EXCLUSIF : Inquiétudes autour d'un produit de défiscalisation dans les Dom-Tom

Un investissement « photovoltaïque » au rendement élevé mis en cause dans un courrier d'un haut fonctionnaire de Bercy.

"Il semble très avisé de suspendre toute collecte nouvelle du produit DTD (Dom-Tom Défiscalisation) auprès de vos clients". Tel est le message reçu, le 29 novembre dernier, par des centaines de² conseillers en gestion de patrimoine. Son auteur ? Georges Thoma, un haut fonctionnaire du ministère de l'Économie. Le produit incriminé est distribué par des dizaines de conseillers indépendants, dont plusieurs gros cabinets tels que Hedios et Anthea, et a déjà collecté plus de 40 millions d'euros depuis décembre 2007.

De quoi s'agit-il ? D'un investissement en défiscalisation dans les Dom-Tom, spécialisé dans les panneaux solaires, proposé par le groupe Lynx. La rentabilité annoncée dans le dossier de présentation est exceptionnelle pour l'épargnant : 46,4 % sur six mois, 58,4 % sur un an ou 65,6 % sur dix-huit mois (selon la date de souscription).

Trop beau pour être vrai ? Pas tout à fait. Théoriquement, en accumulant les avantages de la loi Girardin industrielle dans les Dom-Tom et les bonus fiscaux associés au photovoltaïque, il est possible de parvenir à de tels rendements.

En outre, le modèle « d'intégration verticale », adopté par Lynx, permet de réduire les coûts. Les filiales du groupe étant présentes à chaque maillon du montage, de la production des panneaux à leur installation sur des toits d'habitation dans les Antilles. Revers de la médaille, tout repose sur la solidité d'un seul acteur. Même les banques, généralement parties prenantes dans le « Girardin industriel » sont exclues de cette opération, Lynx Industries préférant généralement le crédit fournisseur au crédit bancaire.

Pour autant, rien à redire sur le montage juridique et fiscal de la maison mère, Lynx Industries. Il a été validé par un avocat spécialiste en droit fiscal, Alain Scheinkmann. Et un procès-verbal de la DNEF (Direction nationale d'enquêtes fiscales), établi le 19 novembre, et dont « La Tribune » s'est procuré une copie, n'indique pas non plus d'entorses aux règles de facturation.

Ce n'est d'ailleurs pas la cohérence du dossier sur le papier que Georges Thoma, le contrôleur général économique et financier, met en cause. Il s'agit plutôt de la réalité et de la qualité du matériel photovoltaïque. « Il apparaît que les investissements à réaliser en Martinique et en Guadeloupe sont restés à l'état de projet », explique-t-il dans son courrier. « Faux, répond Jack Sword, président de Lynx Finances Group. Un représentant d'Hedios a fait deux fois le déplacement en Martinique ces dernières semaines et a pu constater la présence de matériel. » Information confirmée par Julien Vautel, président d'Hedios Patrimoine.

Autre point évoqué dans la lettre : l'absence de « mise en exploitation » des panneaux photovoltaïques. Un point fiscal divise les deux parties. Pour Georges Thoma, il y a risque de requalification dès lors que les panneaux ne sont pas raccordés à EDF.

Pour Jack Michael Sword, l'achat de matériel et sa mise en location suffisent pour obtenir l'avantage fiscal, même si le raccordement n'a lieu que six à neuf mois plus tard. Ce sera à l'administration fiscale, récemment saisie sur le sujet, de trancher...

Enfin, Georges Thoma a tiqué, comme l'avait fait un conseiller en gestion de patrimoine quelques mois auparavant, sur la structure du groupe : « La maison mère est basée dans l'Oregon, et j'ai visité leur filiale au Luxembourg : il s'agit d'un hangar transformé situé en rase campagne », détaille le haut fonctionnaire, frappé par la jeunesse de l'état-major qu'on lui a présenté.

Si Georges Thoma a effectué le déplacement, c'est qu'il avait réalisé un travail d'expertise à la demande de Lynx Finances. Ses conclusions, émises le 2 avril et le 29 octobre, avaient d'ailleurs été favorables. Pour Jack Michael Sword, la brouille serait d'origine pécuniaire : « Lundi 21, notre avocat déposera une plainte au pénal pour tentative d'extorsion de fonds auprès du tribunal de grande instance de Paris. »

Dernier élément revenant de manière récurrente dans cette affaire : le passé de Jack Michael Sword, de son vrai nom Jacques Michel Sordes, lequel figurait dans un rapport de l'Assemblée nationale du 10 juin 1999, comme « l'un des principaux propagateurs de la secte guérisseuse dénommée Vital Harmony ». « Il s'agit effectivement d'un pseudonyme inscrit sur mon passeport, répond Jack M. Sword, preuve à l'appui. Concernant ce fameux rapport, bien que mon nom ait été cité, je n'ai jamais été auditionné et encore moins inculpé. D'ailleurs mon casier judiciaire est vierge, et je ne pourrais pas être gérant si j'étais sous le coup d'une condamnation pénale. »

L'affaire n'en restera sûrement pas là. Mais elle est bien mal venue, alors que le gouvernement cherche à limiter les niches fiscales, notamment celle du Girardin qui coûte 800 millions par an pour à peine 13.370 contribuables bénéficiaires. À suivre, donc...

COMPRENDRE : Un exemple concret d'investissement en Loi Girardin

QUESTION PRATIQUE En quoi consiste la défiscalisation en Girardin industriel ?

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Commentaires 3
à écrit le 21/05/2010 à 11:53
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M.Sword est actuellement entendu par la brigade financière. Mais ou sont passés les millions d'? de produits défiscalisés. Alors que l'Etat cherche à renflouer ses caisses , il devrait déjà colmater ses fuites.

à écrit le 12/03/2010 à 18:29
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J'ai i_nvesti dasn cete defiscalisation, j'avais une entière confiance et je suis attentif à tout renseignement

à écrit le 26/02/2010 à 17:29
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Pour ceux que cela intéresse, devant le peu de réactions qu'a suscité ce pavé dans la marre, j'ai posé directement la question à Hédios Patrimoine et voilà le retour : Cher Monsieur, Le haut fonctionnaire Georges Thoma, cité dans La Tribune, n?a auc...

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