Le CNC a trop d'argent, selon l'Inspection des finances

Par Jamal Henni  |   |  522  mots
infographie La Tribune
Un rapport confidentiel fustige les excédents financiers engrangés par le Centre national du cinéma, et l'utilisation contestable qui en est faite.

"Le CNC a trop d'argent, mais il ne faut surtout pas le dire", confiait récemment un dirigeant de l'établissement public. Las ! Cette opulence n'a pas échappé aux limiers de l'Inspection des finances et de l'Inspection des affaires culturelles. Dans un rapport confidentiel, ils chiffrent à 517 millions d'euros "les ressources supplémentaires [engrangées] entre 2009 et 2011, par rapport à la base 2008".

Le rapport liste ce que le Centre national du cinéma fait de tout cet argent. Par exemple, 32 millions ont été investis dans l'immobilier, dont les deux tiers pour racheter un immeuble loué auparavant. Autre exemple : les frais de fonctionnement ont quasiment doublé en six ans, pour atteindre 42 millions. "Ces frais sont potentiellement proportionnels aux ressources affectées au CNC, ce qui est une originalité dans la sphère publique...", dénonce le rapport.

Toutefois, l'essentiel des surplus a été mis de côté pour financer la numérisation de salles et de films (500 millions d'euros au total). Mais, pour les inspecteurs, le compte n'y est pas. Concernant les salles, ils ne comprennent pas comment le CNC pourra dépenser tout l'argent prévu, alors qu'il n'y a que mille salles rurales à équiper, et que le CNC ne subventionne que 58% du projecteur numérique. Cela sans compter que cette subvention doit normalement être remboursée à 55%. "Il est possible que le budget soit surcalibré", écrit le rapport. Pire : les dépenses prévues pour numériser des films paraissent "plus problématiques, non prioritaires, et économiquement discutables". Un tel projet "ne se justifie guère d'un point de vue commercial", et surtout "ne présente pas de limite financière", car il "apparaît comme une tâche sans fin".

Les subventions dans le viseur

Enfin, le rapport passe au crible les subventions accordées à des productions pour le cinéma et la TV. Il déplore "la multiplication récente des aides transversales sans réelle priorisation". Bien sûr, il rappelle que cela a permis de sauver le cinéma français. Mais en supprimant tout risque. En effet, la quasi-totalité des films sont financés « en intégralité » avant même leur sortie en salles. Et 80% de ce financement vient "d'autres intervenants que les producteurs". Et le producteur délégué lui-même "ne court aucun risque financier, l'aide publique venant en lieu et place du capital". Résultat : le nombre de faillites dans le secteur est "faible" : 3% de liquidations en 2009. Autre conséquence : le nombre de films produits a augmenté pour atteindre des records historiques, entraînant une "saturation des écrans".

Le rapport est encore plus critique concernant la fiction française, qui "s'est effondrée" en audience depuis cinq ans. "Sa compétitivité est décevante sur le marché national comme international". Et "lorsque le CNC a essayé de relancer la fiction, le résultat a été décevant".

Conclusion : le budget du CNC pourrait revenir au niveau de 2008 "sans effet" sur le secteur - "une partie des recettes perçues depuis 2008 a d'ailleurs opportunément été mise en réserve par le CNC". Et la contribution des télécommunications et des télévisions pourrait diminuer.