Affaire Laetitia : les juges vent debout contre Sarkozy

Par latribune.fr  |   |  448  mots
Les syndicats de magistrats ont appelé à suspendre les audiences durant une semaine à partir de lundi.
Les audiences non urgentes seront suspendues dès ce lundi pour protester contre les propos du chef de l'Etat dans l'affaire Laetitia. Une journée de mobilisation nationale

Parti jeudi dernier de Nantes, la fronde des magistrats prend une ampleur sans précédent. Après le vote jeudi des magistrats nantais d'une "semaine sans audience", vendredi, l'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire, réputé à droite) a appelé à un report de toutes les audiences non urgentes en France jusqu'au jeudi 10 février, date de mobilisation nationale où une manifestation est prévue à Nantes.

De son côté, le syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) a appelé à deux jours de grève jeudi et vendredi. Sur le terrain, plusieurs assemblées générales ont décidé dans un certain nombre de juridictions (Rennes, Quimper, Besançon, Bayonne, Basse-Terre, Dijon, Pointe-à-Pitre, la Réunion) la suspension de tout ou partie des audiences. Et ce lundi, de nombreuses autres juridictions (Marseille, Nice, Nancy, Metz, Coutances, Caen) devraient suivre.

Manque de moyens

Les magistrats réagissent ainsi aux déclarations tenues par Nicolas Sarkozy à Orléans jeudi à propos de l'affaire Laetitia. Le chef de l'Etat avait alors estimé que des « dysfonctionnements graves » des services de police et de justice avaient permis la remise en liberté sans suivi de Tony Meilhon, principal suspect du meurtre de Laetita Perrais à Pornic (Loire-Atlantique), et avait appelé à des « sanctions » des responsables du suivi judiciaire de ce dernier. Des propos très mal reçus par les professionnels de la justice dans leur ensemble, qui attribuent les défaillances qui leur sont incriminées au manque de moyens et aux sous-effectifs auxquels ils sont confrontés et dont ils alertent régulièrement les pouvoirs publics.

"Nous sommes choqués par ce procès qui nous est fait. L'Etat refuse de nous donner les moyens que nous lui réclamons depuis des années", a ainsi réagi vendredi sur France Info Clarisse Taron, la présidente du SM, l'USM évoquant pour sa part des "attaques injustifiées" et estimant que le chef de l'Etat "stigmatise les magistrats". Une révolte rejointe par une quinzaine d'organisations de magistrats, d'avocats, de policiers et d'agents pénitentiaires. Même les hauts magistrats (présidents de tribunaux de grande instance, procureurs, premiers présidents de cour d'appel» ont fait part de leurs "préoccupations".

Déjà en septembre dernier...

Ce mouvement sans précédent, qui rappelle celui de septembre 2010, trouve sa source dans les relations de plus en plus tendues qu'entretient avec la justice Nicolas Sarkozy depuis son passage au ministère de l'Intérieur, dont le point d'orgue aurait été atteint avec l'affaire Laetitia. Depuis 2007, suppressions de postes, réformes de la carte judiciaire et de la procédure pénale et critiques publiques auront eu raison de la patience du monde judiciaire.