DOSSIER Comment jouer les devises sans prendre (trop) de risques

Si les plates-formes de transaction sur les devises attirent les épargnants avec des promesses de gains rapides, il existe d'autres méthodes moins risquées pour s'exposer à ce thème.
Infographie La Tribune/BHEDOUIN

Si les débats autour de la guerre des devises, évoqués un temps, ont commencé à se tarir, il n'en demeure pas moins que l'évolution des grandes monnaies, mais aussi des devises périphériques, est particulièrement volatile ces derniers mois (voir entretien page suivante). Cette volatilité est porteuse de risques, mais génère également de nombreuses opportunités. Des opportunités que certains mettent à présent à la disposition du grand public.

Jusqu'à récemment, il s'agissait d'un marché plutôt réservé aux professionnels de la finance. De nouveaux acteurs, comme les plates-formes de transaction par Internet sur le Forex (marché des changes) fleurissent en effet depuis quelques années avec l'entrée en vigueur de la directive MIF (Marchés d'instruments financiers) et la possibilité, pour les sociétés spécialisées dans le trading sur les changes, d'obtenir un passeport.

Le public visé par ces plates-formes est celui des particuliers, à grand renfort de slogans publicitaires flatteurs, promettant d'obtenir des gains rapides et conséquents. Attention : toutes les plates-formes qui proposent leurs services aux épargnants français n'ont pas obtenu un agrément des autorités nationales. Certaines opèrent depuis Chypre ou Malte et démarchent la clientèle française en toute illégalité !

Néophytes s'abstenir

Mais, au-delà des difficultés inhérentes au recours à un opérateur non agréé, notamment en cas de litige, et contrairement aux slogans mis en avant, le marché des changes est un marché plutôt difficile à aborder pour un néophyte. « Les marchés des changes nécessitent une lecture à la fois macro-économique et géopolitique. Ils supposent également une forte culture financière. Il est donc beaucoup plus hermétique que les actions pour un particulier », juge Olivier Gentier, responsable produits de Bourse à la Société Générale.

Ainsi, en fin de compte, rares sont les épargnants qui arrivent à engranger régulièrement des gains sur ces plates-formes. Et ce, malgré les efforts de pédagogie déployés par les opérateurs les plus sérieux. Ils proposent en effet de se familiariser avec ce marché au moyen de formations et d'outils comme l'analyse technique. « Les outils mis à la disposition des particuliers sont souvent identiques à ceux des professionnels, précise Olivier Dyer, associé consultant chez 99 Partners. Il faut donc savoir comment s'y prendre et avoir des convictions fortes sur l'évolution des devises. » Par conséquent, plusieurs heures par jour sont nécessaires pour vraiment tirer profit de ce marché.

Pour les épargnants qui n'ont ni le temps ni les compétences pour aborder ce marché, mais sont convaincus par ce thème d'investissement, il existe heureusement d'autres instruments pour miser sur les devises. Ils vont des plus risqués (comme les warrants ou les turbos qui utilisent des effets de levier importants) aux plus classiques (comme les fonds flexibles qui investissent une partie de leur actif sur les devises).

4 façons d'investir sur les devises

1 - Les fonds actions non couverts contre le risque de change

Le plus simple pour un épargnant souhaitant jouer sur les devises est d'acheter des fonds actions ou des trackers actions investis sur des marchés étrangers, et qui ne sont pas couverts contre le risque de change. Beaucoup de fonds sur des actions américaines accessibles en France sont libellés en dollars ou, plus rarement, en yens, voire en livres sterling.
Mais, dans ce cas, outre le pari sur l'évolution des changes, le souscripteur doit également avoir conscience qu'il fait aussi un pari sur l'évolution du sous-jacent, à savoir celui d'un marché actions. Il faut donc que les deux actifs évoluent dans le même sens, ce qui n'est pas toujours évident. Dans le cas du marché américain par exemple, si l'on considère les évolutions récentes, les marchés sont plutôt orientés à la hausse, tandis que le dollar est baissier vis-à-vis de l'euro. Par conséquent, avoir acheté, pour un épargnant européen, des parts de fonds ou de trackers libellés en dollars conduit à s'exposer à une perte en capital, et cela, malgré la bonne tendance du marché.
A contrario, l'an dernier, l'appréciation de nombreuses devises émergentes s'est faite dans un contexte de marchés actions haussiers. Le marché brésilien, par exemple, a enregistré en 2010 une forte hausse, sa devise ayant tendance à s'apprécier à tel point que cela a fini par inquiéter les autorités brésiliennes soucieuses de leur compétitivité.
Investir dans de tels fonds permet donc de jouer l'effet devises, mais pas seulement.

2 - Les fonds spécialisés sur les devises ou certains fonds flexibles

Pour jouer plus spécifiquement le thème des devises, il est également possible d'utiliser des fonds spécialisés sur cette classe d'actifs. L'avantage de ces fonds est qu'ils permettent de tirer parti des opportunités sur le marché des devises sans être un spécialiste de ces marchés. Certains privilégient les grandes devises, d'autres misent plutôt sur les devises émergentes, et d'autres, enfin, jouent les devises représentées dans les matières premières, permettant ainsi d'être exposés à ces marchés.
ING Investment Managers, par exemple, propose un fonds de droit luxembourgeois, baptisé « ING Renta Fund », qui est investi dans des devises émergentes. « Nous assistons à une appréciation des devises émergentes liée à l'amélioration des fondamentaux de ces économies », précise Vincent Juvyns.
D'autres fonds, souvent appelés « flexibles » ne sont pas spécifiquement dédiés aux devises, mais s'autorisent à mettre l'accent sur cette classe d'actifs bien particulière pour peu qu'ils y entrevoient des opportunités.
C'est le cas de BNP Paribas Investment Partners qui fait actuellement des devises l'un des principaux axes stratégiques de son fonds « Parvest Multi-Asset 4 », à en croire Denis Panel, directeur des investissements de Theam, partenaire de BNP Pip.
Un bémol tout de même : il existe très peu de fonds de droit français. La plupart de ceux accessibles en France sont de droit luxembourgeois ou irlandais.

