La bataille du « roaming » a repris de plus belle à Barcelone, au salon mondial du mobile. La commissaire européenne en charge du numérique, Neelie Kroes, poursuit le combat de Viviane Reding, qui l'a précédée à ce poste, sur le prix des frais d'itinérance facturés par les opérateurs mobiles dès que l'on utilise son téléphone hors des frontières. Son projet d'introduire de la concurrence, en donnant la possibilité aux consommateurs en voyage de choisir son opérateur pour l'itinérance, et d'imposer une nouvelle baisse des prix de gros, ne plaît pas du tout aux opérateurs. En particulier à Vittorio Colao, le patron du géant britannique Vodafone, numéro un mondial du mobile en chiffre d'affaires, qui a carrément appelé à un « moratoire de la régulation sur le mobile » lundi lors d'une allocution au Mobile World Congress: « l'Europe a-t-elle besoin d'emplois ou de baisse des prix ? Nous devrions arrêter d'intervenir constamment sur les prix et laisser le secteur réinvestir son argent » a-t-il plaidé.
Les eurodéputés pour une baisse plus drastique
Réponse mardi matin de Neelie Kroes, via le réseau Twitter : « Message à M. Colao. Je me place du côté du client de Vodafone. Rappelez-vous que si les consommateurs n'ont plus peur d'utiliser leurs smartphone ou tablette quand ils voyagent en Europe, les opérateurs en bénéficieront eux aussi. » Lors de son intervention lundi au Mobile World Congress, la commissaire avait pris la salle à témoin : « combien d'entre vous, venus ici en Espagne pour le salon, sont trop angoissés pour utiliser toutes les fonctions de leur smartphone ou tablette ? Combien courent d'une zone WiFi à l'autre avant d'oser regarder vos emails ? Je sais que 40% des abonnés mobiles ont peur d'utiliser les services de données à l'étranger. Car les tarifs d'itinérance dans l'UE sont tellement élevés qu'ils savent qu'ils pourraient avoir une mauvaise surprise en découvrant leur facture. »
Un vote des eurodéputés en avril
Elle a confié espérer « trouver un accord politique ambitieux le mois prochain » sur ce sujet. Elle prône une solution simple pour l'utilisateur, qui pourrait sélectionner son réseau et s'identifier, comme pour le WiFi. Ce mardi, au Parlement européen, la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie a approuvé ses propositions de régulation du roaming, qui seront soumises au vote des eurodéputés en avril. Les parlementaires européens de cette commission ont même adopté des baisses de prix plus drastiques que celles de Neelie Kroes : au 1er juillet 2014, le prix de détail maximum des appels sortants serait de 15 centimes (contre 24 ct proposés), celui des SMS envoyés de 5 centimes (deux fois moins) et celui des données, qui n'était pas régulé, serait plafonné à 20 centimes le Mo (contre 50 ct envisagés). Selon un récent rapport de l'OCDE, le prix du Mo peut atteindre 25 dollars dans certains pays.
Les opérateurs du sud de l'Europe plus touchés
Ce sujet brûlant des tarifs d'itinérance était aussi au menu de la rencontre au sommet, et à huis clos, des grands opérateurs européens qui a lieu tous les ans au premier jour du salon. Ils étaient dix à se réunir cette année pour débattre des grandes questions stratégiques du secteur : France Télécom, Deutsche Telekom, Telefonica, Vodafone, Telecom Italia, Telenor, TeliaSonera, Telekom Austria mais aussi le russe Vimpelcom et le hong-kongais Hutchison Whampoa (présent sous sa marque « 3 » au Royaume-Uni, en Italie, en Autriche, en Suède, etc). Mais les intérêts sont divergents et ne permettent pas d'aboutir à une position commune. « L'enjeu du « roaming » n'est pas du tout le même pour les opérateurs du Nord de l'Europe, Allemagne, Scandinavie, etc, et ceux du Sud, France, Espagne et Italie, qui accueillent énormément de touristes venus de ces pays du Nord et perçoivent d'importants revenus des appels vers l'étranger » relève Stéphane Richard, le PDG de France Télécom Orange.
Une nouvelle offre d'Orange
Ce mardi, l'opérateur a annoncé le lancement en juin d'une nouvelle offre d'itinérance, un forfait combinant 10 minutes de voix, 10 SMS et 10 Mo données pour 4 à 5 euros par jour, destiné aux « utilisateurs occasionnels », utilisable en Espagne, en Belgique et en Roumanie, plus tard dans l'année en France, au Royaume-Uni et en Pologne. Conscient qu'il faut « abaisser les peurs dues au manque de transparence, redonner confiance aux consommateurs et démocratiser les usages », comme l'explique Yves Martin, responsable du roaming chez Orange, l'opérateur propose aussi dans six pays une nouvelle application Orange Travel App (Android) qui permet de suivre sa consommation de données à l'étranger partout dans le monde, et qui a déjà été téléchargé par plus de 6.000 personnes en France depuis son lancement en décembre.
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