Immobilier : est-ce le bon moment pour acheter ? Les réponses d'un expert

Par latribune.fr  |   |  2289  mots
Roland Tripard, directeur général du groupe Seloger.com, vous a répondu le 13 janvier.

Bonjour et bienvenue sur le "tchat". Aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir Roland Tripard, directeur général du groupe Seloger.com, qui répondra à toutes vos questions.

Bonjour à tous. Prêt pour vos questions.

Sorry : Le marché de l'immobilier est-il soumis à des cycles comme en économie ou est-il décorrélé de ce principe ? Les médias relayent depuis quelques temps le fait que les banques resserrent les conditions d'octroi aux crédits immobilier. Cordialement.

Effectivement, on a coutume de considérer que le marché immobilier suit des cycles, plutôt longs. Le précédent bas de cycle se situe à la fin de l'année 1992. Sur un plan différent, les banques françaises ont, historiquement, toujours été plutôt conservatrices dans l'octroi de crédit immobilier. C'est la fameuse règle des "32% (le montant du remboursement mensuel du prêt ne doit pas excéder 32% du revenu net disponible du ménage)". Cette prudence plus grande que sur beaucoup de marchés étrangers comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l'Espagne a limité la spéculation par rapport à ces marchés. Quand la crise a démarré, le resserrement des conditions d'octroi des crédits immobiliers a, du coup, été plus limité, même si d'octobre 2008 à mars 2009, on a beaucoup reproché aux banques de ne pas prêter assez faclement.

Sandra : Bonjour, en 1998 mon appartement valait 300.000F. Aujourd'hui, il vaut 150.000?. Cela signifie-t-il qu'en 2020 il vaudra 500.000? et si je revends en 2040, je serai millionnaire ?

De 1997 à 2007, les prix ont augmenté en moyenne en France de 150%. Depuis, le début de l'année 2008, ces prix se sont stabilisés puis ont baissé d'environ 15%. Prévoir l'avenir est toujours un exercice difficile surtout dans le contexte économique actuel chahuté. ON peut néanmoins constater que la baisse des prix (en tout cas des prix affichés à la vente) s'est arrêtée depuis l'automne. L'évolution en 2010 dépendra aussi de celle des taux d'intérêt. Ceux-ci ont baissé depuis l'automne 2008 de 140 points de base (sur 15 ans, baisse de 5,15% à 4,75%). Cette baisse a limité celle des prix en redonnant par un autre moyen de la solvabilité aux ménages acheteurs. Si les taux d'intérêt se stabilisent en 2010, le consensus est que les prix resteront également relativement stables. Pour la vision en 2020 et en 2040, il vaut mieux s'adresser à Madame Irma... Mais, l'immobilier sur le très long terme a en général été un bon investissement.

Darkness : Bonjour, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du tunnel de Friggit ?

C'est une analyse très intéressante. Il est certain que la solvabilité des ménages est un critère fondamental pour l'évolution du nombre de transactions chaque année. Vous pouvez vous reporter à la réponse précédente. Mais pour autant, sur un marché aussi complexe que l'immobilier, une seule théorie reste insuffisante pour expliquer tous les mouvements, quelle qu'en soit la qualité.

Gagdio : Bonjour. Que valent les statistiques seloger ? Il s'agit des prix de présentation et non de la réalité du terrain. Vous annoncez des hausses quand les notaires disent que ça baisse. Bref, je n'accorde aucun crédit à vos statistiques, ni à celle de la FNAIM (pour cause d'échantillon ridiculement faible) soit dit en passant. Qu'avez-vous à répondre à cela ? A quand un observatoire indépendant ?

Il existe trois étapes successives dans la vie du prix de vente d'un bien immobilier. D'abord, le prix affiché à la vente. C'est celui qu'on utilise dans le baromètre seloger.com. Ensuite, le prix de signature du compromis (la promesse de vente). Enfin, le prix de signature de l'acte authentique chez le notaire. C'est ce dernier qui est utilisé dans les statistiques des notaires. Il y a donc par nature un décalage dans le temps important entre ces trois étapes du prix, puisqu'il y a un délai incompressible de trois mois entre la promesse et l'acte authentique, auquel s'ajoute le temps de vente du bien, si on veut remonter au prix affiché. Pour comprendre les différentes statistiques, il faut systématiquement faire attention à laquelle de ces trois étapes on se réfère. Le baromètre seloger utilise les données des prix affichés depuis sa création en 2004 ; il reflète donc l'évolution du marché avec une méthode stable et validée par des statisticiens. Il est vrai qu'il existe entre ce prix affiché et les deux étapes suivantes un écart qui correspond à la marge de négociation de l'acheteur. Quant à la taille de l'échantillon, celui de seloger est de plus d'un million d'annonces à un instant donné ; sa crédibilité statistique est donc totale. La constitution d'un observatoire indépendant permettant de réconcilier de manière fiable ces trois étapes du prix de vente dans un baromètre unique fait l'objet de discussions entre les parties concernées (pouvoir public, acteurs privés, syndicats professionnels...).

