Les monnaies locales débarquent en Ile-de-France

Par Adeline Raynal  |   |  801  mots
En France, au moins dix-huit monnaies locales circuleraient actuellement dont l'Heol, le Sol Violette, l'Occitan... Copyright DR
Pas moins de trois projets de monnaies locales sont en cours en région parisienne. Si leur nom n'a pas encore été arrêté, les valeurs défendues se rejoignent. La méthode adoptée pour faire grandir le système, elle, diverge.

Les monnaies locales et "complémentaires" à l?euro se multipliaient surtout dans le sud de la France ? Que les franciliens se tiennent prêts, ça bouge aussi en Île-de-France. En effet, trois projets sont actuellement en cours de développement :à Aubervilliers, dans l'Essonne et à Montreuil.

Chacune d?entre elles devraient reprendre les principes de base d?une monnaie locale. "Le but c?est de réintroduire de la démocratie sociale dans la commune et d?amorcer une réelle transformation sociétale" témoigne Bastien Yverneau, un ingénieur d?une trentaine d?années à l?origine du projet à Montreuil. Si le nom de la monnaie n?a pas encore été choisi (la pêche, l?épi et le mélies sont candidats), l?association Montreuil en Transition qui porte le projet depuis l?été dernier compte imprimer 25.000 billets pour le lancement de la monnaie d?ici quelques mois. "Nous espérons relocaliser l?économie et aider ses acteurs à éviter la spéculation financière" fait valoir Bastien Yverneau.

"Redynamiser le lien social et l?économie locale"

De son côté, le projet d?Aubervilliers n?en est qu?à ses débuts, "nous avons organisé une première réunion en avril pour définir le périmètre de cette monnaie de sorte qu?elle contribue à valoriser certains comportements" raconte Nadia Benqué, qui porte ce projet. L?objectif là aussi est de "redynamiser le lien social et l?économie locale, de valoriser la richesse créée par les associations" poursuit cette dirigeante du CEEFIA, un cabinet de conseil dans le domaine de la Responsabilité Sociétale des Entreprises. 

Dans l'Essonne, l'association SoliCités spécialisée dans le développement durable, se lance également dans le développement d'une monnaie complémentaire. Une première réunion de lancement du projet avait eu lieu le 3 novembre 2012, à l'initiative de l'agglomération de Viry-Grigny, prête à subventionner le projet. Côté perspectives, les deux porteurs de projets de Montreuil et d'Aubervilliers l?avouent : l?ambition est de réussir à étendre l?usage de leur monnaie sur un territoire plus large à long terme. Mais si, sur le fond, les valeurs défendues se rejoignent, sur la manière de procéder, deux visions s?opposent.

Bastien Yverneau souhaite éviter d'imposer trop de critères. "Je défends l?idée selon laquelle il ne faut pas imposer trop de critères au départ, ils doivent venir dans un second temps" explique-t-il. Commencer par mettre en place une monnaie relativement ouverte du point de vue de son accès est la condition selon lui pour qu?un maximum de personnes et d?entreprises adhèrent au système et qu?il devienne porteur de sens sur un territoire. "Les avantages d'une monnaie locale sont inscrits dans son ADN. Ces avantages sont suffisamment importants pour ne pas avoir besoin d'y ajouter des critères de sélection stricts, qui peuvent être contre-productifs. Une monnaie locale a besoin d'être utilisée à grande échelle pour transformer véritablement une société. Certaines monnaies locales ne sont ainsi utilisées que par une poignée d'utilisateurs et d'entreprises, ce qui limite leur impact sociétal".

Progesser doucement mais sûrement

Dans l'Essonne, les porteurs du projet considèrent que la nouvelle monnaie doit se faire dans le consensus général plutôt que de "s?autolimiter", en imposant des règles trop contraignantes. A Aubervilliers, on semble moins pressé que le système prenne de l?ampleur, privilégiant la défense de valeurs de base. Vingt-cinq critères sociaux et environnementaux ont déjà été prédéfinis. "Si vous répondez à au moins neuf d?entre eux, vous pouvez entrer dans le système" assure Nadia Benqué.

Elle défend cette monnaie comme "un outil de transition qui ne doit pas être descendante (imposées, ndlr) mais symbole d?une réappropriation des échanges". "L?important est de démarrer petit et de faire une expérimentation, d?y aller progressivement" insiste-t-elle, considérant "qu?un engagement démocratique de la part d?une population nombreuse prendra au moins trois ou quatre ans". Elle espère aboutir à un véritable changement de paradigme, quitte à procéder lentement.

L?association montreuilloise espère la mise en circulation de sa monnaie d?ici la fin de l?été 2013. D?ici là un concours est en cours afin de choisir un nom et un graphisme pour les billets à venir. A ce sujet, un vote populaire aura lieu le 22 juin, à l?occasion de la Fête de la Ville. Du côté d?Aubervilliers, le lancement est programmé pour début 2014.

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