3 - Les turbos et warrants consacrés au marché des changes

Davantage présents dans le domaine des actions, les produits du type turbos et warrants peuvent être utilisés pour jouer le thème des devises. Ils permettent de parier sur la hausse ou la baisse d'une devise par rapport à une autre en utilisant des effets de levier qui conduisent à multiplier la somme investie, l'effet de levier pouvant aller jusqu'à 30 pour des warrants et jusqu'à 40 ou 50 fois pour des turbos.
Malgré tout, ils apparaissent moins risqués que les plates-formes de trading (voir ci-contre) car les pertes maximales ne peuvent dépasser l'investissement initial. Les warrants reposent sur le système classique de l'option : le souscripteur achète ou vend une option sur un contrat à terme sur une paire de devises ; si son scénario se réalise, il empoche un gain et, dans le cas contraire, il perd le montant de l'option.
En ce qui concerne le turbo, « le souscripteur est exposé à la différence entre le niveau du taux de change et le niveau de référence. Choisir un turbo ou un warrant dépend de la familiarité du souscripteur par rapport à ces produits. Il faut également analyser l'adéquation du produit avec la stratégie mise en place et la durée d'exposition », explique Olivier Gentier. Certains produits ont l'avantage d'être cotés, ce qui permet de pouvoir déboucler sa position avant l'échéance si le souscripteur considère qu'il s'est trompé dans son scénario. Il peut malgré tout, en fonction de la liquidité du marché secondaire, subir une perte. R. M.

4 - Les plates-formes Internet pour investir en direct

Depuis un peu plus d'un an et demi, les plates-formes permettant un accès au marché du Forex se multiplient et séduisent les particuliers. Les instruments utilisés sont très spéculatifs et reposent sur des effets de levier pouvant atteindre 200. Avec une mise de 10.000 euros, on peut miser jusqu'à 2 millions d'euros !
« On utilise des CFD, à savoir des instruments qui répliquent le sous-jacent, soit, en l'occurrence, une paire de devises, et qui permettent d'investir en n'avançant qu'une fraction du capital », explique Fabrice Cousté, directeur général de CMC Market.
Attention, tout de même : ces plates-formes sont réservées à ceux qui maîtrisent bien les marchés financiers. « Ceux qui ont une stratégie et sont expérimentés gagnent de l'argent, mais il y en a peu. Pour éviter les déboires, nous proposons des formations, mais aussi de positionner des stops afin de limiter les pertes », poursuit Fabrice Cousté. Par ailleurs, toutes ne disposent pas d'un agrément des autorités françaises. Quatre seulement ont été agréées par l'ACP (l'Autorité de contrôle prudentiel) : IG Market, CMC Market, Saxo Banque et FXCM... alors que certains exercent depuis Chypre ou Malte sans aucun contrôle.
À ce titre, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié début décembre un avertissement pour mettre en garde le grand public contre les agissements de ces acteurs. Car, même pour ceux qui sont réglementés, les instruments utilisés restent très spéculatifs et il faut bien avoir conscience des risques encourus.

Interview de Thaddée Tyl, président de Rivoli Fund Management

Malgré le récent inversement de tendance, la baisse du dollar contre l'euro est?elle une tendance de long terme ?

Si l'on regarde sur une longue période, c'est le cas depuis le début des années 1970 lorsque le dollar est devenu flottant. Avant ce retournement des derniers jours, la tendance à l'appréciation de l'euro s'expliquait principalement par la différence de politique monétaire entre la BCE et la Fed. La BCE vient d'augmenter ses taux d'intérêt. A contrario, la Fed souhaite maintenir sa stratégie de taux très bas. Le véritable signal d'inversion se fera lorsque la Fed changera d'attitude. Reste que, chaque fois que les marchés ont des doutes sur le financement de la dette souveraine en zone euro, le dollar remonte. C'est ce qu'il vient de se passer avec les craintes sur la Grèce et avec l'éloignement de la perspective d'une nouvelle hausse de la BCE. Ces corrections sont cependant très ponctuelles et devraient alimenter régulièrement la volatilité sur la paire euro-dollar.

La tendance est-elle aussi claire en ce qui concerne le yen ?

Non, l'évolution du yen est difficile à appréhender à partir des fondamentaux. Les taux d'intérêt sont depuis longtemps proches de zéro et devraient le rester. Le Japon possède structurellement une balance commerciale excédentaire. Le yen a tendance à s'inscrire plutôt à la hausse par rapport au dollar. En revanche, la remontée des taux d'intérêt en Europe pourrait conduire à une reprise des opérations de « carry trade ».

Y a t-il des paris à faire pour les particuliers en dehors des grandes devises ?

Le franc suisse devrait continuer à s'apprécier car il sert de valeur refuge. Les devises liées aux matières premières devraient, quant à elles, poursuivre leur ascension en raison d'une politique de taux d'intérêt plus élevés. Concernant les devises émergentes, les paris s'avèrent plus risqués pour les particuliers car elles sont moins liquides.

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Commentaire 1
à écrit le 16/05/2011 à 13:42
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Chère Rachel Montero, J?ai été interloqué à la lecture de votre article du 13 mai 2011 et particulièrement par votre affirmation que "Quatre seulement ont été agréées par l'ACP (l'Autorité de contrôle prudentiel) : IG Market, CMC Market, Saxo Banque...

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