De quoi les marchés financiers ont-ils peur ?

Il y a juste un an, après la crise cardiaque des Banques, les marchés financiers envisageaient la fin du monde pour, en définitive, connaitre ensuite un rebond spectaculaire.

Il y a juste un an, après la crise cardiaque des Banques, les marchés financiers envisageaient la fin du monde pour, en définitive, connaitre ensuite un rebond spectaculaire. Aujourd?hui, les voilà encore en situation de crise ; d?angoisse cette fois-ci.

Pourtant, les indicateurs économiques sont plutôt bons.

? La politique monétaire est accommodante (les liquidités sont donc abondantes et les taux sont historiquement bas).
? La croissance est de retour (les résultats des entreprises sont clairement en augmentation).
? Et l?on peut dire que la consommation a tenu.

Alors, pourquoi les marchés financiers sont-ils si erratiques, si indécis, si angoissés ?
En fait, ils ont peur d?un scénario de « reprise en W ». C?est-à-dire qu?après la première crise et le rebond que nous avons vécu, il se produise une nouvelle baisse avant de voir un second rebond, plus durable).

Selon les analystes, cette rechute potentielle des marchés pourrait principalement venir de trois dangers :

1. Une hausse prématurée des taux par les banques centrales.
2. L?importance de la dette publique. Elle a doublé en 4 ans dans la plupart des pays.
3. La surchauffe économique des pays émergeants qui pourrait entrainer le reste du monde dans une deuxième crise.

Si l?on considère que ces risques sont identifiés, il faut maintenant savoir s?ils sont sous contrôle.

S?agissant du premier danger, les banques centrales connaissent comme tout le monde l?histoire de la crise de 29 dans laquelle les taux ont remonté trop tôt (dès 1933) et trop fort, replongeant l?économie mondiale dans une profonde dépression. Aujourd?hui, le discours des banques centrales (FED comme BCE) consiste à affirmer que la politique monétaire accommodante sera maintenue durablement (le temps qu?il faudra).

Au sujet de l?importance de la dette publique, il convient de rappeler que l?action des politiques, durant la crise, a principalement consisté à transférer la « dette privée boursouflée » sur la dette publique. L?objectif premier étant d?éviter l?effet domino des faillites (comme en 1929), en partant du principe que l?on peut plus facilement manager la dette publique et ainsi gagner du temps. C?est typiquement ce que font les Etats. Par exemple, la France émet actuellement un emprunt sur 50 ans. Par ce geste, on accepte l?idée que la dette puisse se payer sur plusieurs générations. Quant au risque de défaillance des pays, il ne peut bien entendu pas être totalement écarté, mais il est peu probable. Tout récemment, la Grèce a fait renaitre cette crainte. Aujourd?hui, les marchés se sont rassurés sur ce thème, estimant que le plan de redressement grecque est bon et que, s?il le fallait, les autres pays européens feraient montre d?une certaine solidarité.

Sur le troisième risque, celui d?une surchauffe de l?économie des pays émergents, c?est clairement la Chine qui est visée ici. Voilà maintenant plus de 10 ans que les autorités chinoises managent avec beaucoup d?adresse leur croissance, parfois à deux chiffres. Ils sont parfaitement conscients de la situation et déclarent être prêts, comme dans le passé, à agir sur leur politique monétaire et sur leur taux.

En somme, tous les acteurs ont l?air conscient des risques, de leurs responsabilités. De plus, personne n?a intérêt à voir les taux monter trop tôt, à laisser filler la défaillance d?un pays, ni à vivre un retournement de croissance des pays émergents.
C?est pourquoi, certains défendent l?idée qu?aujourd?hui, les doutes marqués des marchés financiers traduisent probablement un état d?angoisse résultant du traumatisme de la crise de 2008.

En fait, si l?on considère que les êtres humains, lorsqu?ils sont conscients, font ce qu?il faut pour échapper au pire, on peut raisonnablement envisager une sortie de crise en V, c?est-à dire sans rechute.

Concrètement, considérant que le scénario du pire est peu probable mais évidement pas impossible, il semble raisonnable de conseiller aux investisseurs de rester investis, en privilégiant alors un mode de gestion réactif et qui n?hésite pas à se protéger grâce aux marchés de couvertures.

Jean-Yves Lefèvre
Chargé de cours à Dauphine,
Directeur du Master en ingénierie et gestion de patrimoine à l?Inseec
Dirigeant du Cabinet Lefèvre & associés

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