Le cinéma français menacé par Bruxelles... et les délocalisations

Plus de 200 films français produits en 2011 et un record de plus de 215 millions d'entrées dans les salles. Et pourtant la production a du vague à l'âme, confrontée aux délocalisations des tournages et à sa propre désorganisation.
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Pour tenter de se mettre du baume au coeur, le secteur du cinéma convoque lundi ses états-généraux qui réuniront 400 professionnels, à l'initiative de la Fédération des industries techniques du cinéma (Ficam). "De graves dysfonctionnements affectent de nombreux acteurs de notre industrie et mettent en péril toute l'économie du cinéma", prévient la Ficam dans un document d'ouverture, citant pourtant les 1,2 milliard d'euros investis dans la production de films l'an dernier. "C'est tout le paradoxe et même la schizophrénie du secteur", estime Thierry de Segonzac, le président de la fédération, jugeant que la profession "produit au-dessus de ses moyens".

"En 2011, 47 films disposaient d'un budget inférieur à un million. Sur les trois dernières années, on en a eu 100 à moins d'un million, et pas 5% d'entre eux qui ont fait carrière en salles ou en DVD. Il est temps d'y réfléchir et d'ajuster les moyens mis en oeuvre aux financements disponibles". Car, assure-t-il, quand un film peine à boucler son budget, ce sont justement les industries techniques (post-production, effets spéciaux...) qui "servent de variables d'ajustement". Ce qui se paie en fermetures et dépôts de bilan pour les petites structures.

Délocalisations en Belgique

"On vient de vivre un énorme choc technologique avec le passage au numérique et d'autres s'annoncent, beaucoup plus insidieux", poursuit-il. Thierry de Ségonzac mentionne à ce titre la fuite des productions vers des plateaux meilleurs marchés: en 2011, un quart de la production de films a été délocalisée. Surtout, la délocalisation a atteint 30% pour les films de plus de 10 M d'euros et près de 40% pour ceux de plus de 20 M. Pour les premiers et deuxièmes longs métrages, la relève des talents, la moyenne grimpe à 60%. A l'arrivée, "les délocalisations représentent 200 millions d'euros de pertes en coûts de fabrication qui partent à 90% en Europe et concernent tous les postes, tournage, post-production, effets spéciaux...", indique Thierry de Segonzac.

Principaux bénéficiaires, la Belgique toute proche, avec son crédit d'impôts, le Luxembourg, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et l'Afrique du Nord pour les gros budgets. "Le système est en train de se disloquer, puisque le dispositif d'aides qui permet à ces films d'exister ne peut leur interdire de s'exiler", poursuit M. de Ségonzac. Autrement dit, l'arsenal de soutien, unique, adopté par la France pour protéger sa création et résister aux super-productions made in USA, là où la plupart de ses voisins ont abdiqué, est en train de financer les industries techniques des autres.

Le soutien français dans le collimateur de Bruxelles

En ce sens, la volonté de la Commission européenne de revoir d'ici juin les critères de distribution des aides nationales au cinéma pour éviter des distorsions de concurence entre Etats fait bondir Thierry de Segonzac: il dénonce une "obsession de dérégulation". "Bruxelles ne prend pas en compte les efforts de la France depuis 60 ans: si les autres ont tout perdu, ici il y a un patrimoine à défendre", s'agace-t-il. "Et de nombreux petits pays ne parviennent à monter leurs films que par le biais de coproductions avec la France". Face à ces menaces, martèle le patron de la Ficam, il est plus que temps de réorganiser une profession qui s'est "financiarisée" et sophistiquée depuis dix ans, et n'a plus grand chose à voir "avec la production à la papa". Les heures glorieuses des gros cigares et des petites pépés.

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Commentaires 16
à écrit le 19/03/2012 à 14:39
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Quand je pense qu'on nous a bassiné pendant des mois et des mois sur l'exception culturelle française! On paie des taxes pour financer le cinéma français (voir l'article sur les taxes de La Tribune d'aujourd'hui), il y a des crédits d?impôts (donc mo...

