Combien vaudrait aujourd'hui le m2 si l'immobilier avait suivi l'inflation ?

Par Alexandre Phalippou  |   |  932  mots
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A l'heure où François Fillon change la fiscalité des plus values immobilières, autorisant à déduire seulement l'inflation, la question mérite d'être posée. Retrouvez, ville par ville, la surface que l'on pourrait s'offrir si l'immobilier avait augmenté comme le reste des prix à la consommation.

Evidemment, personne n'est dupe. Si François Fillon a proposé de changer la fiscalité des plus values immobilières hors résidence principale, c'est bien pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat qui en ont bien besoin. Rien d'étonnant, donc, à ce que les propriétaires de résidences secondaires et de biens locatifs y soient perdants.

La mesure devrait d'ailleurs rapporter 2,2 milliards d'euros en 2012 et 180 millions en 2011. Une estimation qui a été réalisée en comparant les deux fiscalités. En résumé, jusqu'ici, le principe était le suivant : au bout de 5 années de détention, un abattement est offert au rythme de 10% par an. Au bout de 10 ans, on arrive à 100%. Le bien est donc exonéré d'impôt sur la plus value au bout de 15 années. La nouvelle règle est plus simple : le propriétaire pourra déduire des plus values, au moment de la revente, le montant cumulé de l'inflation depuis l'année d'acquisition du bien. Plus précisement, il augmentera le prix d'acquisition de la valeur de l'inflation et fera la différence avec le prix de vente pour déterminer sa plus value déclarable (plus de détails sur la mesure).

L'ampleur des économies réalisées par le gouvernement, qui représentent 20% de la totalité du plan de rigueur, donne à elle seule une idée de l'écart qui peut exister entre l'évolution des prix de l'immobilier et celle de l'inflation. Mais, dans le détail, un petit coup de retroviseur permet de montrer la gigantesque flambée de l'immobilier depuis une quinzaine d'années.

"La Tribune" a demandé au site Meilleursagents.com d'extraire de ses bases de données l'historique des prix dans 20 grandes villes de France et de les comparer aux prix actuellement en vigueur. Entre les deux, nous avons revalorisé les prix à hauteur de l'inflation cumulée pendant la période. Pour réellement voir l'impact de la mesure Fillon, il aurait fallu remonter à 15 années en arrière, en 1997. Les différentes statistiques à disposition ne remontant pas aussi loin, le premier prix date du 1er janvier 1998.

Les tableaux ci-dessous permettent ainsi de découvir, ville par ville, pour les appartements et les maisons, combien de mètres carrés un acheteur pourrait s'offrir aujourd'hui selon son buget.

Les résultats sont affolants... ou laissent rêveur. En moyenne, sur les appartements comme sur les maisons, les prix de l'immobilier ont  plus que doublé alors que l'inflation aurait renchéri les prix de seulement 25% environ.

Appartements : des écarts de 31% à 194%

Concernant les appartements dans l'ancien, c'est bien evidemment à Paris que la différence est la plus spectaculaire. Avec l'inflation, le prix au mètre carré moyen dans la capitale serait aujourd'hui d'environ 2.800 euros. Un chiffre proche du prix moyen aujourd'hui constaté à Bordeaux ou Montpellier. Au lieu de ça, il caracole à près de 8.200 euros le mètre carré selon Meilleursagents.com. Le chiffre des notaires, légèrement décalé dans le temps, fait déjà état d'un prix supérieur à 8.000 euros le mètre carré.

Autrement dit, un parisien achetant un deux pièces de 50 mètres carrés aurait pu s'offrir un... 147 mètres carrés ! Voyant les choses différemment. Dans un marché parfait, avec des salaires et des prix immobiliers augmentant au rythme de l'inflation, un budget de 200.000 euros permettrait d'acheter aujourd'hui un trois pièces de 72 mètres carrés. A la place, il peut s'offrir aujourd'hui un studio de 31,5 mètres carrés dans le 19ème arrondissement ou un... 16,5 mètres carrés dans le 7ème.

Dans les grandes villes de province aussi les écarts restent spectaculaires. Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Toulon, Toulouse... toutes ces villes ont vu leurs prix au moins doubler, même en tenant compte de l'inflation. A Lille et à Grenoble, par exemple, on peut se payer exactement deux fois moins de mètres carrés aujourd'hui qu'en 1998.

C'est au Mans que l'évolution est moins importante, avec une hausse de 62% hors inflation mais de 31% "seulement" inflation incluse. Suivi de Reims (+61% avec infation), et Brest (+64%).

Maisons : Montpellier décroche la palme de la flambée des prix

Les écarts sont un peu plus resserrés concernant le marché des maisons dans l'ancien. D'abord parce que le faible nombre de transactions à Paris exclut la capitale du classement. Ensuite parce que la maison reste une denrée prisée, dont le prix a tendance à grimper plus vite que celui des appartements. Mais dont les prix plafonnent lorsqu'ils franchissent un seuil hors de portée des acquéreurs.

En effet, un acheteur peut facilement se rabattre faute de budget sur un appartement de quelques mètres carrés de moins. Pour une maison, la taille du terrain, la présence d'une piscine, etc. entrent également en ligne de compte, indépendamment de la surface habitable. Les chiffres au mètre carré doivent donc être pris avec plus de précaution.

Il n'empêche, la moyenne des donne une bonne idée de la réalité. A Montpellier, une maison de 100 mètres carrés coûterait 124.000 euros si l'immobilier avait suivi le niveau des prix, alors qu'il faut aujourd'hui débourser 284.000 euros. Suivent ensuite Marseille, Nice et Bordeaux. Rien d'étonnant à ce que les maisons aient pris plus de valeur dans le sud où l'on profite plus longtemps du beau temps et de la piscine. Lille parvient tout de même à s'intercaler en 5ème position, juste avant Toulon.

L'écart les moins flagrants se situent cette fois à Brest (+53% inflation comprise), Dijon (+63%), Le Mans (+67%) et Strasbourg (+69%).