DOSSIER Comment optimiser fiscalement... ses dons

Au-delà de la bonne intention du donateur se posent des questions pratiques. Quoi donner ? Comment optimiser le don fiscalement ? Comment préserver l'intérêt des héritiers ?
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Crise ou non, depuis des décennies, nos impôts jouent au yo-yo. Il faut soit se satisfaire de leur baisse au nom du pouvoir d'achat, soit se féliciter de leur hausse au nom de la solidarité nationale.

Difficile dans ce contexte, où les réformes fiscales s'enchaînent, de préserver le sacro-saint consentement à l'impôt, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Nombre de citoyens français préfèrent donc décider eux-mêmes de l'affectation de leur impôt. Comment ? Par le jeu des avantages fiscaux attachés à la philanthropie. « Plus que de simples niches fiscales, les dispositifs de réductions d'impôt sur le revenu ou d'ISF en matière de don correspondent à de véritables décisions d'affectation », constate Sandrine Quilici, directrice de l'ingénierie patrimoniale de Pictet en France. « En donnant à un organisme, le donateur, s'il est un peu méfiant de la gestion des deniers publics, a le sentiment de savoir où va son argent, comment il est géré. En quelque sorte, il assure lui-même la redistribution par l'impôt, en choisissant une cause qui lui parle. » À grand renfort d'incitations fiscales, les pouvoirs publics ont en effet délégué des pans entiers de l'action sociale au secteur associatif. « Pourtant, l'affectation des ressources ainsi collectées n'est pas contrôlée par l'État, alors même que la réduction d'impôt sur le revenu est un puissant levier car son champ est très large : dès que l'intérêt général est visé, le don est éligible (voir encadré), explique Sandrine Quilici. En matière d'ISF, les conditions pour que le don ouvre droit à la réduction d'impôt sont plus strictes, bien que le montant économisé soit important. »

« Philantrepreneurs »

Dans les deux cas, ces avantages fiscaux ne se limitent pas au don versé par virement ou chèque bancaire. Le don peut prendre plusieurs formes : dons en nature - oeuvres d'art, bijoux, meubles, matériel de recherche, équipement -, mise à disposition d'un salarié pour la petite entreprise. La donation peut même porter sur l'usufruit de biens générateurs de revenus (voir encadré). La justice européenne a même ouvert les dispositifs aux dons versés à l'étranger. L'attrait fiscal n'est pas la première motivation de la générosité. Si le souci des autres est avant tout une question de conscience et d'histoire personnelle, la philanthropie voit émerger de nouveaux profils de donateurs. Des fortunes récentes, issues de l'entrepreneuriat. À leur tête, des hommes et des femmes qui ne se contentent plus de donner et de financer, mais ont le souci de l'investissement. Ils veulent mener à bien des projets, les gèrent comme un véritable business. Plan de développement, objectifs, etc., rien n'échappe au management de ces « philantrepreneurs ». Avec eux, les services de conseil en philanthropie, rattachés à la gestion privée se professionnalisent, même s'ils restent encore loin derrière le modèle américain.

L'organisme qui reçoit le don a besoin d'une valeur pour établir le reçu fiscal qui servira au donateur à l'appui de sa réduction d'impôt. Si le don porte sur un bien immobilier, la valeur à retenir est celle qui figure dans l'acte notarié de donation. En revanche, l'évaluation des objets est délicate car elle est subjective, souvent brouillée dans l'esprit du donateur par une valeur sentimentale forte.

1 - Préserver les intérêts des héritiers

Comme aux États-Unis,il est désormais possible en France de donner tous ses biens à la cause des pandas, de la planète ou de la recherche. À la différence près, et de taille, qu'il faut obtenir l'autorisation des héritiers. Ceux-ci doivent renoncer par avance à une part de leur réserve héréditaire, cette partie du patrimoine de leurs parents que le droit français leur réserve.

Pour alimenter ses dons, ou legs à une fondation, comme à toute personne tierce, le candidat à la philanthropie ne dispose alors dans un premier temps que de la quotité disponible de son patrimoine, la part non réservée à ses enfants. Elle est déterminée en fonction du nombre d'enfants : un enfant peut prétendre à la moitié du patrimoine, deux enfants, un tiers et trois enfants ou plus, un quart du patrimoine. « De fait, si une personne veut donner, de son vivant ou non, la moitié de son patrimoine à une association charitable alors qu'il a deux enfants et ne dispose que du tiers de son patrimoine, il peut demander à ses enfants de renoncer à la fraction du don qui empiète sur la part qui leur est réservée par la loi, indique Bernard Monassier, notaire, président d'honneur du groupe Monassier.

L'accord des enfants doit être recueilli selon une procédure précise, par deux notaires. Cette possibilité est offerte par la loi depuis 2007 mais demeure encore peu pratiquée. » Une sénatrice propose d'ailleurs d'aller plus loin : selon sa proposition de loi déposée cet été, les limites de réserve héréditaire pourraient être supprimées lorsque le patrimoine est légué à une institution philanthropique.

