La Suisse sous la menace d'une bulle immobilière

Les taux de crédits immobiliers historiquement bas et l'immigration massive et continue font craindre le pire aux autorités suisses qui tentent tant bien que mal de contrôler les prix du logement.
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Lentement mais surement, une bulle immobilière se forme en Suisse. En effet chaque mois, l'indice de bulle immobilière du géant bancaire local UBS s'enfonce dans une zone à risque. Au quatrième trimestre 2012, il a marqué un nouvel accroissement des déséquilibres sur le marché immobilier helvète. A ce rythme de dégradation, l'état de bulle pourrait être décrété pour la fin 2014. Les autorités suisses sont du coup très préoccupées par le sujet.
Dans son rapport financier 2012, la Banque Nationale Suisse (BNS) constate ainsi que depuis plusieurs mois, "la croissance des prix des appartements et des maisons familiales a été constamment supérieure à ce qui peut être expliqué par des facteurs fondamentaux tels que la croissance économique ou la croissance démographique, d'où une accentuation des déséquilibres dans le segment des appartements". Dans son scénario le plus probable, la BNS estime qu'à moyen terme, "l'accroissement continu des prix immobiliers en Suisse entraînera une surévaluation générale de l'immobilier résidentiel dans tous les segments (...) En conséquence, le risque d'importantes corrections des prix augmente, notamment si le niveau des taux d'intérêt doit se normaliser".

Des taux de crédits hypothécaires historiquement bas

Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce constat. D'abord le niveau des taux de crédits hypothécaires est historiquement bas, entre 1,5% et 3% sur des durées allant jusqu'à 10 ans, et devrait peu évoluer. Ce, au regard de la politique monétaire accommodante menée par la BNS, avec un taux du libor sur 3 mois -qui fait office de taux directeur- récemment reconduit dans la fourchette 0%-0,25%. La vive concurrence qui règne dans le secteur bancaire ne se prête en outre pas non plus à une remontée des taux immédiate.
La bonne santé de l'économie suisse devrait en parallèle soutenir la demande. La richesse nette suisse est en effet "très significative, de 2600 milliards de francs suisses", selon l'assureur-crédit Coface, "soit plus de 440% du PIB". Et son taux de chômage de seulement 2,9%. Les liquidités sont donc abondantes et devraient être redirigées massivement vers l'immobilier en tant qu'objets d'investissement à court terme tant les rendements des produits d'épargne sont faibles.

Disparités entre les régions

Les tensions restent cependant plus vivaces dans certaines régions suisses; là où le tourisme bat son plein et où il fait bon posséder une résidence secondaire. Mais également dans les bassins d'emplois. Les centres économiques que sont Zurich, Genève demeurent ainsi les régions les plus risquées de Suisse, avec la zone touristique d'Oberengadin et les alentours de Davos, selon l'indice d'UBS. «Dans certaines régions comme l'arc lémanique, le lac de Zurich, le lac de Zoug et certains lieux touristiques, des signes de surévaluation des biens résidentiels se sont précisés dans tous les segments», constate pour sa part la BNS.

Une forte immigration

L'immigration toujours plus soutenue est également un facteur important de la hausse des prix du logement. Les étrangers résidents en Suisse (1,85 million) représentent près d'un quart de la population et près d'un tiers dans la zone très tendue du lac Léman. Cette immigration est pour plus d'1,2 million de personnes constituée de "ressortissants qui viennent travailler en Suisse et cherchent un appartement ou une maison pour se loger", indique Roman Busch, chargé des affaires économiques à l'ambassade de Suisse en France. Par ailleurs, le forfait fiscal suisse attire plusieurs européens souhaitant réduire leurs impôts. Il devient intéressant au-dessus de 100.000 euros de revenus annuels, sous conditions d'avoir un passeport d'un pays de l'Union européenne, de ne pas travailler en Suisse et d'y habiter au moins 180 jours par an.

S&P craint pour les banques cantonales

Tous ces phénomènes augmentent le risque d'une importante correction des prix sur le marché suisse. Un retournement de celui-ci impacterait en premier lieu les banques surexposées aux prêts hypothécaires. La croissance de ces derniers est depuis plusieurs années très nettement supérieure à celle du PIB suisse: l'encours des prêts hypothécaires représente désormais 140% du PIB suisse et a crû de 15% en 4 ans, selon les données publiées par Coface en décembre 2012. "Le marché hypothécaire comporte une importante concentration de risques pour les banques suisses axées sur le marché intérieur", alerte ainsi la BNS. A titre de comparaison, l'encours total de prêts immobiliers en France ne représente qu'un peu plus de la moitié du PIB français.
L'agence de notation Standard & Poor's avait d'ailleurs averti en juillet 2012: "La croissance du prix de l'immobilier résidentiel observée en Suisse au cours des trois dernières années représente un risque pour les banques suisses qui ont des activités essentiellement domestiques". L'agence de notation faisait notamment référence à 8 banques cantonales et à une banque coopérative, très dépendantes des crédits hypothécaires. Ils représentent en effet 90% des prêts qu'elles délivrent. Le volume de ces crédits pèse même pour 70% de leur bilan.

