Magistrature : une juridiction sur quatre touchée par le report des audiences

Par latribune.fr  |   |  622  mots
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Le mouvement de protestation après les attaques de Nicolas Sarkozy envers des magistrats accusés de laxisme à Nantes, dans l'affaire du meurtre de la jeune Laëtitia, s'est généralisé ce lundi à tout le pays. Comme le président, François Fillon a promis des sanctions en cas de faute des juges.

"Leur réaction (aux magistrats) est excessive et je crains qu'elle ne puisse pas être comprise des Français", a déclaré le Premier ministre après avoir reçu ce lundi le ministre de la Justice, Michel Mercier, et celui de l'Intérieur, Brice Hortefeux. François Fillon a estimé que Nicolas Sarkozy s'était fait "l'écho avec coeur" du bouleversement des Français et a repris à son compte la thèse du dysfonctionnement de la justice formulée par le chef de l'Etat.

"Il était prévu qu'il (Tony Meilhon) soit suivi par un service de probation. Il ne l'a pas été. C'est un dysfonctionnement et ce dysfonctionnement est suffisamment grave dans ses conséquences pour le gouvernement ne puisse accepter de s'en tenir là", a insisté le chef du gouvernement.

Les ministres de la Justice et de l'Intérieur ont saisi les inspections générales des services judiciaires, pénitentiaires et de la police nationale. "Si des fautes sont relevées par ces inspections, dont nous connaîtrons bientôt les conclusions, elles seront sanctionnées. C'est légitime", a-t-il ajouté. François Fillon a dit en outre avoir demandé aux ministres compétents un rapport sur le manque de moyens dont souffrirait la justice.

Ces propos risquent de déplaire encore un peu plus aux magistrats dont le mouvement de protestation s'est amplifié ce lundi. "C'est une sorte de raz-de-marée, c'est vraiment le ras-le-bol de l'intégralité des magistrats français", a détaillé ce lundi à Reuters Virginie Valton, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Les syndicats de magistrats appellent en effet à reporter toutes les audiences non urgentes jusqu'à jeudi, jour d'une manifestation nationale des magistrats à Nantes.

Après Nantes, une cinquantaine de juridictions - un quart du total - ont amplifié cette "grève" lundi en milieu de journée, à Bordeaux, Aix-en-Provence, Lyon, Besançon, Pointe-à-Pitre, Mayotte, Strasbourg, Dijon, Saint-Etienne, Avignon, Auxerre, Bayonne, Rennes, La Rochelle, Le Havre, notamment. Environ 150 assemblées générales sont programmées ailleurs, notamment à Paris mardi, disent les syndicats.

Plusieurs personnalités de la majorité estiment que la magistrature tente de fuir toute notion de responsabilité. Le ministre de la Justice, Michel Mercier, maintient qu'il faut pouvoir sanctionner éventuellement les magistrats.

Les juges sont responsables, aux yeux de Nicolas Sarkozy, de négligence dans le suivi d'un homme sorti de prison en février 2010, Tony Meilhon, suspecté d'avoir tué près de Nantes une jeune fille de 18 ans, Laëtitia Perrais.

"En la matière, (Nicolas Sarkozy) est un multirécidiviste, parce que les attaques contre la justice sont monnaie courante depuis des années (...) Je pense qu'il est largement temps de lui appliquer la peine-plancher", a commenté ce lundi sur France Info le juge Marc Trévidic, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI). Il qualifie de "pipeau" la politique judiciaire de l'Elysée. De son côté, l'avocat général parisien Philippe Bilger, jadis proche du chef de l'Etat, s'est montré également virulent sur son blog, jugeant "la paix de la république troublée" par ces attaques.

Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke s'est exprimé sur Europe 1 pour parler de "polémique déplacée" et le procureur de Nice Eric de Montgolfier a aussi condamné dans plusieurs médias les propos du président. Les magistrats sont suivis par deux syndicats de police majoritaires, Unité-police et le Syndicat national des officiers de police (Snop).

Classée officiellement en 2010 au 37ème rang européen pour le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) par habitant consacré à la justice, la France a programmé pour 2011 7,1 milliards d'euros de crédits pour la justice, soit 2,5% du budget de l'Etat.