Avis de tempête sur la distribution de la presse française

Par Sandrine Bajos  |   |  565  mots
Copyright Reuters
Alors que Presstalis, premier distributeur français, traverse une grave crise, des titres de Mondadori, Le Point, et les magazines de TF1 Vidéo veulent partir aux MLP.

Le secteur de la presse est en crise, du coup le torchon brûle entre les deux distributeurs français : Presstalis (ex-NMPP) et les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP). Au coeur du conflit, l'annonce coup sur coup de gros éditeurs, Mondadori et Le Point, de faire distribuer tous leurs magazines, ou au moins une partie, par MLP au lieu de Presstalis. Sur le papier, c'est de la saine concurrence. Mais cela intervient au moment où Presstalis, premier distributeur du pays avec 75 % du marché des magazines et 100 % des quotidiens, traverse une des plus graves crises de son histoire.

Plan de redressement

Pour sortir la tête hors de l'eau, Presstalis a mis en place un plan de redressement qui doit lui permettre de revenir aux bénéfices dès 2015. « Alors que ce plan a été adopté par l'ensemble des deux coopératives, celle des quotidiens mais aussi celle des magazines, aujourd'hui un éditeur de magazines signataire du plan retire une partie de ses titres », regrette Philippe Carli, directeur général du groupe Amaury (« Le Parisien ») et président de la coopérative de distribution des quotidiens chez Presstalis. Or, ajoute-t-il, « ce plan a été pensé à nombre d'éditeurs constant. Et, preuve de sa prudence, il table sur une baisse annuelle de plus de 6 % du marché de la presse ». Pour Philippe Carli, cette décision de certains éditeurs est donc « contraire à l'esprit de la loi Bichet [qui régit la distribution de la presse en France, Ndlr] qui stipule que les éditeurs prennent leurs responsabilités pour que la filière se réforme et survive ».

Un discours qui semble laisser sourd Ernesto Mauri, président de Mondadori France qui a affirmé aux « Échos » que dès janvier, « Grazia », « Biba » et « Top Santé » seront distribués par les MLP pour des « raisons commerciales ». Il estime gagner ainsi près de 1 million d'euros par an. Outre Mondadori, Le Point claque lui aussi la porte, même si son transfert est prévu pour mars 2012. Enfin, le groupe espagnol Cobra qui édite des titres avec des DVD, dont ceux de TF1 Vidéo, souhaite également changer de distributeur.

Bilan pour Presstalis : une perte de 160 millions d'euros, soit 8 % de son chiffre d'affaires. La messagerie, qui emploie quelque 2.600 personnes, réalise en effet un chiffre d'affaires de près de 2 milliards d'euros.

Or, si Presstalis coule, c'est tout le secteur de la presse, déjà mal en point, qui boira la tasse avec elle. Du coup, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), instance de régulation de la profession, s'en est à son tour mêlé, en votant en fin de semaine dernière une résolution « qui gèle pendant neuf mois les transferts de titres entre distributeurs ». Pour Jean-Pierre Roger, président du CSMP, « face aux départs sauvages d'une messagerie à l'autre, une mise entre parenthèses a été décidée afin de permettre à Presstalis de mettre en place son plan de réforme ».

Les MLP ont aussi contesté la décision du CSMP. « Cette résolution du CSMP semble illégale, aussi MLP attend-elle sereinement que l'autorité de régulation de la distribution de la presse se penche sur ce dossier grave pour l'avenir de la distribution de la presse ». Elles estiment que ce gel « entrave le respect de la concurrence », d'autant « les contrats entre éditeurs et Presstalis ne permettent pas d'interdire les transferts ».