Le tribunal correctionnel condamne Messier "le prestidigitateur"

Par Jamal Henni  |   |  596  mots
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Dans leur jugement, les juges du tribunal correctionnel de Paris sont sévères vis-à-vis de l'ancien PDG de Vivendi Universal.

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné ce vendredi Jean-Marie Messier (J2M) à trois ans de prison avec sursis, et 150.000 euros d'amende. L'ex-PDG de Vivendi Universal a été condamné pour "abus de bien sociaux" au sujet du parachute doré de 20,5 millions d'euros qu'il "s'est fait attribuer" par VU. Ce parachute n'a pas été approuvé préalablement par le conseil d'administration alors qu'il aurait dû l'être, selon le tribunal. Surtout, "l'abus de bien sociaux se caractérise par la contrariété à l'intérêt social [du paiement] d'indemnités très importantes en faveur d'un dirigeant, dont la stratégie avait mené le groupe à des impasses financières, qui avaient pu à l'époque paraître menacer sa survie".

En effet, J2M, "par sa gestion très risquée", avait conduit VU à "une grave crise de liquidités". Dès lors, le parachute était "excessif au regard de la situation financière" de VU, qu'il "contribuait à aggraver". Et "Jean-Marie Messier a même persisté dans sa conduite, en poursuivant obstinément le paiement" du parachute.

Finalement, la SEC (le gendarme de la Bourse américaine) exigera, pour mettre fin à ses poursuites contre J2M, le non versement du parachute que J2M ne touchera jamais. "Aux termes de l'accord avec la SEC, Jean-Marie Messier a renoncé à ses indemnités, ce qui implique qu'il en était créancier", estime le tribunal, pour qui "peu importe que cette créance ne puisse pas être recouvrée par la suite".

A noter que J2M, lors de son départ, avait aussi demandé -en vain - à ce que ses frais d'avocats soient pris en charge, et que le nouveau management s'engage à ne pas lui faire de procès: "avec de tels voyous, il faut être blindé", arguait-il alors...

"Prestidigitateur de dette"

En outre, le tribunal a aussi condamné J2M pour "diffusion d'information fausses ou trompeuses" en raison d'une série de déclarations. D'abord, VU avait dit vouloir annuler 33 millions d'actions (soit à l'époque 1,6 milliard d'euros) puis y avait renoncé, mais avait "oublié" de l'annoncer.

Ensuite, J2M avait affirmé lors de l'assemblée générale d'avril 2002 que "le cash flow opérationnel [...] doit pouvoir servir demain, non seulement aux dividendes, mais également au remboursement de la dette". Pour le tribunal, J2M a ainsi "utilisé des indicateurs techniques dont le sens est volontairement détourné, pour leur faire dire le contraire de la situation réelle, et conclure sur une marge de manoeuvre que la situation financière réelle de l'entreprise ne permet pas".

Enfin, en décembre 2000, J2M avait affirmé que la branche média de VU sera "nette de dette" au 1er janvier 2001. Pour le tribunal, cette déclaration "permettait d'éluder un montant de dette très significatif" : elle "apparaît particulièrement trompeuse, car la dette effective de la branche média s'élevait fin 2000 à 12 milliards d'euros en normes françaises". De plus, elle "entretient une ambiguïté entre la branche média et le groupe VU, qui comprend Vivendi Environnement", et ses 13 milliards de dette supplémentaires.

Bref, "Jean-Marie Messier a adopté un comportement de véritable prestidigitateur de dette. Ce comportement pouvait à la rigueur être décelé par les analystes financiers, qui ont cependant mis un certain temps pour avoir une vue réaliste de la situation du groupe, mais certainement pas par l'actionnaire individuel, qui ne pouvait qu'être trompé par sa présentation tronquée et fallacieuse".

Les avocats de J2M ont indiqué qu'ils allaient faire appel d'un jugement "incompréhensible et contraire au droit".