Nouvelle donne pour les donations

Par Dossier réalisé par Bernard le Court  |   |  2020  mots
La Tribune Infographie/BHEDOUIN
Dès juillet, les successions et donations devraient être plus taxées qu'auparavant. Cette réforme remet en cause certains des avantages acquis au cours des dernières années.

Tel que présenté avant les amendements, le projet de loi se montre sévère avec les transmissions à titre gratuit. Les donations et successions, qui bénéficiaient depuis quelques années, d'un certain libéralisme - la loi de finances pour 2006 avait réduit de dix à six ans le délai de rappel fiscal des donations antérieures et la loi Tepa du 21 août 2007 avait majoré fortement les abattements en faveur des donations et successions -, seront désormais taxées plus lourdement et plus souvent.

Si le projet de loi est adopté en l'état, la possibilité de transmettre à ses proches par donation (de son vivant) ou par succession (à son décès) en bénéficiant d'un abattement serait à nouveau limitée à une fois tous les dix ans, contre une fois tous les six ans actuellement. La différence sera importante : aujourd'hui, chaque parent a la possibilité de transmettre à chacun de ses enfants 477.975 euros en l'espace de dix-huit ans. Demain, ce parent pourra transmettre 318.650 euros en vingt ans. Soit un tiers de moins et deux ans de plus.

Second aspect du projet de réforme, les deux tranches les plus élevées du barème de droits de successions et de donations seraient relevées de 5 points d'imposition. Ces tranches passeraient à 40 et 45% contre 35 et 40% aujourd'hui. En ligne directe (entre parents et enfants), ces tranches concernent les successions et donations d'un montant compris entre 902.838 et 1.805.677 euros (tranche actuelle de 35%) et un montant de plus de 1.805.677 euros (tranche de 40%), cela après l'abattement à la base.

Enfin, la suppression de la réduction de droits augmenterait la pression fiscale. Aujourd'hui, les donations bénéficient d'une réduction (voir illustration) des droits à payer selon que le donateur (celui qui donne) a moins de 70 ans ou moins de 80 ans.

Prenons l'exemple d'un père âgé de 69 ans qui donne à son fils la nue-propriété d'un bien évalué à 3 millions d'euros, soit une donation de 1,8 million d'euros, la nue-propriété donnée valant 60% de la somme totale (voir illustration). La situation actuelle est la suivante : après l'abattement de 159.325 euros, l'assiette d'imposition s'élève à 1.640.675 euros. Compte tenu de l'âge du donateur (moins de 70 ans) et d'une donation en nue-propriété, la réduction de droits est de 35%, les droits dus s'élèvent à 306.835 euros.

Après la réforme, les droits dus passeraient à 508.946 euros (réduction des droits selon l'âge et hausse du barème). Résultat : la réforme entraînerait dans ce cas particulier une taxation supplémentaire de 202.111 euros. La pression fiscale serait alors accrue de plus de 65%.

Autant dire qu'on a tout intérêt ? pour ceux qui le peuvent ? à effectuer des donations en profitant des abattements ou des réductions des droits avant la parution de la nouvelle loi, prévue pour la mi-juillet. Quant aux dons d'argent (31.865 euros maximum), ils ne devraient pas être remis en question. Il sera donc toujours temps de profiter de cette possibilité plus tard.

Mais on peut aussi avoir de bonnes surprises : un amendement vient par exemple d'être adopté (même si ce n'est pas définitif). Il propose une transition plus douce entre six et dix ans, en accordant un abattement allant de 20 à 80% sur la valeur des biens selon que l'on est entre la sixième et la dixième année.

Quatre pistes pour réussir ses donations

1 - Transmettre des biens qui bénéficient d'une exonération

Rappelons d'abord que certaines donations ne sont pas imposées pour la totalité de leur valeur. C'est le cas des transmissions de parts ou actions d'entreprises ayant fait l'objet d'un engagement collectif de conservation, dit pacte Dutreil : elles sont exonérées à hauteur de 75% de leur valeur, sans plafond. Les bois et les forêts - ou les parts de groupements forestiers - sont également épargnées, à hauteur de 75% de leur valeur si les bénéficiaires s'engagent à une gestion durable.

