Vidéos en ligne : comment Facebook veut faire tomber Youtube

Fort de quatre milliards de vidéos visionnées chaque jour sur sa plateforme, Facebook lance une offensive contre YouTube pour acquérir une part plus importante du gâteau publicitaire, notamment sur mobile.
Sylvain Rolland

Nouveau rebondissement dans la guerre sans merci que se mènent les géants du net pour capter toujours plus d'audience et de revenus publicitaires. Alors que YouTube, qui appartient à Google, domine le marché de la publicité vidéo depuis près d'une décennie, Facebook sort les griffes.

Le réseau social teste aux Etats-Unis un fil vidéo spécifique nommé "suggested vidéo" [vidéos suggérées], conçu comme un aimant à publicités. Avec un double objectif. D'une part, grignoter des parts de marché en offrant aux annonceurs une nouvelle porte d'entrée pour toucher son audience massive d'1,4 milliard de membres dans le monde. D'autre part, inciter les créateurs de vidéos à poster leurs contenus sur le réseau social, puisqu'ils récolteront 55% des revenus, les 45% restants revenant à Facebook. Soit le même ratio que sur YouTube.

Des recommandations grâce aux données

Concrètement, l'utilisateur bascule dans cette sous-section spécifique dès qu'il clique sur une vidéo de son fil d'actualité. Facebook lui propose dans la foulée des contenus similaires, sélectionnés par des algorithmes. Cette recommandation personnalisée, basée sur l'énorme masse de données que le réseau social récolte quotidiennement sur ses membres, permet aux annonceurs de diffuser des publicités extrêmement ciblées.

De son côté, Facebook engrange des revenus publicitaires supplémentaires tout en améliorant le temps de présence des utilisateurs sur sa plateforme. Enfin, les créateurs de contenus gagnent un accès plus simple aux usagers, puisque les vidéos leur seront directement proposées par les algorithmes. Du gagnant-gagnant-gagnant, en somme.

Pour améliorer l'expérience utilisateur, Facebook a opté pour une méthode différente de celle de YouTube. Contrairement à la plateforme de Google, les publicités ne seront pas diffusées en "pré-roll", c'est-à-dire avant le lancement du contenu, mais lancées automatiquement entre les vidéos. Le mode de rémunération diffère également. Les 55% promis aux créateurs de contenus seront divisés entre plusieurs acteurs et répartis en fonction de la longueur des vidéos. Exemple : si une annonce s'affiche entre un contenu d'une minute et un autre de trois minutes, l'éditeur de la première vidéo touchera un quart des 55% et le second, les trois quarts restants. Une faiblesse que Facebook compte compenser par la garantie de toucher une très large audience.

Stratégie premium axée sur le mobile

Afin de ne pas déstabiliser les utilisateurs, la publicité ne va pas concerner toutes les vidéos, mais uniquement celles issues de partenariats avec des médias triés sur le volet. Dans un premier temps, les publicités s'insèreront donc uniquement pour des vidéos du championnat de basket NBA, de la chaîne Fox Sports et du site humoristique Funny or Die.

Une stratégie "premium" dans la droite lignée d'Instant Article, ce nouveau service qui permet à Facebook de diffuser directement sur son application mobile certains articles issus de neuf grands titres de presse internationaux. La logique est simple: encourager les mobinautes à passer le maximum de temps possible sur Facebook en leur proposant des contenus originaux que le réseau social monétise via la publicité.

Car pour Facebook comme pour les autres géants du net, le mobile constitue bel et bien le nerf de la guerre. Aujourd'hui, 75% des vidéos visionnées sur Facebook le sont sur smartphone. Un enjeu crucial, comme l'explique à La Tribune l'analyste Thomas Husson, du cabinet de conseil en stratégies Forrester:

"Pour développer à la fois son audience et ses revenus publicitaires sur le mobile via la vidéo, Facebook doit trouver le juste équilibre entre l'amélioration indispensable de l'expérience utilisateur et sa volonté de monétiser ses contenus. Diffuser des publicités avant le lancement de la vidéo, comme Youtube le fait, pourrait faire fuir les utilisateurs impatients, d'où le choix de placer les annonces chaque deux ou trois vidéos. Il faut aussi que les publicités soient extrêmement bien ciblées. C'est pourquoi Facebook a choisi de s'allier avec des médias qui ciblent une partie bien précise de la population".