à écrit le 18/03/2012 à 18:50
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Comme quoi Dupont-Aignan a raison : le protectionnisme, ça fonctionne. Mais évidemment, les technocrates de l'Union européenne ne peuvent le supporter.

à écrit le 18/03/2012 à 16:01
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215 millions d'entrées dans les salles et c'est la crise................ vite construisons un super" holly-voud" à la française ,il y a des devises à faire rentrer. ça compensera les pertes du ministère de la culture qui accorde des subventions sans...

à écrit le 18/03/2012 à 10:30
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La seule solution serait de créer des clubs pour réaliser des petits films en comptant sur le bénévolat sur les différents métiers, acteurs, réalisateurs,etc.. sinon le cinéma français disparaitra définitivement car trop couteux et c'est l'argent qui...

à écrit le 18/03/2012 à 10:12
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Suppression immédiate de la defiscalisation SOFICA dans l'industrie cinematographique!! Quand à l'harmonisation des fiscalités europeenne on est passe de l'urgence à une nécessité criante!!!! si les politiques dont M. Hollande n' ont pas compris en v...

à écrit le 18/03/2012 à 7:12
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les rémunérations des acteurs sont exhorbitantes et ne se justifient pas . Rien d'ailleurs ne peut justifier de telles rémunérations !!!! Quant à ceux qui s'exilent pour ne pas payer d'impôt, il faut les boycotter , et leur interdire de revenir en Fr...

à écrit le 18/03/2012 à 6:33
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Le cinéma français marche bien tant mieux mais dans ce cas il faut cesser les subventions car elles peuvent se comprendre pour relancer la machine mais après stop encore une profession qui se "défiscalise" et qui veut profiter de l'argent public à vi...

le 18/03/2012 à 7:32
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Mr Depardieu qui est un grand acteur, mais qui à une personnalité qui peut déranger certains à peut être un peu raison concernant nos concitoyens (dont moi même). Nous sommes, les Français, très imbus de nous mêmes et très râleurs. Quand au boycott c...

à écrit le 18/03/2012 à 4:32
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Dés qu'il y a un subventionnement quelconque la réalité économique du secteur finit toujours par être faussée. Que ce soit pour le Cinéma, les smartphones, le futur "Cloud" Français etc ....

à écrit le 17/03/2012 à 22:56
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Le cinéma Français menaçé par Bruxelles, décidément Bruxelle est partout. Moi j'adore le cinéma surtout le cinéma Français, il faut reconnaître que nous avons de bons acteurs donc de très bons films. dés lors qu'un film sort jevais le voir et quand i...

à écrit le 17/03/2012 à 19:38
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SarkHollande, c'est du mauvais cinéma

à écrit le 17/03/2012 à 17:18
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J'ai plutôt l'impression que les Anglais et les Allemands ont aussi un très fort développement cinématographique même s'il est surtout télévisuel( y'a t-il réellement une différence ?) même l' Espagne se développe fortement, la France n'est pas une e...

le 17/03/2012 à 20:34
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l'union européenne réclame simplement une concurrence égale au sein de l'union européenne ; or les aides de la France au cinéma français sont une distorsion de la concurrence.

le 17/03/2012 à 20:52
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disptorsion de concurrence.. avec le cinéma américain ??? Que chaque pays europeen s'aligne sur le systrème français s'il le souhaite

à écrit le 17/03/2012 à 16:55
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c est vrai que Bruxelles ça commence a nous les......sérieusement ils ont pas grand chose a faire à part prendre toutes les mesures possibles pour faire des chomeurs

à écrit le 17/03/2012 à 14:59
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Ce qui va faire très mal à certains profiteurs et qui explique leur vague à l'âme, c'est qu'ils savent fort bien que les cataractes de subventions ne vont plus tarder à s'assécher, lorsque les dépenses publiques dans leur ensemble diminueront forteme...

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