i24news cherche sa voie de chaîne internationale

Près de deux ans après son lancement par le Franco-Israélien Patrick Drahi, la chaîne d’information internationale i24news, émise depuis Tel Aviv-Jaffa, continue à susciter des interrogations.
i24 News revendique un traitement « équilibré » de l'information régionale, sans mettre en cause les fondamentaux de la politique de défense israélienne.

La dernière née des chaînes d'information internationale, i24 News, est-elle une danseuse pour l'homme d'affaires Patrick Drahi ? Ce polytechnicien qui a fait carrière en consolidant le câble en France et au Benelux, a découvert Israël sur le tard. Il y a posé ses jalons avec le rachat du réseau câblé Hot à partir de 2009, son domaine de spécialité, puis il a décidé d'y créer une chaîne.

Objectif : faire entendre la voix de la société israélienne, dans la diversité de ses points de vue, dans le concert des chaînes d'information internationale. Mais l'homme, connu pour des rachats financés par des emprunts bancaires risqués (des LBO, dont le dernier en date pour acheter SFR en France), n'a pas la réputation de laisser l'émotion conduire ses affaires.

Compte-t-il faire d'i24 une vraie activité économique en l'intégrant au développement du nouveau groupe média qu'il constitue en France, avec le rachat de L'Express, de Libération, et dont le siège pourrait être à Paris ou au Luxembourg, comme celui de ses autres sociétés ? C'est le discours officiel, même si l'on peine à imaginer les synergies entre ces médias disparates et éloignés.

Une chaîne créée en un temps record

Se revendiquant chaîne d'information internationale, diffusée en trois langues - français, anglais, arabe -, i24news, israélienne par son implantation sur le vieux port de Jaffa, berceau historique de Tel Aviv, ne parle pas hébreu. Sauf entre journalistes dans les couloirs, mais on s'y interpelle aussi bien en français et en anglais.

Le public local « n'est pas notre cible » confirme son directeur général Frank Melloul, ancien conseiller communication de Dominique de Villepin à Matignon, puis directeur de la stratégie de la chaîne France 24, avant d'être recruté par Drahi pour monter i24news.

La chaîne n'est disponible en Israël que par Internet, la réglementation actuelle lui interdisant tout autre moyen de diffusion. Du fait de règles anticoncentration, le réseau câblé Hot, propriété de Patrick Drahi, ne peut la reprendre. Et lancer une chaîne d'information nécessite, selon Frank Melloul, une loi d'autorisation, processus inenvisageable alors que les élections approchaient. Pour l'heure, via sa reprise sur les réseaux câblés, satellite et ADSL, i24 serait disponible auprès de plusieurs centaines de millions de foyers en Europe et Afrique, au Proche-Orient et en Asie.

La chaîne a d'abord formé à l'été 2013, en un temps record - cent jours, proclame Frank Melloul - une équipe de 250 journalistes, dont une cinquantaine qui a quitté Paris pour tenter l'aventure. Elle s'est installée sur le port de Jaffa, dans une grande rédaction où se côtoient les journalistes francophones, anglophones et arabophones. L'été 2014 l'a plongée brutalement dans le feu de l'actualité régionale avec la guerre à Gaza et les alertes aux missiles sur Tel Aviv. Ces événements ont accru sa notoriété.

« Al-Jazeera, Sky, ABC News ont repris nos images » s'enthousiasme Frank Melloul, qui assure que les ministres de l'Autorité palestinienne, cherchant une alternative à Al-Jazeera et aux informations du Hamas, regardent i24.

Ils sont même invités à y débattre, tout comme les représentants du Hamas. Par téléphone, l'accès à Tel Aviv leur étant interdit.

i24 News revendique un traitement « équilibré » de l'information régionale, sans mettre en cause les fondamentaux de la politique de défense israélienne. Les critiques qu'elle reçoit de tous bords sont présentées comme la preuve de cet équilibre. Sa diffusion en arabe est toutefois limitée à la moitié de la journée. L'actualité proche-orientale n'est censée représenter que 30 % du temps d'antenne, le reste traitant de l'actualité internationale globale.

Les marques françaises, principaux annonceurs

Aujourd'hui, après avoir « montré qu'elle faisait un contenu crédible » détaille Frank Melloul, i24 veut développer sa notoriété et ses recettes publicitaires. L'objectif reste d'atteindre l'équilibre en 2018. C'est en direction du public francophone que portent les efforts, et les annonceurs que l'on voit sur la chaîne - BNP, Crédit agricole, Club Méditerranée - sont surtout des marques françaises.

i24 a lancé une première campagne publicitaire mi-janvier dans les aéroports parisiens, et quelques grandes villes françaises, avec des affiches mêlant le portrait d'Obama et du président iranien, ou celui d'une musulmane voilée et d'une religieuse chrétienne, sous le slogan « L'information est l'union de tous les points de vue ». Mais dans le contexte de la vague d'attentats parisiens, la perception du message a dû être troublée.

Avec un budget « modeste » de 50 millions de dollars par an, trois fois moins que celui de France 24, grâce aux synergies entre les trois rédactions - qu'il a été possible de mettre en place ici, et pas là-bas, explique Frank Melloul -, i24news n'a cependant pas vocation à être financée pendant des années à perte sur la fortune personnelle de Patrick Drahi. La notoriété acquise lui attirerait les sympathies d'investisseurs internationaux, désireux de la soutenir.

Une émission d'obligations convertibles d'un montant de quelques centaines de milliers d'euros, ouverte à une trentaine de soutiens, serait à l'étude. Les candidats, personnalités ou personnes morales, se recruteraient parmi les grandes fortunes américaines et européennes, en majorité juives, mais pas seulement, selon le porte-parole de l'homme d'affaires.

Ces apports donneraient du temps à la chaîne pour s'installer. Mais à l'enthousiasme des débuts, auraient succédé des tensions dans l'équipe, des démissions et des licenciements, relatées récemment dans une enquête au vitriol de TéléObs (« i24news, une chaîne sous haute tension », 4 février 2015). Une dégradation de l'ambiance que Frank Melloul minimise. Reste à démontrer que le positionnement hybride d'une chaîne établie en Israël, donnant la parole à la société israélienne, sans s'adresser à elle, peut trouver une audience internationale au-delà d'un public communautaire.

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Commentaires 2
à écrit le 15/05/2015 à 22:33
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Je ne suis pas juif, mais il m'est arrivé de regarder cette chaine en français, des fois aussi la version anglaise. J'ai plus ressenti cette chaine comme un équivalent israélien de France24. Drahi étant israélien, il a dû faire cette chaine en tant q...

à écrit le 15/05/2015 à 18:41
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Une chaîne du Mossade oui

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