Taxe carbone : prix fixé à 14 euros la tonne face à la polémique

Par latribune.fr  |   |  1131  mots
Le Premier ministre annonce que le prix de la taxe carbone s'établira à 14 euros la tonne. Le projet continue d'alimenter la polémique, à droite comme à gauche et dans les milieux économiques. Nicolas Sarkozy consulte.

François Fillon l'annonce dans une interview au Figaro Magazine : le prix de la taxe carbone sera fixé initialement à 14 euros la tonne. Michel Rocard, à l'origine de ce système, avait proposé dans son rapport un prix de 32 euros, jugés excessif au sein du gouvernement. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, avait ensuite évoqué un prix de 15 à 20 euros.

Le Premier ministre précise par ailleurs que cette taxe n'entraînera pas de hausse des prélèvements obligatoires, qu'elle ne s'appliquera pas uniformément et que les Français les plus démunis bénéficieront de compensations financières. Cette taxe ne concernera pas l'électricité.

Cette taxe carbone continue en tout cas d'alimenter tous les commentaires, politiques et économiques. Le rapporteur général du budget au Sénat, Philippe Marini (UMP), a ainsi jugé ce mercredi sur BFM  "catastrophique, contre-nature, de parler de taxe carbone" alors qu'il s'agit, à ses yeux, du "prix de comportements qui négligent l'environnement. Ce n'est pas une taxe pour renflouer les caisses de l'Etat car si elle a du succès, son produit va diminuer." Quant à sa compensation, il met en garde : il ne faut  "pas non plus qu'on compense plus qu'on obtient de ressources, parce que là, ça s'appelle des dépenses et non plus une taxe".

Défenseur du projet, Nicolas Sarkozy entend toutefois prendre tous les avis avant de trancher. Il recevra notamment jeudi soir à l'Elysée la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot, accompagnée par le nouveau député européen Jean-Paul Besset, proche de Nicolas Hulot, élu en juin au Parlement de Strasbourg sur la liste Europe Ecologie.

Dans une interview accordée au Figaro ce mercredi, Alain Juppé, co-président du comité d'experts sur la taxe carbone se dit favorable a une telle mesure, à condition qu'elle ne constitue pas "un impôt de plus". Selon lui, "il y a deux conditions à remplir pour que la réforme soit juste".

Dans un premier temps, il s'agit de "rebattre les cartes de notre fiscalité pour modifier les comportements des consommateurs", mais sur ce point, il juge le projet du gouvernement "encore un peu flou". Dans un deuxième temps, il plaide pour le développement de solutions alternatives en termes de transports collectifs et de véhicules propres et regrette qu'un "effort massif n'ait pas été fait pour développer la voiture électrique".

De son côté, dans Le Monde daté de jeudi, la présidente du Medef, Laurence Parisot, réclame un "chèque vert" pour les entreprises qui s'acquitteront de la future "taxe carbone", ou Contribution climat énergie (CCE). "Si l'émission de CO2 a un coût social, si elle représente une nuisance pour l'être humain, il est normal qu'elle soit taxée". Pour autant, ajoute Laurence Parisot, la CCE doit être créée "à fiscalité constante pour les entreprises". Elle demande donc que les entreprises qui paieront cette taxe reçoivent en contrepartie un "chèque vert".

Les inégalités géographiques sont au cœur des critiques adressées par les politiques au gouvernement. Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, estime que ceux qui habitent à la campagne sont désavantagés avec cette mesure, car ils ne disposent pas d'une offre de transports en commun adaptée.

Le député a prévenu le gouvernement que son groupe n'ira pas "voter en fermant les yeux". "Je ne voudrais pas que cette taxe carbone soit simplement une recette supplémentaire pour Bercy. S'il s'agit par ce biais de récupérer 4 ou 5 milliards dans la poche des contribuables, ce n'est pas possible", a-t-il affirmé sur le site lci.fr.

Cependant, il se dit "pas hostile au principe de fiscalité écologique", à condition de "ne pas se tromper de cible". "Le bonus-malus pour les voitures propres est une excellente mesure car c'est incitatif", ajoute-t-il.

Pas de baisse de la CSG

Pour le moment, la mesure à prendre pour compenser la taxe carbone n'a pas été définie. Interrogé sur la marche à suivre par le Figaro, Alain Juppé a estimé que "le plus simple serait de choisir la baisse d'un impôt existant et qui touche tout le monde", ajoutant que "si on veut garder l'effet d'incitation, la compensation ne doit pas être totale".

Le gouvernement ne s'est toujours pas exprimé sur le sujet, mais le Premier ministre, François Fillon, a exclut mardi de baisser la contribution sociale généralisée (CSG) pour compenser l'introduction de la taxe en 2010. Il a précisé que la compensation "se fera sur la base d'un transfert de fiscalité". "On baisse l'impôt sur le travail et l'investissement et on le replace sur la pollution et l'environnement", a-t-il expliqué.

A gauche, le bureau national du PS a apporté "à la quasi unanimité" son soutien à la proposition socialiste d'une "contribution climat énergie", selon les propos de la secrétaire nationale, Laurence Rossignol, à l'AFP (Agence France Presse). En revanche, le principal parti d'opposition n'est pas d'accord avec le gouvernement sur la mise en place d'une taxe qui ne touche pas les entreprises, les principaux pollueurs selon eux. A ce sujet, le gouvernement a refusé d'inclure les entreprises dans la taxe, estimant que leurs émissions de CO2 étaient déjà sanctionnées par les quotas européens.

De plus, selon Martine Aubry, premier secrétaire du parti socialiste, "le produit de la contribution (climat-énergie, ndlr) doit être utilisé pour aider les familles les plus en difficultés. Interrogée par Les Echos, elle plaide pour le remboursement de 200 euros de TVA pour les ménages les plus modestes ainsi qu'une aide pour les aider à réduire leur facture énergétique.

Sur ce point, le président de la République a précisé le 14 juillet dernier que cette contribution servirait à compenser la suppression de la taxe professionnelle. Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, a depuis précisé que le produit de cette taxe n'y suffirait pas.

Seule Ségolène Royal semble faire bande à part. La présidente de la région Poitou-Charentes avait dénoncé un "consensus mou" sur la taxe carbone, sans épargner son parti. Elle dénonce la création d'un "impôt sur l'essence" qui "assomme" les familles sans "libre choix" d'un transport propre.

La présidente du Parti chrétien-démocrate, Christine Boutin, rejoint la socialiste dans son combat pour la défense des familles. Elle a rappelé hier que "notre fiscalité est déjà marquée par une diminution de l'impact du quotient familiale" et appelé à ce que la taxe carbone l'intègre. En effet, selon elle, "les familles avec enfants se logent le plus souvent en périphérie" des grandes villes, où l'usage de la voiture est rendu indispensable par le manque de transports en commun.