SFR-Free, un mariage improbable ?

Les analystes de Natixis imaginent ce scénario de fusion comme « une possibilité, fortement créatrice de valeur » pour Vivendi. L'actionnaire de SFR aurait sans doute plus d'intérêt à une telle opération que celui d'Iliad.
Xavier Niel, le principal actionnaire d'Iliad, serait-il prêt à se diluer fortement ? Copyright Reuters

« Et si SFR se rapprochait d'Iliad ? » C'est le titre d'une note d'un courtier à ses clients qui a mis le feu aux poudres. Deux semaines après les folles rumeurs sur un rapprochement de SFR avec Numericable, retombées depuis, c'est un autre mariage qui est envisagé. Du moins par les analystes de Natixis qui s'interrogent dans une note sur Vivendi sur l'hypothèse d'un rapprochement de sa filiale avec la maison-mère de Free.

« Ce scénario n'est basé sur aucune rumeur, mais constitue, selon nous, une possibilité » précisent les analystes financiers. « Cette opération peut surprendre au premier abord » reconnaissent-ils, conscients de différents obstacles politiques, réglementaires et culturels, « mais fortement créatrice de valeur pour Vivendi. » Cette perspective n'a pourtant pas profité à l'action Vivendi, qui a chuté de 1,94% lundi. Ni à celle d'Iliad qui a cédé 0,47%.

Synergies estimées à au moins 1,3 milliard d'euros
Pas de commentaire officiel au siège d'Iliad. « Beaucoup de bruit pour rien. La même note peut être écrite avec Bouygues Telecom ! » ironise un membre de l'équipe dirigeante de Free. Les experts de Natixis excluent un mariage de SFR avec Bouygues Telecom « car cela conduirait à la création d'un duopole dans le mobile », et risquerait donc d'être bloqué par l'Autorité de la Concurrence ; a fortiori « à ce stade, le groupe Bouygues n'est pas vendeur » selon Natixis. « No comment » non plus sur les « rumeurs de marché » au siège de Vivendi où « les banquiers entrent et sortent, un scénario différent surgit toutes les heures. Le seul que l'on ne proposera pas c'est un rapprochement SFR/Orange » indique une source proche.

« Que Vivendi fasse travailler ses banques sur tous les scénarios envisageables, je veux bien, mais que Free ait intérêt à ce mariage, je suis très dubitatif » réagit un spécialiste du secteur. Pourquoi Free qui se flatte d'être bien géré, plus efficace avec ses 6.295 salariés contre 10.000 chez SFR et Bouygues Telecom, d'être l'opérateur alternatif le plus rentable d'Europe, irait-il se marier avec cet acteur qu'il qualifie d'historique et peu réactif commercialement, à la culture d'entreprise radicalement différente, pour créer un mastodonte à l'intégration forcément difficile ?

Free se focaliserait sur l'ADSL et le mobile low cost

« Il y aurait beaucoup de restructuration derrière, les discussions avec les syndicats, pas trop la tasse de thé de Xavier Niel » juge un bon connaisseur du groupe. Les experts de Natixis évaluent « les synergies à un minimum de 1,3 milliard d'euros » en dépenses opérationnelles et en investissements, sans prendre en compte le contrat d'itinérance par lequel Free loue le réseau d'Orange « en supposant que Free Mobile poursuive son déploiement », ce qui réduirait pourtant l'intérêt de la fusion. Ils imaginent Free se focalisant sur l'ADSL et le low-cost dans le mobile pendant que SFR « se recentrerait sur les entreprises et administrations, les offres mobiles subventionnées, la fibre et les délégations de service public dans le très haut débit. » Or Free a attaqué en justice SFR pour ses offres subventionnées qu'il considère comme de la concurrence déloyale. Mais pour Natixis, « la question de l'ADN d'Iliad pourrait rapidement se poser, entre un Free « fixe » toujours à la pointe de l'innovation et un Free mobile jouant principalement sur la carte du low-cost » et une fusion serait « une porte de sortie à ce dilemme. »

Xavier Niel n'exclurait pas d'acheter un concurrent
Si Vivendi est clairement vendeur, qui dit qu'Iliad est acheteur ? Le magazine « Capital » dans son édition de novembre glisse dans un dossier consacré aux « secrets de la machine à fric Free » que le fondateur, Xavier Niel, dirait en interne qu'il n'exclut pas de racheter un de ses concurrents SFR ou Numericable, ou même Bouygues Telecom. Iliad pèse actuellement 6,5 milliards d'euros en Bourse, SFR est valorisé entre 12 et 15 milliards d'euros. Pourquoi Xavier Niel, actionnaire à 59% d'Iliad, accepterait-il de se diluer fortement et devenir potentiellement minoritaire ? A la différence de son rival Neuf Cegetel, absorbé par SFR, Iliad a privilégié la croissance interne, à l'exception du rachat d'Alice en 2008, une opération plus modeste (800 millions d'euros). Dans l'entourage de Vivendi, certains font valoir que « Free serait très mal si SFR se rapprochait de Numericable. Et il va avoir un problème quand il aura 5 millions de clients mobiles » faute d'un réseau suffisamment déployé.

Restent les questions politiques et réglementaires. Le gouvernement ne verrait pas forcément d'un bon ?il une fusion : Fleur Pellerin, la ministre déléguée au numérique ayant déclaré que les pouvoirs publics souhaitaient « maintenir un modèle à quatre opérateurs. » Comment l'Autorité de la concurrence percevrait-elle le rapprochement des numéros deux et trois de l'ADSL, avec plus de 5 millions d'abonnés haut débit chacun, soit plus qu'Orange (9,8 millions), ce qui créerait un duopole dans le fixe et réduirait considérablement le choix pour les consommateurs, et ce alors que SFR n'est pas en grave difficulté financière ? La note de Natixis ne creuse pas ce point mais relève que « les perspectives du groupe Iliad ne nécessitent nullement l'ajout d'une nouvelle « jambe » pour délivrer une forte croissance dans les trois prochaines années. »
 

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