futur-acheteur : Bonjour,L'immobilier a été quasiment multiplié par 2 en région parisienne. La baisse, par contre, est largement insuffisante pour resolvabiliser suffisamment d'acheteurs et relancer le marché. Avez-vous conscience, en tant qu'acteur professionnel, donc juge et parti, d'être en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assis en parlant de reprise immobilière sans que les prix soient revenus à la normale ?

Notre rôle en tant que site Internet immobilier leader est de fournir des données factuelles et chiffrées pour que chacun se forge son opinion. Ce que nous constatons (cf réponse précédente), c'est un arrêt de la baisse des prix affichés d'un côté, et un nombre de transactions sur la période septembre-décembre 2009 en croissance par rapport à la même période de 2008. Néanmoins, nous affichons également un nombre total de transactions pour l'année 2009 de 557.000, soit plus de 30% inférieur aux 813.000 transactions de 2007, donc nous ne cherchons en aucun cas à minimiser la baisse. Concernant l'évolution des prix, voir les réponses précédentes.

Gerard : Alors que l'on sort à peine d'une bulle immobilière sans précédent historique, que le chômage est au plus haut, et j'en passe... d'après les professionnels de l'immobilier, c'est le moment d'acheter. D'où ma simple question : pour les gens de votre secteur, y a t'il seulement une possibilité pour que vous disiez que ce n'est pas le moment d'acheter ?

La décision d'achat d'un bien immobilier est une décision en général très importante dans la vie d'une famille ou d'une personne. Nous cherchons donc seulement à donner à chacun un maximum d'informations pour prendre la meilleure décision possible. Les 13 millions de visites mensuelles sur seloger.com montrent bien que cette information est utile. La décision sur le bon moment pour acheter reste l'affaire de chacun. Le bon achat immobilier reste avant tout celui qui permet de vivre dans l'appartement ou la maison qui nous correspond.

Hand49 : Depuis deux ans, on observe une correction à la baisse du marché immobilier. En cause : les prix exorbitants, la crise, le chômage....Aujourd'hui, la marché manque de visibilité et les intervenants (notaires, agents immobiliers, FNAIM,...) n'ont pas l'objectivité requise pour évoquer ce sujet. Question : dans cette période de reprise molle avec une croissance du chômage, la correction à la baisse des prix de l'immobilier est-elle terminée ?

Encore une fois, il est difficile de prévoir l'évolution de ces prix qui est soumise à plusieurs facteurs. Si l'on veut rester factuel, ce qu'on constate pour l'instant c'est que les prix semblent avoir arrêté de baisser. La baisse forte des taux d'intérêt a favorisé cette situation. Si ceux-ci étaient amenés à repartir à la hausse, une nouvelle correciton des prix à la baisse serait possible.

hedgesound : comment considérez vous le rôle d'internet et de seloger en particulier sur l'entretien du phénomène d'autoréalisation du marché immobilier ? Avant de vendre mon appartement, je regarde le prix de "biens comparables" et fixe le mien un peu plus haut (il est quand même mieux).Pendant la crise, je ne vois pas le prix des annonces baisser, donc tout va bien. Internet est il un frein à l'ajustement des prix ? A l'inverse est il un vecteur d'accélération en phase de bulle ?

Internet est un vecteur extraordinaire d'information des gens sur le marché. A titre d'exemple, seloger.com envoie chaque mois 20 millions d'alertes e-mail pour présenter à des futurs acquéreurs uniquement des biens qui correspondent à leurs critères de recherche. Plus d'informations sur un marché a toujours été un facteur d'ajustement plus rapide des prix. C'est donc le cas aussi sur l'immobilier. N'oublions pas, non plus, le rôle et la valeur ajoutée de l'agent immobilier pour aider le vendeur à fixer un prix juste qui permettra de vendre le bien le plus vite possible. On entend régulièrement parler de biens dont le prix a été maintenu trop haut par un vendeur contre l'avis de son agent immobilier.

yaume : Pensez vous que les émissions TV tel que recherche appartement, Maison à vendre sont représentatives du marché immobilier actuel ? En d'autres termes que pensez vous de ce genre d'émissions ? Merci.

