Dépassement du plafond du Livret A : controverse sur des courriers de la Banque Postale

Par Alexandre Phalippou  |   |  739  mots
La Banque Postale mentionne dans une lettre adressée à une dizaine de milliers de ses clients un plafond d'intérêts qu'il est interdit de dépasser.

Fin septembre, entre 10.000 et 20.000 détenteurs de livrets A à la Banque Postale (LBP) ont eu une mauvaise surprise en ouvrant le courrier. Une lettre, reproduite ci-dessous, demandait aux clients de "régulariser" leur livret "en situation irrégulière", rappelant "le risque fiscal que représente cette situation".

De quelle situation s'agit-il? De livrets A sur lesquels les sommes sont largement supérieures au plafond maximum légal de 15.300 euros. Sauf que, pour les clients concernés, ce dépassement n'est dû qu'à la capitalisation des intérêts (c'est-à-dire les intérêts produits par les intérêts). Or, ceux-ci sont également défiscalisés comme le rappelle l'article R221-2 du code monétaire et financier: "Le plafond prévu à l'article L.221-4 est fixé à 15.300 euros pour les personnes physiques. La capitalisation des intérêts peut porter le solde du livret A au-delà de ce plafond." Au bout de plusieurs dizaines d'années de détention, les dépassements ne sont donc pas rares...

Le courrier de la Banque Postale mentionne pourtant un autre plafond, situé entre 19.000 et 26.000 euros selon les lettres: "compte tenu de sa date d'ouverture, le solde de votre livret A ne peut dépasser 22.108,64 euros avec la capitalisation des intérêts". En réalité, il ne s'agit pas d'un vrai "plafond" mais d'un calcul réalisé sur la base d'un Livret A ouvert avec 15.300 euros dès le départ. En appliquant le taux du livret réglementé mois par mois, la Banque Postale est parvenue à une somme que le détenteur ne peut avoir dépassé sans avoir effectué de nouveaux versements.

Contactée par La Tribune, la Banque Postale a confirmé avoir fait plusieurs démarches vers ses clients détenteurs de livrets A dépassant le plafond réglementaire, intérêts capitalisés compris, afin qu'ils régularisent une situation dont l'irrégularité peut leur valoir des sanctions fiscales. "Il ne s'agit pas d'une première relance, précise-t-on à la Banque Postale. Nous avons cherché à contacter nos clients par téléphone et le cas échéant, par courrier depuis plusieurs mois. Par ces différentes prises de contact avec le client, LBP n'a fait que son devoir de bon conseil et d'accompagnement du client ; le gouvernement ayant rappelé que chaque détenteur d'un Livret A devait être en accord avec la réglementation en vigueur".

Un point reste toutefois à éclaircir : tous les plafonds calculés par la Banque Postale devraient être différents selon la date d'ouverture du livret A. Or, plusieurs courriers dont nous avons eu connaissance mentionnent le chiffre de 26.364,96 euros. Alors même que les dates de souscription espacées de plusieurs années... La Banque Postale a précisé que la somme mentionnée correspond, intérêts capitalisés inclus, aux Livrets A ouverts antérieurement au 1er novembre 1991, pour lesquels à l'époque les dépôts autorisés sur le Livret étaient inférieurs à 15 300 euros (Exemple : En 1990, il était possible de verser au maximum 90 000 Francs ; 80 000 Francs entre 1987 et 1990...).

Mais ce qui a surtout choqué les clients, c'est le ton de la lettre. Certains d'entre eux se sont sentis traités de "fraudeurs". L'un d'eux estime que "si fraude il y a, elle est amplement partagée. C'est à la Poste de vérifier que mes versements ne dépassent pas le maximum légal".

Autre élément mal perçu par les détenteurs de livrets A concernés: l'approche commerciale, située dans un paragraphe en fin du courrier, qui invite les clients à se rapprocher de leur banquier. "Lors de cet entretien, votre conseiller vous proposera de choisir parmi une large gamme de produits d'épargne rémunérés, adaptés à vos attentes et à votre situation" détaille en effet le courrier.

Interrogée sur le sujet, La Banque Postale a souhaité préciser que « son rôle est d'accompagner et de conseiller son client sur le placement des sommes dont il dispose ; le client restant évidemment totalement libre de les réinvestir où et comme il le souhaite. »

Pour l'heure, les détenteurs de livrets A à la Caisse d'Epargne ne semblent pas avoir reçu le même type de courrier.

Cliquez sur les liens ci-dessous pour accéder à la reproduction d'une de ces lettres:

- Page 1

- Page 2

Retrouvez plus d'explications dans la page Vos Finances de La Tribune, dans son édition du vendredi 9 octobre.