Orange : les syndicats acceptent finalement la transformation numérique du groupe

Après des mois de négociations et de prises de bec, un accord visant à transformer le travail chez Orange à l’heure du numérique a été signé. Toutefois, certains syndicats s’inquiètent de conséquences néfastes pour les salariés.
Pierre Manière
Au total, trois syndicats d’Orange ont dit «oui»: la CFDT (24% des voix), la CGT (près de 20%) et FO (15%).

Stéphane Richard, le PDG d'Orange, ne tweete pas beaucoup. Mais ce mercredi, il n'a pas laissé passer l'occasion de se réjouir de l'accord sur la transformation numérique de l'opérateur, signé la veille par les syndicats. « La transformation digitale est en marche chez Orange pour nos clients comme pour nos salariés », a bombardé sur Twitter le patron du numéro un français des télécoms.

Stéphane Richard

Après des mois de négociations avec les syndicats, un accord a finalement été trouvé. Au total, trois syndicats d'Orange ont dit « oui »: la CFDT (24% des voix), la CGT (près de 20%) et FO (15%). Ils permettent ainsi de dégager une majorité parmi les représentants du personnel. Ce qui balaye, du même coup, tout droit d'opposition de SUD (17%) et de CFE-CGC (16%). Le premier s'y étant opposé, quand le second, plutôt contre, s'est donné jusqu'au 7 octobre pour consulter ses adhérents.

« Augmenter la productivité »

Cet accord, le premier du genre pour un grand groupe français, a largement fait débat. Au printemps dernier, une première mouture a été jetée aux orties par les représentants du personnel. Beaucoup craignaient que la direction du groupe ne profite des nouveaux outils numériques pour booster la productivité des salariés à peu de frais. A La Tribune, Christian Pigeon, de SUD, avait passé le projet à la sulfateuse. A ses yeux, l'initiative n'avait pour but que de « dégager des marges pour payer des dividendes aux actionnaires ». D'après lui, les petits calculs « d'en haut » sont simples : « 14.000 salariés doivent partir dans les trois ans, et l'entreprise n'entend en embaucher que 6.000. Voilà pourquoi elle veut augmenter la productivité de chacun d'entre nous. »

Fin mai, il avait réuni une majorité des voix avec la CGT et la CFE-CGC pour faire capoter l'accord. Mais depuis, la CGT a retourné sa veste. Et c'est un communiqué élogieux de cette dernière qui a accueilli cet accord à l'arraché. Titré « un premier pas vers de nouveaux droits pour les salariés ! », celui-ci égrène les « revendications » acquises lors des dernières négociations. Parmi elles, on trouve « la reconnaissance du droit à la déconnexion », un « cadre » sur « l'utilisation des données personnelles des salariés », ou encore un « volet formation [...] renforcé pour permettre à chacun de s'approprier les nouveaux outils numériques à son rythme ». Bref, pour la CGT, tous les voyants sont au vert. « Cet accord, le premier du genre dans une entreprise du CAC 40, pose un cadre protecteur pour les salariés », renchérit l'organisation syndicale.

« Un premier cadre juridique »

Pour Laurent Riche, de la CFDT, le nouvel accord n'est fondamentalement différent du précédent. Celui-ci « a surtout été réécrit », a-t-il dit à l'AFP. Reste qu'il a, d'après lui, « le mérite de poser un premier cadre juridique et de créer un conseil national des transformations numériques qui permettra à tous les négociateurs d'Orange, signataires ou non de l'accord, de se retrouver régulièrement autour des questions liées au numérique ». Même son de cloche pour FO, le représentant, Philippe Charry, trouve aussi l'accord « sensiblement équivalent au premier ».

En revanche, chez la CFE-CGC, la grogne est palpable. Dans un communiqué de trois pages, l'organisation syndicale n'y va pas par quatre chemins : pour elle, il s'agit d'« un accord indigne de la première entreprise 'digitale' de France ».

« Malheureusement, le texte n'a été que très peu modifié, s'alarment ses représentants. Il ne corrige en rien les dispositions qui mettent les personnels en danger, et en ajoute au contraire de nouvelles, de nature à faciliter les licenciements pour 'insuffisance professionnelle' sur la base d'arguments spécieux. »

Quid des gains de productivité ?

Globalement, l'organisation s'inquiète d'une politique de numérisation à tout-va. Citant sa dernière étude maison  (« Stress et conditions de travail »), elle juge que « les applications informatiques mises en place tendent à ralentir le travail ».

« De plus en plus, les personnels s'inquiètent de ne pas être à la hauteur du travail demandé, tout particulièrement dans le contexte d'une numérisation croissante perçue comme 'permettant à l'employeur de tout savoir sur le travail de chacun' », dit-elle.

Quant à Christian Pigeon, s'il salue des avancées concernant le droit à la déconnexion (« qui n'était qu'un 'devoir' jusqu'alors », insiste-t-il), il regrette que le texte demeure flou sur de nombreux points.

« On aurait notamment souhaité connaître les différents gains de productivité engendrés par les outils numériques, précise-t-il. Mais à ce sujet, l'entreprise est restée muette, arguant qu'elle n'était pas en mesure de les calculer... »

Si les représentants du personnel sont aussi sur le qui-vive, c'est parce qu'ils ont tous en mémoire le climat délétère des années 2008-2009, où l'entreprise avait connu une vague de suicides sans précédent. A n'en point douter, ils seront donc très attentifs à la mise en œuvre de cette accord, ainsi qu'à son impact sur les 96.000 salariés de l'opérateur dans l'Hexagone.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 29/09/2016 à 9:03
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"Ce qui balaye, du même coup, tout droit d'opposition de SUD (17%) et de CFE-CGC (16%). Le premier s'y étant opposé, quand le second, plutôt contre, s'est donné jusqu'au 7 octobre pour consulter ses adhérents." C'est inexact. C'est le syndicat SUD...

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