Manoeuvres en coulisses autour de la chaîne bonus de Canal Plus

Par Jamal Henni  |   |  558  mots
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Les pouvoirs publics examinent les scénarios qui leur permettraient de priver Canal de sa chaîne gratuite sur la TNT.

Canal Plus va-t-elle pouvoir lancer une chaîne gratuite sur son canal bonus sur la TNT ? Cette épineuse question devrait bientôt être tranchée. Le président du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) Michel Boyon, mandaté par le gouvernement pour étudier la question, va remettre son rapport d'ici début septembre.

Mais il apparaît de plus en plus clairement que les pouvoirs publics, même s'ils ne le disent pas officiellement, n'ont guère envie que cette chaîne voie le jour. Les raisons sont multiples : ils sont sensibles au discours de TF1, farouche opposant au projet. En outre, la chaîne cryptée a de mauvais rapports aussi bien avec le CSA (qui déplore sa position dominante dans la TV payante) qu'avec l'Élysée (qui serait mécontent entre autres des « Guignols » et de la ligne éditoriale d'iTélé).

Mais empêcher ce projet est plus facile à dire qu'à faire. En effet, cette chaîne bonus est un droit accordé par la loi à la chaîne cryptée. Un droit est valable à compter du 30 novembre. Lorsque Canal déposera son dossier auprès du gendarme de l'audiovisuel, ce dernier pourra faire traîner les choses quelques mois, mais sera in fine légalement obligé d'accorder son autorisation à la chaîne cryptée. Les pouvoirs publics étudient donc depuis le printemps trois possibilités pour contourner cet obstacle :

- changer la loi : c'est la solution la plus simple, mais elle très difficile à mettre en oeuvre. Il faudrait trouver une fenêtre de tir au Parlement avant le 30 novembre, ce qui semble quasi impossible. Et Canal prétend qu'il n'y aura pas de majorité pour un tel texte;

- redonner la main au CSA : le CSA lancerait des appels à candidatures pour de nouvelles chaînes TNT, où Canal pourrait notamment présenter son projet de chaîne gratuite. En contrepartie, TF1, M6 et Canal perdraient leur chaîne bonus. Une solution qui paraît consensuelle, donnant satisfaction à tous, y compris aux autres candidats à la TNT : NextRadioTV, NRJ... Sauf que Canal n'est pas dupe : la chaîne cryptée refuse de perdre un droit acquis, en échange d'une option potentielle dépendant du bon vouloir d'un CSA qui ne l'aime guère. Et il ne semble pas que cette option soit recommandée par le rapport Boyon;

- changer de norme : dans ce troisième scénario, une nouvelle norme, le DVB-T2, serait imposée pour la diffusion de toute nouvelle chaîne TNT, y compris les chaînes bonus. Or aucun foyer français n'est aujourd'hui équipé d'un décodeur supportant le DVB-T2. Toute nouvelle chaîne devrait donc attendre plusieurs années que les foyers français soient équipés. Cette solution peut être mise en place rapidement : il suffit que le gouvernement publie un arrêté technique changeant de norme. Toutefois, cet arrêté doit être soumis à Bruxelles, ce qui prend trois mois, et donc il faudrait aller vite. Cette solution est notamment soutenue par le ministre de l'Industrie Éric Besson, et pourrait être une des pistes mises en avant par le rapport Boyon. Problème, certains conseillers ministériels ne la jugent pas solide juridiquement, et craignent que Canal conteste cet arrêté, en arguant, à juste titre, que son but réel est de la spolier de son canal bonus.