La descente aux enfers de "Paru Vendu"

Par Sandrine Bajos  |   |  558  mots
La Tribune Infographie/BHEDOUIN
La Comareg, du groupe Hersant Média, qui édite l'hebdomadaire, doit être mise en liquidation judiciaire jeudi. Il va cesser de paraître et 1.650 salariés vont se retrouver au chômage.

Le journal gratuit de petites annonces « Paru Vendu » ne fêtera pas ses douze ans. Sauf surprise de dernière minute, sa liquidation judiciaire doit être prononcée jeudi par le tribunal de commerce de Lyon. De sources concordantes, le titre devrait cesser de paraître très rapidement. Ironie du sort, c'est en grande partie grâce à lui, alors que c'est un des titres les plus lucratifs de l'hexagone, que Philippe Hersant a fait renaître son groupe France Antilles, rebaptisé depuis Groupe Hersant Média (GHM). Quand son fondateur Michel Moulin le cède au fils de feu papivore Robert Hersant au milieu des années 2000, « Paru Vendu » emploie 3.100 personnes, son réseau compte quelque 280 éditions et il est tiré chaque semaine à plus de 19 millions d'exemplaires.

Jusqu'en 2008, tout va très bien pour la Comareg. Le marché de la presse d'annonce pèse alors quelque 750 millions d'euros, selon une étude de Precepta, et « Paru Vendu » est indétrônable de sa place de numéro 1 devant les « Top Annonce » et autres « Refleximmo ». Mais le vent Internet se met à souffler et les petites annonces commencent doucement mais sûrement à migrer sur la Toile. Et la presse gratuite, jusqu'alors vache à lait de grands groupes de presse, de se transformer en boulet. Si un groupe comme le « Figaro » s'est préparé à cette migration en accélérant sa présence sur Internet, d'autres comme GHM, mais aussi Ouest-France ou Sud Ouest n'ont pratiquement rien vu venir.

Pas de soutiens financiers

Depuis trois ans, « Paru Vendu » vit une véritable descente aux enfers. Alors qu'en 2008, l'activité du pôle presse gratuite pesait 370 millions d'euros pour un résultat d'exploitation de 15 millions d'euros, en 2009, le chiffre d'affaires chute de 25 % à 277 millions. Et surtout, elle affiche 30,9 millions d'euros de pertes... En 2010, elles ne sont plus communiquées mais l'activité baisse encore de 18 %.

Aujourd'hui, c'est tout le pôle presse gratuite de GHM, composé de la Comareg et de son centre d'impression Hebdoprint qui est concerné par la décision de justice. Sur les trois « marques d'intérêt » remises à l'administrateur judiciaire, aucune n'a été jugée « recevable en l'état », selon GHM. Même celle qui émanait de Michel Moulin n'a pas abouti. Selon GHM, son offre aurait pu « servir de base à un plan de cession », mais ses initiateurs ont fait savoir le 27 octobre qu'ils la retiraient car de sources concordantes, il n'aurait pas trouvé de soutiens financiers, a détaillé le groupe. Quant à Hersant Média, il exclu de présenter un plan de continuation, rappelant qu'il avait « consacré 53 millions d'euros au soutien de la mutation de son pôle presse gratuite d'annonces depuis 2008 ». Mais surtout, il ne souhaite pas « mettre en péril ses activités dans la presse quotidienne régionale ».

Sur le plan social, le bilan est très lourd. Et beaucoup s'interrogent : « trois ans de restructuration pour rien ? ». De plus de 3.000 salariés en 2008, le pôle presse gratuite du groupe Hersant Média est passé à 1.650 en novembre dernier. Sous le choc mais fatalistes, les salariés veulent au moins continuer à se battre pour que leur travail et leur ancienneté soient reconnus. « Nous ne bougerons pas tant que le liquidateur judiciaire ne sera pas venu nous voir pour nous faire des propositions concrètes », a déclaré Anthony Aligard, délégué CFTC du site de Comareg Reims.