L’Internet des objets au service des pays en développement

L'IoT, qui repose sur des capteurs et des réseaux bon marché, pourrait permettre d’améliorer le quotidien des populations des pays les plus pauvres du globe. Plusieurs initiatives voient le jour, notamment dans l’agriculture et la santé.
Pierre Manière
Au Soudan, une femme transporte de l'eau.

L'Internet des objets (ou « IoT » pour Internet of Things) promet de bousculer le mode de vie des pays riches. Des réfrigérateurs aux compteurs électriques intelligents en passant par les thermostats et autres voitures connectées, ce « Web 3.0 » doit notamment favoriser l'éclosion des « smart city », ou plus largement des « territoires intelligents ». Pour nombre d'industriels et de spécialistes high tech, cette révolution permettra aux citoyens de bénéficier de meilleurs services (dans les transports ou la santé), couplés à un mode de vie plus durable, et économe en ressources. Mais quid des pays en développement ? Vont-ils, eux aussi, bénéficier de ces technologies de pointe ?

Très probablement. C'est du moins ce qu'estime un rapport de l'Union internationale des télécommunications (UIT) et du spécialiste américain des réseaux Cisco publié ce mardi. Dans cette étude, ils jugent que l'IoT « pourrait être la clé de la connectivité à faible coût qui transformera la vie dans les pays en développement ». Concrètement, cette révolution serait susceptible « d'améliorer la vie de millions d'habitants de la planète, et d'accélérer spectaculairement les progrès sur la voie de la réalisation des objectifs de développement durable fixés par les Nations unies ».

Un faible coût

Les auteurs de l'étude citent trois facteurs qui plaident en ce sens. Le premier concerne l'accessibilité  de ces technologies :

« Les dispositifs IoT sont déjà couramment employés, bon marché et facilement remplaçables sur les marchés des pays en développement. Les infrastructures de base nécessaires (Wi-Fi, cybercafés, etc) existent déjà dans de nombreux pays en développement, et la connectivité mobile de base est pratiquement universelle (95% des habitants de la planète bénéficient de connexions 2G). En outre, de plus en plus d'habitants ont accès à une connexion 3G (89% des citadins dans le monde, contre seulement 29% des ruraux). »

Le second facteur, lui, concerne l'« accessibilité financière » de l'IoT. D'après le rapport, « les coûts de la recherche-développement dans le domaine de l'Internet des objets continuent à être absorbés par la forte demande sur les marchés des pays développés ». En outre, « les légers ajustements apportés aux dispositifs IoT pour les pays en développement ne coûtent pas grand-chose ».

Contrôle de la qualité de l'eau

Quant au troisième et dernier facteur, celui-ci réside dans l'« adaptabilité » des dispositifs IoT. Ainsi, « nombre d'entre eux offrent déjà des fonctions 'plug and play' très simples, sans qu'il y ait besoin de faire appel à des techniciens expérimentés pour leur installation, et leur maintenance ». Point important, « les sources d'énergie alternatives et économes (par exemple l'énergie solaire) peuvent suffire à l'entretien des capteurs et des réseaux là où il n'y a pas d'alimentation électrique en continu ».

Un point de vue que partage largement Daniel Kofman, professeur à Telecom ParisTech. Le 25 juin dernier, il a notamment fondé le centre ICT4V (Information and Communication Technologies for Verticals). Basé en Uruguay, celui-ci fédère des industriels et des académiciens pour travailler sur des projets sur le big data et l'IoT dans toute l'Amérique latine. Pour La Tribune, Daniel Kofman évoque un projet visant à contrôler la qualité de l'eau :

« Le développement agricole à des incidences sur la pollution de l'eau, avec l'apparition d'algues et de bactéries, explique le professeur. Grâce à des capteurs, couplés à un système de traitement des données, on est en mesure de prévenir les problèmes de qualité de l'eau. »

« Faire du cas par cas »

Ces informations sont ainsi susceptibles d'épauler les agriculteurs lorsqu'ils irriguent leurs terres. Mais aussi, évidemment, les particuliers, soucieux de ce qui sort du robinet. Pour Daniel Kofman, l'important, « c'est de faire du cas par cas et de toujours prendre en compte les besoins locaux » dans les projets liés à l'IoT. Car, d'après lui, les solutions - qui dépendent de la manière de vivre et de travailler des habitants comme des données disponibles sur place - sont souvent difficilement transposables d'un pays à un autre.

C'est en substance ce qui transparaît aussi dans le rapport de l'UIT et de Cisco, qui liste plusieurs projets dans différents domaines. Ainsi, une ONG a récemment lancé un programme visant à glisser des capteurs dans des pompes à eau au Kenya. Grâce à cela, il est possible de savoir en amont à quel moment il faudra remplacer ces dispositifs, cruciaux pour les populations rurales, avant qu'ils ne cassent.

Dans le domaine de la santé, USAID, l'agence américaine pour le développement international a lancé l'an dernier un programme pour lutter contre la propagation du virus Ebola. Celui-ci repose sur des capteurs recueillant des données sur des patients (comme la température, la fréquence cardiaque ou respiratoire...) dans des zones à risque. Ce qui permet, au final, d'alerter au plus tôt les secours si des signes liés à une vague de contamination surviennent. Les pays les plus pauvres, eux aussi, comptent bien profiter de la révolution de l'Internet des objets.

Pierre Manière

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