Les parlementaires se renvoient la balle sur le transfert des compétences d'urbanisme

L'Assemblée nationale vient de restreindre la minorité de blocage accordée par le Sénat aux maires sur le transfert des compétences d’urbanisme. Ce, dans le cadre des discussions du projet de loi Alur porté par Cécile Duflot.
Mathias Thépot
Pour mieux harmoniser bassins d'emplois, habitations et mixité sociale, il est nécessaire d'élaborer la politique d'urbanisme au niveau de l'agglomération.

C'est une véritable partie de ping-pong parlementaire qui s'est engagée sur le transfert des compétences en matière d'urbanisme. Les députés viennent ainsi de reprendre la main sur les sénateurs concernant l'article 63 du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), dont le but initial est de transférer l'élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) au niveau intercommunal, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens, et non plus au niveau communal.

La minorité de blocage des maires quasiment supprimée

Alors que les sénateurs avaient introduit une minorité de blocage en faveur des maires en première lecture du projet de loi, -le transfert à l'intercommunalité ne pouvant pas intervenir si un quart des communes représentant 10% de la population s'y opposait- la commission des affaires économique de l'Assemblée a adopté récemment un amendement relevant ce seuil à "deux tiers des communes représentant au moins 50% de la population ou 50% des communes représentant au moins les deux tiers" de la population. Ce, contre l'avis du gouvernement.

Les maires des communes rurales y voient une marque de mépris

L'adoption de cet amendement porté par la rapporteur (PS) Audrey Linkenheld n'a pas manqué de faire réagir vigoureusement l'Association des maires ruraux de France. Celle-ci estime que le nouveau mécanisme de transfert aux intercommunalités est "une marque de mépris à l'égard des maires" ; et qu'il revient à "dessaisir la commune de la compétence" d'urbanisme.

Les sénateurs dépendent à 95% des conseillers municipaux pour se faire élire

L'hémicycle étudiera le texte ainsi remanié en deuxième lecture à partir du 14 janvier. Mais une fois adopté en seconde lecture par l'Assemblée, il est à prévoir qu'il sera à nouveau modifié lors de son passage au Sénat. Car les sénateurs, qui sont élus pour 6 ans par 150.000 grands électeurs, parmi lesquels 142.000 délégués des conseils municipaux, sont de fait davantage à l'écoute de la fronde des maires.
Ce blocage prévisible à la chambre haute pose problème, car la portée du transfert des compétences d'urbanisme est décisive. Une telle mesure pourrait en effet permettre de fluidifier le marché de la construction, qui a besoin de politiques d'urbanisme plus efficaces.

Les maires n'ont pas toujours intérêt à construire des logements

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire qu'il faut construire des logements là où les besoins se font le plus sentir, comme en Ile-de-France.
Or, les maires n'ont parfois pas intérêt à engager de telles opérations. Ce malthusianisme foncier est particulièrement prégnant dans les communes périurbaines (en Ile-de-France notamment), où les ménages qui y emménagent le font pour le confort de vie et pour fuir les tumultes des centre-villes. Ils ne voient pas d'un bon œil les opérations de densification, encore plus lorsqu'il s'agit de créations de logements sociaux.
Au final, les maires craignent que cette peur de l'arrivée de l'autre ne pèse sur leur réélection. Et ils n'ont pas forcément tort… "Un maire bâtisseur battu est une réalité de terrain très substantielle" dans ces communes, reconnaît l'économiste Vincent Renard, spécialiste des questions de foncier.

Lier au mieux bassins d'emplois et habitations

Même économiquement, les municipalités -qui sont toutes tenues de présenter des comptes annuels à l'équilibre- ont davantage intérêt à favoriser l'implantation d'entreprises sur leurs sols. Ce, au détriment des logements, car elles génèrent davantage de rentrées fiscales et moins de dépenses publiques d'équipements (écoles, bibliothèques, aires de jeux, ect…).

Reste que hisser le plan local d'urbanisme au niveau intercommunal serait un signal fort  dans l'optique d'accroître substantiellement l'offre de logements comme promis par François Hollande pendant sa campagne. Il en va également de l'optimisation des liens entre bassins d'emplois, habitations et mixité sociale.

 

Mathias Thépot

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Commentaires 5
à écrit le 06/01/2014 à 11:33
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Nous venons de vivre l’approbation d’un PLU dont l’étude à durer années. C’est moins le PLU du Maire, que celui décidé par les services de la préfecture, Celui-ci n’ayant pas l’approbation de la population. Aux question posées, le maire réponds ...

à écrit le 06/01/2014 à 11:13
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Un Maire pour l’intercommunalité, et des adjoints pour représenter les communes. Ceci comme pour l’investissement du matériel reunir les moyens humains pour être plus efficace. Et donc diminuer le nombre d’élus, comme de fonctionnaires pour augment...

à écrit le 24/12/2013 à 7:23
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Encore un recul de la démocratie... l'intercommunalité est un mammouth administratif, sans AUCUN controle démocratique. Ne pas se meprendre, je suis pour diminuer fortement les strats administratives... et le foncier est la base du clientelisme ...

à écrit le 23/12/2013 à 22:37
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Eh oui, il faut bien forcer la main encore un peu plus à ces maires récalcitrants qui seraient prêts à suivre l'avis de leurs électeurs, c'est dire s'ils sont réacs et nauséabonds. Sinon on risquerait de ne pas pouvoir mettre un petit coup d'accéléra...

à écrit le 23/12/2013 à 22:37
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Eh oui, il faut bien forcer la main encore un peu plus à ces maires récalcitrants qui seraient prêts à suivre l'avis de leurs électeurs, c'est dire s'ils sont réacs et nauséabonds. Sinon on risquerait de ne pas pouvoir mettre un petit coup d'accéléra...

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