Le marché des bureaux bulle-t-il en Île-de-France

Plusieurs facteurs indiquant la formation d'une bulle dans l'immobilier de bureaux en Île-de-France sont réunis. Mais est-on pour autant proche d'une explosion ?
Mathias Thépot

Prix surévalués, rendements à la baisse, fort taux de vacance... beaucoup de caractéristiques sont aujourd'hui réunies pour qu'une bulle immobilière explose dans l'immobilier de bureaux en France, un secteur principalement concentré dans la région capitale. La menace est loin d'être fantaisiste : même le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), sorte d'autorité suprême de régulation en France rattachée à Bercy, s'était alarmé, en avril 2016, du risque d'explosion d'une bulle dans l'immobilier commercial. L'institution craignait « une correction significative » de ce marché qui serait surévalué « dans une fourchette de 15 % à 20 %, avec des chiffres proches de 30 % pour certains segments tels que les bureaux parisiens ». Des propos ayant suscité de vives réactions au sein de la profession immobilière, qui a d'ailleurs apporté des réponses au HCSF... sans que ce dernier ne modifie ses conclusions, après l'été.

Le marché du bureau présente en effet toutes les caractéristiques d'une surchauffe. « Baisse passée des taux aidant, les prix des bureaux ont progressé, créant un risque de survalorisation dans un marché non tendu », explique Denis Ferrand, le directeur général de l'institut d'études économiques Coe-Rexecode. Les prix se maintiennent en effet à un niveau élevé :

après être repartis à la hausse en 2010, ils dépassaient, en 2015, leur niveau d'avant-crise de 2007. Et, conséquence directe de cette hausse des prix, les rendements locatifs se sont dégradés : des cinq grandes économies de la zone euro (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie), le marché immobilier commercial en France était le plus rentable en 2005 pour devenir, en 2014, le moins rentable.

« Une valeur refuge »

En outre - et c'est tout le paradoxe qui fait craindre le pire à Bercy - la demande pour l'immobilier commercial, et notamment les bureaux en Île-de-France, reste soutenue pour plusieurs raisons : d'une part, la baisse des taux d'intérêt plus rapide que la baisse de la rentabilité locative en France a permis d'afficher un écart croissant entre la rentabilité locative commerciale et les taux d'intérêt à 10 ans des souverains « de référence », faisant de l'immobilier commercial français « une valeur refuge », estimait le HCSF. D'autre part, des facteurs psychologiques perdureraient : habitués à considérer l'immobilier commercial français, et notamment francilien, comme un placement rentable, les investisseurs « n'intégreraient qu'imparfaitement la baisse de la rentabilité dans leur stratégie d'investissement », s'inquiétait le HCSF. Il faut enfin souligner certains comportements purement spéculatifs d'investisseurs qui achètent, transforment et revendent de l'immobilier commercial à court terme. Ces stratégies d'investissement maintiennent une forte demande sur ce type d'actifs, et « génèrent des prises de bénéfices déconnectées de l'érosion de la rentabilité locative », notait encore le HCSF.

Bref, la situation est inquiétante, d'autant que les taux de vacance sur le marché francilien restent importants même si, comme l'a précisé le HCSF en septembre dernier, « il convient de distinguer, d'une part, le quartier central des affaires de Paris, où le taux de vacance est faible (entre 4 et 5 %), ce qui modère effectivement les risques liés à la faible rentabilité locative ; et, d'autre part, les autres secteurs où les taux de vacance peuvent être supérieurs à 12 % ». Dans le détail, avec 15,9 % de locaux inoccupés, les communes situées à proximité de la Défense affichent le taux de vacance le plus élevé de la région, suivie par la Boucle Nord, avec 12,7 %. La Défense affiche, quant à elle, un taux de vacance de 9 %, « principalement porté par l'offre de seconde main, alors que les bureaux neufs vides y sont rares », indique la dernière note de conjoncture de BNP Paribas Real Estate.

Si elle s'est réduite ces derniers mois, l'offre immédiate de bureaux se maintient tout de même à 3,5 millions de mètres carrés, soit un taux de vacance d'environ 6,7 %. Mais comme le prévoient les auteurs de la note de BNP Real Estate, « de nombreuses livraisons sont attendues en 2017 et 2018, y compris dans les quartiers d'affaires traditionnels, tels que celui de Paris. Le taux de vacance jusque-là orienté à la baisse (...) pourrait par conséquent se stabiliser, voire progresser dans certains secteurs ».

Le danger latent d'une suroffre

Les menaces ne se sont donc pas toutes dissipées. Pire, au regard du risque d'obsolescence rapide des bureaux face aux modifications profondes des usages, le danger latent du développement d'une suroffre demeure. C'est pourquoi le HCSF jugeait que « si le niveau global actuel du taux de vacance n'est pas nécessairement problématique, les évolutions par secteur géographique sont à surveiller ». Une vigilance renforcée nécessaire « tant les conditions actuelles en matière de demande et d'environnement financier sont favorables à un emballement », ajoutait l'institution en avril dernier.

D'autant qu'une hausse des taux d'intérêt s'est engagée depuis décembre. Ce qui pourrait mécaniquement accentuer les déséquilibres actuels : « C'est parce que la hausse récente des taux n'accompagne pas une franche accélération de croissance mais sanctionne plutôt une montée de la perception du risque, qu'elle pourrait se révéler déstabilisante, la faible croissance étant peu propice à une hausse des loyers de bureaux », craint Denis Ferrand, de Coe-Rexecode. Heureusement, en parallèle, de multiples projets de bureaux devraient voir le jour grâce à l'avènement du Grand Paris : il est prévu près de 30 milliards d'euros d'investissements publics pour les vingt prochaines années afin de construire 68 nouvelles gares de métro en Île-de-France et d'aménager leurs alentours. Reste à savoir si les nouvelles constructions de bureaux, que le Grand Paris générera, viendront assainir le marché francilien. Ou si, à l'inverse, ces nouvelles opérations traduiront un emballement dû à une trop grande ambition, voire à des comportements spéculatifs non maîtrisés par le régulateur.

Mathias Thépot

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Commentaires 3
à écrit le 14/03/2017 à 20:36
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Pourquoi s'installerait-on à Paris alors que le prix moyen du m2 est à 2.500 euros dans le quartier d'affaires à Barcelone, qui est la ville la plus chère d'Espagne ?

à écrit le 13/03/2017 à 18:08
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Les professionnels de l'immobilier ont rassuré le régulateur ? Quels professionnels ? Certainement pas les agents immobiliers qui sont sur le terrain ni les conseillers en gestion de patrimoine indépendants ! En gros ce sont les BNP Paribas Real esta...

à écrit le 13/03/2017 à 15:03
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La finance découvre l'importance de la croissance ben ouais les gars pas de partage pas d'économie.

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