Les autorités suisses tentent de limiter les risques

En réaction, les autorités suisses ont déjà commencé à agir pour limiter les risques en cas de retournement du marché hypothécaire. Dans une circulaire appliquée en juillet 2012, l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la Finma, a reconnu des standards minimaux pour l'accord de financements hypothécaires. Pour limiter les impacts négatifs, elle demande notamment plus de fonds propres aux banques qui accordent des prêts hypothécaires et limite l'utilisation de l'épargne provenant de la prévoyance comme garantie collatérale pour les emprunteurs.
Des mesures commerciales restrictives ont également été prises en 2012 par les Suisses. Pour limiter les achats de maisons par des touristes dans les petits villages et diminuer ce que les Suisses appellent les "lits froids", le nombre de résidences secondaires a été plafonné à 20% par village. Cette mesure permet aussi de limiter la spéculation immobilière dans les zones touristiques. 

Ne pas revivre la bulle des années 1990

In fine, le leitmotiv des Suisses est de ne pas revivre la situation du début des années 1990 où comme l'indique Roman Busch, "la bulle avait coûté cher à l'économie suisse, puisque le rattrapage des prix avait entrainé des pertes de 50 milliards de francs suisses à l'économie nationale, soit environ 10% de PIB". Pays de locataires à quasi 60% comme l'Allemagne, la Suisse a, au même titre que son voisin, du pain sur la planche pour maîtriser la hausse potentielle des prix de l'immobilier.

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Commentaires 20
à écrit le 08/02/2013 à 12:19
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Ils sont bien gentils ces suisses. il serait temps qu'ils se révoltent. Ce n'est jamais profitable sur le long terme à la population locale de la classe moyenne et cadre sup de servir de terre d?exilés fiscaux. Cela ne profite qu'à une faible proport...

à écrit le 08/02/2013 à 6:00
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De ce que j'ai compris , il y a un début de populisme anti-immigrés riches en Suisse dans certaines communes, où les locaux ne peuvent plus se loger, les enfants sont obligés d'émigrer pour trouver un logement à prix abordable, cela crée ce qui final...

à écrit le 07/02/2013 à 15:05
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Rien que mon chauffage, il m'a coûtée plus 70'000 euros, région Zürich..

le 09/02/2013 à 12:13
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n'importe-quoi!!

à écrit le 07/02/2013 à 14:44
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La suisse va couler, je pense qu'on doit accueillir plein des réfugiés suisses, hihiiiii

à écrit le 07/02/2013 à 14:14
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Rien d'étonnant que beaucoup de Suisses viennent s'installer en France. L'immobilier y est moins cher qu'en Suisse. Mais du coup, cela fait flamber les prix à la frontière suisse côté français. Plus de 250 000 Français (dont plus de la moitié de bina...

à écrit le 07/02/2013 à 13:41
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Par curiosité, amusez vous à reprendre les métriques de "bulle" utilisées par UBS pour le marché de l'ile de France....

à écrit le 07/02/2013 à 13:36
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Si on réfléchit de façon plus globale, la spéculation immobilière a toujours des conséquences économiques graves. Alors pourquoi laisser faire (subprime aux US, surévaluation en France et en Suisse, explosion de la bulle immo en Irlande et en Espagne...

à écrit le 07/02/2013 à 13:25
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On a exactement le même problème au Luxembourg, le jour où la bulle éclatera où le secret bancaire disparaitra, ce qui je pense ne sera quand même pas pour demain mais peut-être après demain , il y en aura qui s'en mordront les doigts surtout pour ce...

à écrit le 07/02/2013 à 12:45
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Situation qui tire également vers le haut les prix de l'immobilier dans les départements français voisins, le 74 (Chablais et bassin genevois) et une partie du 01 (pays de Gex)...

le 07/02/2013 à 15:19
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eh oui, le probleme suisse n'en est pas vraiment un pour qui raisonne en France.la loi française permet aux suisses d'acheter des biens immobiliers en france => hausse des prix sur les zones frontalières.Mais la réciprocité n'est pas vrai.Essayez d'a...

le 08/02/2013 à 7:17
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Ah la France n'a de frontière avec la Suisse que pour le 74 et le 01.

le 13/02/2013 à 16:27
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Paris75: As-tu déjà essayé d'acheter un bien en Suisse?? Parce que le problème ce n'est pas d'être français mais simplement d'avoir les moyens (Pour ce qui concerne les zones comme Genève, Zürich etc..). Bref on permet à des dizaines de milliers de F...

à écrit le 07/02/2013 à 12:36
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Magnifique solidarité. ;-)

à écrit le 07/02/2013 à 12:20
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Souhaitons à nos amis suisses de démontrer que la spéculation immobilière n'est pas une fatalité. Au moins, ils affrontent le problème contrairement à nos dirigeants.

le 07/02/2013 à 15:39
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Allons, vous savez bien que la bulle immobilière, ça n'existe pas. Ou du moins, que chez les autres (ironie inside).

à écrit le 07/02/2013 à 12:11
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Si la Suisse est un pays de locataires, un prochain article devrait décrire qui sont les propriétaires et à quel prix au m² ils louent, car en France, ce qui manque, ce sont des biens à louer de qualité raisonnable.

le 07/02/2013 à 13:50
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En Suisse les propriétaires des logements sont principalement des banques, des fonds quelconques. Il y a très peu de propriétaires individuels comme en France dans les grandes villes. Les Suisses propriétaires le sont par héritage de maisons et de te...

le 08/02/2013 à 7:20
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A noté que le propriétaire de son logement ne l'est jamais à 100%. En effet, il est fiscalement plus important d'avoir une hypothèque (réduction d'impôt du aux intérêts) que de payer 100% de son logement. En effet, le propriétaire d'un logement doit ...

à écrit le 07/02/2013 à 11:43
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un pays ou on doit pfs acheter un bien sur plusieurs generations est en effet ' en bulle'

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