Les opérateurs télécoms, des acteurs clés de la lutte contre le terrorisme

Les opérateurs télécoms disposent d'une armada de techniciens pour répondre aux demandes d'écoutes et d'interceptions des autorités en matière de sécurité et de lutte contre les organisations terroristes.
Pierre Manière
Il n'y a pas, aujourd'hui, de radicalisation sans Internet et les réseaux sociaux. Ni de planification d'un attentat, d'un crime ou d'un mauvais coup sans échanges de mails, textos et coups de fil.

Ils sont très, très discrets sur ces activités méconnues du grand public. Pourtant, les opérateurs télécoms sont des acteurs fondamentaux en matière de sécurité, de défense et de lutte contre le terrorisme. Et c'est bien normal.

Il n'y a pas, aujourd'hui, de radicalisation sans Internet et les réseaux sociaux. Ni de planification d'un attentat, d'un crime ou d'un mauvais coup sans échanges de mails, textos et coups de fil. En France, toutes ces communications transitent par les réseaux des quatre poids lourds des télécoms que sont Orange, Numericable-SFR, Bouygues Telecom et Free.

Résultat, ils font logiquement office de courroie de transmission entre les services de police et de renseignement. Sur ce créneau, leur activité - qui couvre les communications téléphoniques fixes, mobiles et Internet - est donc strictement encadrée. Concrètement, chaque opérateur dispose d'une « direction des obligations légales, en lien avec les ministères de l'Intérieur, de la Défense et de la Justice », explique-t-on à la Fédération française des télécoms (FFT). Chacune dispose de locaux hautement sécurisés, où travaillent des armadas de techniciens et d'ingénieurs triés sur le volet. Chez Bouygues Telecom, ce service compte un peu moins de 100 personnes.

« Ce sont des gens habilités secret défense, qui sont sous astreinte en permanence », a récemment indiqué Olivier Roussat, le PDG de l'opérateur, sur France Info.

Fadettes, écoutes et géolocalisation

Leurs tâches ? Mettre en place les écoutes téléphoniques (fixes ou mobiles), transmettre les fadettes (visant à identifier les interlocuteurs d'une communication, sans transmettre son contenu) et autres données de connexions électroniques, géolocaliser des smartphones, ou encore bloquer l'accès à certains sites terroristes. « Toutes ces obligations sont de deux types : celles qui relèvent du cadre judiciaire et celles qui se situent dans le cadre administratif », explique un juriste d'un opérateur français.

Par exemple, une écoute ou demande de renseignements ne peut être décidée que par un juge dans le cadre d'une enquête, si la peine encourue pour le crime ou le délit est égale ou supérieure à deux ans.

A contrario, une écoute administrative n'a besoin « que » d'un feu vert du Premier ministre pour être mise en oeuvre, lors d'affaires concernant la sécurité nationale ou la prévention de la criminalité et du terrorisme. C'est d'ailleurs ce volet administratif, qui ne bénéficie pas du gardefou d'un juge, qui a été considérablement renforcé lors de la dernière loi sur le renseignement. Ce qui suscite toujours l'ire d'associations comme la Quadrature du Net, qui défend les libertés numériques, pour qui ces mesures « intrusives » ouvrent la porte à une « surveillance de masse » et « violent les droits fondamentaux ».

Reste que, in fine, toutes les demandes des autorités sont traitées chez les opérateurs.

Le travail ne manque pas. Au total, il y aurait quelque 2 000 réquisitions adressées chaque jour à l'ensemble des opérateurs (fixe, mobile et Internet). Sachant que la plupart concernent l'accès à des données de connexion et d'identification.

Un credo: aller le plus vite possible

Depuis les attentats du 13 novembre, les sollicitations vont crescendo. « Nous avons beaucoup plus de demandes des autorités, mais je ne peux vous dire combien », dit-on chez un opérateur. Lors de tels événements, tous les personnels sont sur le pied de guerre. Avec un credo : aller le plus vite possible.

