par un grand "non".
"Cédric O défend le volontariat, le libre arbitre. Cette proposition n'entre pas dans ce cadre et ne sera pas retenue", tranche son cabinet.
Issue d'un débat public mené par le député, la proposition que Damien Pichereau juge "judicieuse" et "tout à fait pertinente" est une fausse bonne idée qui part de la meilleure des intentions. Le constat initial du député tombe sous le sens : le principe de StopCovid est que si un utilisateur est testé positif au Covid-19, l'appli prévient immédiatement toutes les personnes avec lesquelles il a été en contact rapproché les jours précédents. Pour être efficace, il faudra donc que l'appli soit téléchargée par le maximum de Français. D'où l'intérêt, à première vue, d'un système de récompense pour inciter au téléchargement.
Sauf qu'offrir des avantages à ceux qui téléchargeraient StopCovid créé de facto une rupture d'égalité, autrement dit une discrimination pour les autres. Les citoyens qui ne souhaitent pas s'équiper de cette application très controversée, seraient pénalisés dans leur liberté de déplacement ! Cette discrimination entrave donc la liberté de choix : si ne pas télécharger une application présentée comme facultative entraîne une conséquence négative, alors on peut se poser la question de la manipulation du consentement : celui-ci peut être motivé par la volonté de bénéficier de la récompense. Or, pour être en conformité avec la loi (le RGPD et la directive européenne e-privacy), StopCovid doit être facultative. Le volontariat est par ailleurs un point sur lequel Cédric O insiste depuis des semaines.
Une simple lecture des recommandations de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) aurait permis à Damien Pichereau d'éviter cette maladresse. Dans son avis publié fin avril, l'institution avait mis en garde : "Le volontariat signifie qu'aucune conséquence négative n'est attachée à l'absence de téléchargement ou d'utilisation de l'application" écrivait-t-elle. Et de poursuivre, en référence à des abus constatés dans d'autres pays du monde : "L'utilisation d'une application sur la base du volontariat ne devrait pas conditionner ni la possibilité de se déplacer dans le cadre de la levée du confinement, ni l'accès à certains services, tels que par exemple les transports en commun".
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