Télécoms : le "Club des 5" dans le viseur de Bruxelles

La Commission a interrogé les cinq plus grands opérateurs européens officiellement sur les « conditions de standardisation de futurs services mobiles ». Elle s'inquiète d'une éventuelle collusion entre ces géants dont les patrons se sont réunis à plusieurs reprises.
René Obermann, le directeur général de Deutsche Telekom, attend "un signal clair" de la Commission.

Soupçon d'entente ? Sans aller aussi loin, la Commission européenne a adressé une liste de questions à cinq grands opérateurs télécoms de l'UE, dont France Télécom, officiellement sur les « conditions de standardisation des futurs services » de télécoms mobiles. C'est le fameux « Club des Cinq » opérateurs dont les patrons s'étaient réunis à plusieurs occasions à partir de l'automne 2010, à l'initiative de Stéphane Richard, six mois après sa nomination à la direction générale de France Télécom Orange à l'époque. Outre le patron français, étaient présents René Obermann de Deutsche Telekom, Vittorio Colao de Vodafone, Cesar Alierta de Telefonica et Franco Bernabe de Telecom Italia. Au programme de ces réunions : l'harmonisation des spécifications et des standards, la création d'un éventuel système d'exploitation pour smartphone commun, les moyens de gérer l'explosion du trafic de données sur les réseaux mobiles, mais aussi la fiscalité et la régulation.

Quatre réunions chaperonnées par des avocats
Les services du commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia ont indiqué avoir envoyé un questionnaire à ces cinq opérateurs ainsi qu'à la GSMA, l'Association des opérateurs GSM, confirmant une information parue mercredi matin dans le « Financial Times. » Le quotidien de la City évoque « la menace d'une enquête de la Commission afin de déterminer si des réunions entre ces dirigeants ont conduit à une éventuelle collusion. » Il n'y a pas encore d'enquête formelle ouverte, insiste Bruxelles. Le questionnaire porte notamment sur le paiement par mobile (la technologie NFC) et la publicité sur mobile. Selon nos informations, il y a eu en tout et pour tout quatre réunions en quinze mois, le 8 octobre 2010 à Paris, le 14 février 2011 à Barcelone, le 11 juillet 2011 à Venise et le 12 janvier dernier à Londres.

« Des réunions aucunement secrètes et toujours en présence d'un, voire plusieurs avocats, par prudence » ont toujours fait valoir les opérateurs. La Commissaire en charge du numérique « Neelie Kroes a reçu un compte-rendu de chaque réunion », indique l'un d'eux. « Les autorités européennes ont été informées dans les meilleurs délais des activités du groupe des opérateurs télécoms européens, qui se sont déroulées dans une transparence maximale » a fait valoir mercredi Franco Barnabe devant des journalistes à Rome. Dans un communiqué, Deutsche Telekom a dit attendre, comme les autres participants, de la part de la Commission « un signal clair sur les moyens de renforcer l'industrie européenne de l'Internet et de la rendre compatible avec les grands acteurs américains comme Google, Apple et Amazon. »

Faire front commun face à Google et Apple
A l'initiative de ce club informel, Stéphane Richard n'a pas voulu commenter. Il avait souhaité se présenter et faire connaissance avec ses homologues européens, qu'il avait conviés à l'hôtel Meurice à Paris pour un déjeuner et une longue réunion de travail sur les grands enjeux du secteur en octobre 2010. Le dirigeant français était convaincu que les opérateurs se devaient de faire évoluer leur modèle économique face aux Google et autres Apple et avait donc intérêt à y réfléchir ensemble, de faire front commun. Comment faire payer le géant de l'Internet pour l'explosion du trafic, comment contrebalancer le pouvoir du duopole iPhone-Android dans les smartphones ? Autant de sujets abordés mais finalement jamais réglés : par exemple, l'initiative pour créer un magasin d'applications commun aux opérateurs (WAC), concurrent de l'App Store, reste inconnue du grand public deux ans plus tard.

La condamnation de 2005 par le Conseil de la concurrence a laissé des traces

En revanche, France Télécom et Deutsche Telekom ont uni leurs forces dans les achats, pour faire des économies, notamment sur les achats de terminaux. Ce « Club des 5 » a-t-il inquiété Google, au point d'alerter la Commission ? Le responsable des relations institutionnelles de Google France, Olivier Esper, a juste publié un lien vers l'article du FT sur son compte Twittter, sans commentaire, mercredi matin. Neelie Kroes, en désaccord avec les opérateurs sur la question de la neutralité des réseaux et les tarifs d'itinérance (le « roaming ») qu'elle veut encore abaisser, a-t-elle pris ombrage de ces conciliabules entre grands patrons ?

Les opérateurs sont persuadés de n'avoir rien à se reprocher et d'avoir pris toutes les précautions nécessaires. En France, la condamnation pour entente de l'opérateur historique et de ses concurrents SFR et Bouygues Telecom par le Conseil de la Concurrence en 2005, pour des échanges d'informations confidentielles sur le marché mobile entre 1997 et 2003, a laissé des traces désastreuses en termes d'image. A Bruxelles, certains observateurs ne voient dans ce questionnaire qu'une nouvelle phase de la « guerre des mots » que se livrent les opérateurs et la Commission.

 

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