2 - Vérifier si le bénéficiaire a le droit de délivrer un reçu fiscal

Les avantages fiscaux offerts par la philanthropie sont intéressants. Le donateur peut réduire de son impôt sur le revenu 66 % du montant de ses dons, dans la limite globale de 20 % du revenu imposable. Au-delà, la fraction non amortie des dons peut être reportée sur les cinq années suivantes. En ISF, la réduction s'élève à 75 % du don dans la limite de 50.000 euros. Autrement dit, en dessous de ce seuil, le don ne coûte réellement qu'un quart de son montant au donateur (cf. tableau).

Attention, les deux réductions ne visent pas exactement les mêmes bénéficiaires. « Pour la première, toutes les associations, fondations ou autres organismes sont concernés tant qu'ils sont d'intérêt général, explique Sandrine Quilici, directrice de l'ingénierie patrimoniale de Pictet en France. Cette notion n'est définie que par l'administration qui peut considérer qu'une association bénéficiaire n'est pas dans le champ et lui refuser la possibilité de délivrer des reçus fiscaux. Or, pour le donateur, en dehors de la déclaration électronique, la réduction d'impôt n'est acquise que si le reçu fiscal est joint à la déclaration. Pour l'ISF, la loi dresse une liste limitative du type de bénéficiaires et de secteurs visés, comme l'insertion et l'emploi ou la reprise d'entreprise. À titre d'exemple, les associations reconnues d'utilité publique (accéder à la liste) sont exclues de la réduction. Il importe donc de vérifier si le bénéficiaire du don est éligible à ce dispositif. »

3 - Donner sans se dépouiller

Allier générosité et optimisation fiscale durable, c'est l'un des atouts de la donation temporaire d'usufruit. Cette technique consiste à donner l'usufruit d'un bien pendant une durée déterminée par convention entre le donateur et le donataire. La donation peut par exemple porter sur l'usufruit d'un portefeuille d'obligations, d'un immeuble, en général d'un bien qui génère des revenus.

Ces intérêts ou loyers sont perçus par l'usufruitier, c'est-à-dire l'organisme bénéficiaire de la donation. Ce procédé permet de donner sans se dépouiller irrévocablement d'une partie de son patrimoine. Point fort de l'opération : ses conséquences fiscales avantageuses.

Pendant toute la durée de l'usufruit, le bien sort de l'assiette de l'ISF du donateur. Le donateur ne percevant plus les revenus générés par le bien, il cesse aussi d'en être imposable à l'impôt sur le revenu. Cependant, les praticiens conseillent d'entourer l'opération de plusieurs conditions. La donation doit être consentie par acte notarié à un organisme d'intérêt général habilité à recevoir une donation, pour une durée minimale de trois ans, et sur des actifs contribuant à la réalisation de l'objet de l'organisme bénéficiaire.

Interview : "Nos donateurs tirent un réel plaisir à suivre les travaux de recherche qu'ils ont contribué à financer"

Frédéric Theret, responsable des dons à l'Institut Pasteur

Que peut-on conseiller aux personnes qui souhaitent donner ?

Dès qu'elles envisagent un don important, ces personnes ne doivent pas hésiter à rencontrer les potentiels bénéficiaires de leur soutien. Ces échanges permettent au donateur de cerner ses préférences, de définir son projet et d'en arrêter les modalités. Ainsi, l'argent doit-il être consommé ou placé ? C'est essentiel, plus encore dans le cadre d'une succession où la personne qui lègue ne sera plus là pour dire comment son soutien doit être affecté. En outre, j'invite les donateurs à ne pas morceler leur don et à faire le choix d'un seul bénéficiaire : ce qui est plus efficace qu'une kyrielle de petits soutiens.

Comment s'assurer du sérieux de l'organisme bénéficiaire ?

Une fois décidé de la cause ou du secteur à aider, les donateurs doivent être attentifs au sérieux de l'institution avant de donner leur confiance. Les comptes, que chaque structure doit publier, permettent de vérifier la part des frais de fonctionnement, de collecte, etc. L'agrément du Comité de la charte, organe de contrôle, est aussi un gage de transparence.

Quel type de projets proposez-vous à vos donateurs ?

À l'Institut, nombreux sont les projets à financer. Il peut s'agir du financement de matériel de l'un de nos 130 laboratoires de recherche, de l'équipement d'une unité de recherche, d'une bourse accordée à un jeune chercheur, etc. Souvent, nos donateurs sont d'abord motivés par des raisons très personnelles, puis tirent un réel plaisir à suivre les travaux réalisés grâce à ces fonds. Pour l'équipe de chercheurs, c'est motivant et responsabilisant d'avoir rencontré les donateurs. En tout cas, même si elle peut favoriser le don, la fiscalité n'en est jamais la motivation première.

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Commentaire 1
à écrit le 17/09/2011 à 7:30
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Mon oncle louait un appartement à un type qui a organisé son insolvabilité et qui payait ou ne payait pas son loyer en faisant appel à diffétentes structures associatives pour obtenir des fonds pour son loyer, tout en travaillant au noir. Cela n'a in...

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