S'accaparer la publicité en ligne

Le marché mondial de la publicité sur mobile fait l'objet d'une compétition féroce entre les plateformes. Les appétits s'aiguisent car le gâteau grossit tous les ans. Selon une étude du cabinet eMarketer, le secteur devrait peser environ 100 milliards de dollars fin 2015, soit une augmentation de 47,6% sur un an. Pour la première fois, la part de la réclame sur mobile devrait peser plus de 50% de la pub en ligne dans son ensemble.

Pour s'accaparer une part de ce marché grossissant, Facebook a donc fait le choix de miser sur les contenus. Sa stratégie agressive pour développer la vidéo, amorcée l'an dernier, porte déjà ses fruits. Grâce à la mise en place de la fonction "Autoplay", qui fait démarrer la vidéo automatiquement dès qu'elle apparaît dans le flux d'actualités, Facebook est passé d'un milliard de vidéos visionnées chaque jour en septembre 2014 à quatre milliards actuellement. Avec, déjà, un important impact publicitaire. "Les annonceurs reportent une part croissante de leurs budgets sur Facebook au détriment de Youtube", note une étude du cabinet Ampere Analysis, publiée le 22 juin dernier.

Avant même le lancement de son nouveau fil, le réseau social parvient à monétiser chacun de ses inscrits à hauteur de 0,73 dollar par mois, rien qu'avec la publicité engrangée grâce à la présence de vidéos sur son fil d'actualité. Soit plus d'un milliard de dollars... Or, cet ARPU [le revenu moyen par utilisateur, NDLR] ne dépasserait pas 0,28 dollar par mois pour YouTube...

Quel impact sur YouTube ?

Dans la bataille qui s'annonce entre les deux géants de la vidéo sur Internet, YouTube conserve des avantages de poids. Un milliard d'internautes regardent tous les jours des centaines de millions d'heures de vidéos, générant plusieurs milliards de vues sur son site et sur les supports mobiles. De son côté, la progression récente de Facebook, passé d'un à quatre milliards de vidéos visionnées chaque jour depuis septembre, mérite d'être relativisée. En effet, le réseau social lance automatiquement la lecture de ses vidéos et considère une vidéo comme visionnée au bout d'une seconde seulement, contre trente secondes sur YouTube.

Même si l'audience reste, pour l'instant, du côté de YouTube, l'initiative de Facebook menace clairement ses revenus publicitaires.

"Le véritable danger pour YouTube est que Facebook se révèle un outil plus efficace pour vendre de la publicité sur mobile. Sa capacité à allier audience de masse à des ciblages publicitaires fins et personnalisés pourrait vraiment faire mal à Youtube si le gâteau de la publicité mobile ne grossit pas suffisamment pour que Youtube conserve son avantage actuel", précise Thomas Husson.

YouTube pourrait aussi perdre de l'audience, et donc des revenus publicitaires, si les stars du web et les artistes se décidaient à poster aussi leurs contenus sur Facebook. Jusqu'à présent, leur réticence s'expliquait par le fait qu'ils ne pouvaient tirer aucun revenu de leurs vidéos postées sur le réseau social. Les chaînes de télévision, les ligues de sport et, pourquoi pas, les majors de disque pourraient aussi se laisser tenter.

"L'avenir des clips sur Internet n'est pas sur YouTube mais sur Facebook", affirmait d'ailleurs mercredi dernier Pascal Nègre, le PDG d'Universal France, devant plusieurs médias dont La Tribune. Nul doute que YouTube devrait vite réagir à l'offensive de son nouveau grand rival.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 12/03/2017 à 11:46
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hors de question pour moi que je poste des video de contenue sur facebook.car tout se que tu poste sur.facebook leur appartient apres a cause ee le cgv de malade.si je fabroque du content il m'appartient et veut bien le.monetise en partagent sur yout...

à écrit le 07/07/2015 à 12:33
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pascal negre comme visonnaire, il faut lefaire !! ce type n a meme pas ete capable de voir que son marche (les CD) est mort

le 07/07/2015 à 18:27
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oui c'est une bonne blague :) facebook en tant que tel est mort, delaissé par les plus jeunes. c'est bien pour cela que facebook rachete des startup à foison pour se diversifier, donc pascal qui nous dit que l'avenir est sur facebook, c'est rigolo...

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