L'immobilier passionne les Français. C'est ce qui fait nos 13 millions de visites mensuelles sur seloger.com, avec un temps moyen passé sur le site par visiteur unique de plus de vingt minutes. Il est donc normal que la télévision développe aussi des programmes qui viennent nourrir cette passion. C'est aussi le cas dans la plupart des autres pays.

Leurat : Bonjour. Après une hausse de 150% des prix immobilier sur 10 ans, et compte tenu de: l'évolution des salaires sur cette même période et de la crise actuelle, ne pensez-vous pas, que pour que le marché reparte, une baisse de l'immobilier ancien de 30 à 40% serait nécessaire? Ne pensez-vous pas que tout le monde y gagnerait; acheteurs, vendeurs, pros de l'immobilier et l'Etat ?

En théorie, vous avez parfaitement raison et la plupart des professionnels de l'immobilier auraient sans doute vu d'un bon oeil un ajustement plus rapide des prix qui aurait accéléré la reprise du nombre de transactions. Mais le marché français présente de façon structurelle un déficit d'offre par rapport à la demande. Et ce déséquilibre perdure car, d'un côté, la population française, et le nombre de ménages encore plus, continuent d'augmenter (c'est d'ailleurs une situation unique par rapport à nos voisins européens comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne) et, d'un autre côté, le nombre de mises en chantier de nouveaux logements est insuffisant pour réduire cet écart. Si on ajoute à ça la forte attractivité de la France pour beaucoup d'étrangers, on comprend comment cette forte demande limite le mouvement de baisse des prix.

Michael : Bonjour. Faut-il privilégier un financement à taux fixe ou variable pour une résidence principale destinée à être vendue dans les deux ans ?

On peut faire une réponse générale, mais cela ne veut pas dire qu'elle sera valable pour chaque situation personnelle. Deux ans est un délai court. Les taux étant historiquement bas aujourd'hui, un emprunt à taux fixe est souvent la bonne alternative.

Revax : Avec le nombre phénoménal d'annonce qui sont sur votre site depuis 1, 2 voir 3 ans, ne croyez vous pas que vous ne faite pas payer l'annonce assez cher et donc que les agences immobilières y laissent des biens invendables ?

Une équipe de près de vingt personnes travaille au quotidien pour améliorer la qualité des annonces en collaboration avec les agences immobilières. Les annonces farfelues, incohérentes, obsolètes sont pour la plupart filtrées. Un bien invendable pour la plupart peut souvent correspondre à ce que recherchent quelques-uns. La clé reste toujours la fixation du juste prix pour laquelle l'oeil avisé d'un professionnel de l'immobilier est souvent nécessaire.

mars : Les prix de l'ancien auraient commencé de remonté au 4e trimestre 2009. Qu'est-ce qui expliquent ce renversement, compte tenu des perspectives économiques pressenties pour 2010 pas vraiment meilleures que celles de 2009 ? (voire une accentuation du chômage car nombre d'entreprises ont "tenu" jusque là grâce à des commandes rentrées en 2007-2008, mais à présent, le carnet tend à être vide. et le gros du marché, les familles de classe moyenne, tardent à revenir sur le marché). Est-ce le début d'une tendance lourde ? Merci de votre avis concernant le 1er semestre 2010 dans l'ancien ET dans le neuf pour un acheteur potentiel, plutôt réservé jusque là.

Dans l'ancien, les prix affichés se sont en effet stabilisés depuis l'automne (voir les réponses précédentes pour comprendre la logique du marché et ce qu'on attend sur 2010).

Dans le neuf, l'année 2009 a été plutôt meilleure que prévu, notamment grâce aux mesures d'accompagnement (Scellier et doublement du prêt à taux zéro). Les promoteurs français avaient assez bien anticipé la crise en évitant de constituer des stocks de logements finis (contrairement à la situation en Espagne, par exemple). Il ne devrait donc pas être nécessaire pour eux de brader leurs produits pour des raisons financières. Le gouvernement a annoncé la poursuite en 2010 d'incitatifs fiscaux pour le neuf avec vraisemblablement un "verdissement" à venir dès 2011, qui nécessitera alors de se tourner plutôt vers des constructions à l'impact faible sur l'environnement.

Merci Roland Tripard. Le mot de la fin ?

Merci à tous pour la richesse de l'ensemble de vos questions. Et n'hésitez pas à continuer à nous faire part de vos remarques, en particulier concernant la facilité d'utilisation de nos sites Internet. Un espace dédié est à votre disposition pour ça... Bons projets immobiliers en 2010 si vous en avez et, dans tous les cas, bonne recherche sur seloger.com.