Dans le même ordre d'idée, les biens ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible et parts de groupements fonciers agricoles sont exonérés à condition que le bénéficiaire conserve les parts pendant au moins cinq ans. L'exonération est de 75% si leur valeur n'excède pas 101.897 euros, et de 50% au-delà.

Ce n'est pas tout. Certains bien immobiliers bénéficient également d'une fiscalité privilégiée. Comme ceux affectés à l'habitation principale et achetés neufs entre le 1er juin 1993 et le 31 décembre 1994 (ou entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1995). L'exonération maximale atteint 46 000 euros par part.

Les investissements locatifs acquis entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1996 sont aussi exonérés à hauteur de 75% de leur valeur, dans une limite de 46.000 euros par part. Enfin, les monuments historiques (et les meubles qui en font partie) sont épargnés.

Pour finir, les dons de sommes d'argent (en plus des abattements classiques) bénéficient d'une exonération, dans la limite de 31.865 euros.

2 - Purger ses plus-values boursières ou immobilières

Dans l'hypothèse où la cession envisagée encourt une taxation des plus-values, la donation peut être un formidable outil d'optimisation patrimoniale et fiscale. Elle efface en effet la plus-value latente quel que soit l'objet de la transmission (bien immobilier ou titres sociaux). Elle peut être réalisée en pleine propriété ou en nue-propriété si le donateur souhaite se réserver les revenus du bien (loyers, dividendes d'actions, etc.).

Aussi alléchantes soient-elles, les opérations de donation avant cession doivent être mises en place avec précaution. Car elles sont dans le collimateur de l'administration fiscale, qui peut y rechercher un abus de droit. Pour l'éviter, ces opérations doivent être réalisées dans l'intérêt de la famille mais aussi l'intention doit être "libérale". C'est-à-dire qu'elle a été faite dans une véritable intention de donner et non afin d'obtenir un avantage fiscal. L'ordre des opérations est essentiel.

Si la donation est réalisée après la cession, elle portera sur le prix de vente diminué de l'impôt sur la plus-value. Certes, cette donation a le mérite de présenter un véritable intérêt économique par rapport à une succession non préparée. Si la donation précède la cession, au contraire, les plus-values latentes sont alors purgées. Les donataires reçoivent donc un actif non imputé de l'impôt sur la plus-value.

Par conséquence, la donation avant cession permet de réaliser des économies substantielles au titre de l'impôt sur les plus-values. Un outil à manier avec précaution.

3 - Étaler une donation sur deux générations de bénéficiaires

La donation dite "graduelle" permet de transmettre un bien à un premier donataire qui devra le conserver afin de le transmettre à son décès à un second bénéficiaire. Comme, par exemple, des grands-parents souhaitant transmettre une maison à leurs petits-enfants. Ils font une première donation à leurs enfants, à charge pour eux de la transmettre à leurs propres enfants.

Autre exemple fréquent : un chef d'entreprise a des enfants qui ont un grand écart d'âge. Entre le cadet et l'aîné, il y a 22 ans de différence. Ce dirigeant souhaite d'abord confier la direction de l'entreprise à son fils aîné, puis à son fils cadet qui sera formé par son aîné et prendra ainsi la responsabilité de l'entreprise au départ en retraite de son frère.

Un autre type de donation, dite "résiduelle" permet de donner un bien à un premier bénéficiaire qui transmettra à son décès ce qu'il en restera à un autre bénéficiaire préalablement désigné. C'est le cas de parents ayant plusieurs enfants dont un dans le besoin. Ils peuvent prévoir que la part non utilisée par ce dernier reviendra à son décès à ses frères et soeurs.