« La réactivité des opérateurs est fondamentale dans le cadre des enquêtes antiterroristes ou lorsqu'il s'agit de traquer des suspects en fuite », explique une source policière à l'AFP.

Tous les processus sont rigoureusement encadrés. À aucun moment, les troupes des opérateurs n'accèdent aux informations qu'ils transmettent. « Lors d'une interception, nous nous contentons de dévier des flux vers les autorités policières. Nous n'avons nous-mêmes pas accès à quoi que ce soit. Il en va de même pour les procédures de géolocalisation », insiste notre juriste.

Outre les écoutes, les opérateurs sont sollicités pour bien d'autres tâches. Depuis le mois de février, sur demande des autorités, ils doivent notamment bloquer certains sites faisant l'apologie du terrorisme (appelant au jihad, consacrés à la propagande de Daech...) ou à caractère pédopornographique. L'état d'urgence a d'ailleurs changé la donne. Auparavant, les hébergeurs ou les éditeurs disposaient de vingt-quatre heures après notification pour retirer les contenus incriminés. Désormais, les autorités peuvent demander aux opérateurs une censure immédiate, sans crier gare.

Déploiement prochain de boîtes noires

Sujet brûlant, les opérateurs attendent surtout de savoir comment ils vont collaborer avec l'État concernant les « boîtes noires », autorisées par la loi renseignement malgré des volées de critiques. Ces ordinateurs seront placés chez eux pour détecter automatiquement - et sans distinction entre les internautes -des comportements suspects. Reste à savoir comment ces « boîtes noires » seront déployées. « C'est un véritable casse-tête pour les autorités, indique un bon connaisseur du dossier. Il faut savoir où ces dispositifs seront placés. Ce n'est pas une mince affaire, car chaque opérateur a sa propre architecture de réseau... » S'il suscitera à coup sûr la polémique, le décret d'application ne verra donc pas le jour immédiatement.

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ENCADRE

Lutte contre Boko Haram: un opérateur écope d'une amende faramineuse

Partout dans le monde, les opérateurs télécoms sont largement sollicités dans la lutte contre le terrorisme. Les exigences des autorités donnent parfois lieu à des affaires retentissantes. C'est notamment le cas au Nigéria. MTN, le plus gros opérateur du pays, a écopé cet été d'une amende faramineuse de 5,2 milliards de dollars (des négociations sont en cours, et celle-ci s'élève aujourd'hui à 3,9 milliards).

Pourquoi ? Parce que MTN, qui a la main sur plus de 40 % du marché nigérian, n'a pas désactivé à temps quelque 18,6 millions de Sim « fantômes », c'est-à-dire des puces téléphoniques dont les usagers n'étaient pas bien identifiables.

Quelques mois plus tôt, le gouvernement a souhaité mettre un terme à ce problème.

Ce faisant, il espère que ses services de police et de renseignement pourront remonter plus facilement les filières terroristes, tout en empêchant ces dernières de communiquer et de se coordonner facilement.

Il faut dire que le gouvernement nigérian veut éradiquer la secte Boko Haram, dont les fanatiques islamistes auraient tué plus de 15 000 personnes en six ans, principalement dans le nord-est du pays. (P. M.)

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 28/12/2015 à 16:25
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Un acte n'est terroriste que médiatisé, les conséquences en sont médiatisés et deviennent des actes de terrorismes!

à écrit le 28/12/2015 à 15:19
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Ç est bien pour cette raison que beaucoup d entreprises de cabinets de conseils ou d avocats ont choisis Squareway by Vivaction pour protéger la voix et la data sur smartphones !

le 29/12/2015 à 15:48
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Vous n'en avez pas marre de votre marketing a deux balles dans un lieu inadapté ?

le 29/12/2015 à 16:47
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Vive L action ! 😜🍾

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