Assurance de prêt immobilier : les banques ne jouent pas le jeu de la réforme

Cela fait un an aujourd'hui que les emprunteurs peuvent souscrire une assurance de prêt ailleurs qu'auprès de leur banque prêteuse. La réforme n'a pas pris. Si les banques ne jouent pas toujours le jeu, les consommateurs sont également peu informés de l'existence de cette possibilité.
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Pouvoir souscrire son assurance de prêt ailleurs que dans son établissement de crédit, c'est possible depuis le 1er septembre 2010. Mais 60% des Français ne le savent toujours pas, selon une étude Macif/Ifop réalisée en juin dernier. La loi portant réforme du crédit à la consommation, initiée par Christine Lagarde, stipule en effet que la banque ne peut refuser un contrat d'assurance de prêt souscrit auprès d'un autre distributeur, s'il présente des garanties équivalentes au sien. Il lui est également interdit de moduler son taux de crédit en fonction de l'assurance de prêt choisie.
Dans les faits, peu d'assureurs observent une augmentation des demandes de « délégation », c'est-à-dire hors de la banque prêteuse. Et si c'est le cas, ce sont plutôt des primo-accédants, bien informés. « Notre activité sur la délégation est en croissance très forte. Mais elle est plus forte en volume qu'en valeur, ce qui signifie que nous avons des assurés plus jeunes, pour des montants moins importants », souligne Joël Farré, directeur général de Metlife France.

Les banquiers visés

Les banquiers feraient-ils alors de la résistance ? Car l'assurance emprunteur est une manne : elle représente en effet entre 5% et 15% du coût total du crédit selon Meilleurtaux. Du coup, certains banquiers jouent avec les lacunes de la loi pour conserver leur monopole sur ce marché (environ 90% de parts de marché). « Une grande partie des banquiers exploitent les failles et les imprécisions de la loi, d'autant plus qu'ils ont une emprise forte sur le client », considère Pierre Seror, responsable marketing de Macif Mutualité.
En cas de refus d'une délégation, la banque doit le motiver par écrit, mais certains arguments peuvent passer oralement. « La banque peut opposer au client un refus oral ou accepter la délégation d'assurance, mais augmenter le taux global du crédit ou les frais de dossier. Il est difficile de savoir si le banquier a changé ou non son taux au cours du processus, puisque toutes les propositions de taux ne sont pas contractuelles », explique Maxime Chipoy, chargé de mission banque et assurance à l'UFC Que Choisir.
Le flou qui règne sur la notion d'équivalence de garanties est aussi la porte ouverte à tous les « pinaillages » sur la moindre différence entre contrats. Certains s'en défendent : « Une équivalence de garantie s'apprécie en fonction du cas personnel d'un client. Et notre contrat étant l'un des plus couvrants du marché, certains clients ne voient pas l'intérêt de souscrire un contrat chez un assureur extérieur, les écarts de prix n'étant pas significatifs », affirme Véronique Courteaux, directrice assurances de personnes à La Banque Postale. Sans compter les frais de dossier facturés aux clients en cas de demande de délégation. Des frais qui ne sont pas encadrés par la loi...

Des délais serrés

Accusées de tous les maux, les banques ne sont cependant pas les seules responsables du flop de la réforme. « En réalité, cette loi n'a pas été faite pour être appliquée. Vous ne pouvez pas demander à un banquier d'aller dire à son client de souscrire ailleurs », remarque Pierre Balsollier, président du cabinet de conseil BAO.
Si les délais nécessaires à la comparaison des offres n'ont pas non plus été pris en compte par le législateur, c'est aussi aux assureurs de s'y adapter. « La capacité à développer des technologies rapides et simples pour optimiser le délai de réponse sera un facteur de différenciation. Nous avons investi près d'un million d'euros dans les systèmes d'information», confirme Joël Farré. Chez Macif, une procédure d'adhésion en 20 minutes a été mise en place.
La conjoncture n'est pas non plus étrangère au désintéressement des consommateurs pour leur assurance de prêt. « Lorsque le taux des crédits immobiliers augmente, le poids de l'assurance diminue, et c'est donc moins un sujet pour le consommateur », précise Pierre Seror.
Un an après, seuls les clients les plus avertis poussent la porte des courtiers de crédits ou se lancent dans une comparaison des offres. « Plus les emprunteurs joueront leur rôle de consommateur, plus le marché de l'assurance emprunteur pourra progresser », estime Jean-Pierre Diaz, responsable des produits d'épargne et de prévoyance en France chez BNP Paribas Cardif. Mais, pressés d'obtenir un financement, ils n'ont parfois pas le temps de prospecter les assureurs. « Dans le processus de souscription d'un crédit immobilier, l'assurance est parfois la dernière préoccupation du client. Dans ce cadre-là, il est donc plus simple pour lui d'avoir un produit de qualité « packagé » qui rassemble le crédit et l'assurance », constate Jean-Pierre Diaz.
Difficile alors de dire qui du banquier ou du consommateur est responsable de l'inefficacité de la réforme. « C'est au client de faire son marché et au banquier de ne pas tricher dans son explication », conclut Pierre Balsollier.
Demandé par Christine Lagarde avant son départ du ministère des Finances, un rapport du Comité consultatif du secteur financier est attendu ce mois-ci sur le bilan de la réforme.
 

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Commentaire 1
à écrit le 02/09/2011 à 12:25
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Cette loi n'est pas adaptée car il est quasi-impossible d'obtenir une délégation sans se pénaliser sur le crédit. J'ai réussi à avoir cet été une délégation d'assurance auprès de la MACIF pour le principe mais aussi parce que j'avais le temps et suff...

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