Le régime fiscal de ces deux types de donation est avantageux. Le premier donataire paie les droits de donation dans les conditions de droit commun. Mais le second bénéficiaire est réputé tenir le bien directement du premier donataire. Ce second donataire paie les droits de donation d'après son degré de parenté avec le donateur. Les droits payés lors de la première donation sont déduits du montant payé lors de la seconde transmission.

4 - Favoriser ses proches ou ses amis grâce à une assurance-vie

Avec l'assurance-vie, la transmission n'a lieu qu'au décès de l'assuré, mais le bénéficiaire jouit d'une sorte de « donation différée ». Ce placement permet, en outre, de donner à une personne étrangère à la famille ou à un parent éloigné, pour lequel l'abattement est très faible. Ainsi, en dehors du don d'argent, les dons aux neveux ou nièces ne bénéficient que d'un abattement de 7.967 euros au-delà duquel les droits à payer sont de 55%.

Lorsque le contrat est souscrit par un assuré de moins de 70 ans, l'exonération est de 152.500 euros par bénéficiaire. Dans le cas contraire, l'exonération de la prime est limitée à 30.500 euros, mais chaque bénéficiaire peut engranger les gains et intérêts sans limitation.

Mais, c'est bien connu, l'assurance-vie est également un outil idéal pour faire fructifier des fonds. Asac Fapès, par exemple, a ainsi conçu une offre dédiée aux donations, baptisée "Pack spécial don manuel". "Comme son nom l'indique, elle conjugue les avantages du don manuel et de l'assurance-vie", résume Didier Brochard, directeur général de Fapès Diffusion. Le principe est simple : prenons des parents ou grands-parents qui réalisent un don classique (appelé manuel) à leur enfant ou petit-enfant. Les sommes données sont alors immédiatement reversées dans un contrat d'assurance-vie. Dans le cadre de cette offre, l'Asac Fapès supprime cette année les frais sur versement sur ses contrats d'assurance-vie, lorsque les sommes sont issues de donations.

"Avec la prochaine réforme fiscale, il faut réfléchir au plus vite pour effectuer une transmission"

Philippe Rebattet Ingénieur patrimonial chez Groupe Althémis

En réformant la fiscalité des successions et des donations, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 inquiète les Français. La future réforme de la fiscalité réduit-elle l'intérêt de la donation ?

Elle ne remet pas en cause les grands équilibres de la fiscalité des donations. Les principales mesures de faveur demeurent. L'abattement de 159.325 euros est maintenu. Il sera toujours possible de réduire la base imposable en réservant l'usufruit. En outre, le non-rappel fiscal des donations s'effectuera désormais tous les dix ans au lieu de six. Moins avantageux qu'aujourd'hui, mais peut-être moins désavantageux que demain. On pourra donc bénéficier des premières tranches du barème tous les dix ans. La donation reste un outil formidable pour effacer les plus-values latentes, en particulier avant une cession. Enfin, les avantages civils de la donation et notamment de la donation-partage, garante de la paix des familles, peuvent justifier à eux seuls la donation. Il n'y a pas que la fiscalité dans la vie !

Pensez-vous qu'il est encore temps d'effectuer certaines démarches ?

La réforme de la fiscalité des donations et des successions justifie l'accélération de la réflexion d'effectuer une transmission rapidement. Il en va particulièrement ainsi lorsque la précédente donation est intervenue il y a un peu plus de six ans ou lorsque le montant de cette transmission excède les abattements et que la réduction de droits actuelle permet une diminution du coût de la donation.

Faut-il envisager d'autres stratégies ?

Une chose est certaine, la fiscalité du patrimoine ne va pas aller en s'améliorant. La donation restera, malgré cette réforme, un outil essentiel d'optimisation patrimoniale. Elle doit être utilisée au même titre que les contrats d'assurance-vie, contrats de capitalisation, sociétés civiles immobilières ou de portefeuille dans une architecture appropriée aux besoins du couple et de la famille.